Intervention de Guillaume DENOIX de SAINT MARC,
le 21 octobre 2002
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Permettez-moi en premier lieu de saluer les familles des victimes du
DC 10 UTA, mobilisées afin d’être présentes
aujourd’hui. Certaines de ces familles sont venues de toute la
France, mais aussi d’Italie, de Grande-Bretagne et d’Afrique
pour manifester leur colère. Tous ceux qui n’ont pu venir
ont appelé, écrit et se mobilisent de chez eux auprès
de la presse et de leurs élus.
Remercions tous les amis, les proches, témoins de longue date
de notre colère et de note douleur, qui se sont joints à
nous aujourd’hui.
Je remercie Madame Françoise RUDETZKI, déléguée
générale de SOS ATTENTATS, Monsieur
Bernard MAQUENHEM, président de l’institution
UT 772 et Monsieur René LAPAUTRE
président d’UTA au moment de l’attentat
pour leur soutien et leur présence.
Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour exprimer
notre colère !
Tout d’abord, colère contre les
6 libyens condamnés suite à l’enquête
du juge Jean-Louis Bruguière par la Cour d’Assises spéciale
de Paris :
-
Abdallah
Senoussi, beau-frère de Kadhafi, numéro deux
des services secrets. Organisateur de stages de manipulation d’explosifs,
il a fourni l’engin explosif de l’attentat, donné
les instructions et contrôlé les opérations.
-
Abdallah
Elazragh, premier conseiller à l’ambassade de
Libye à Brazzaville.
A remis à Mangatany, porteur de la bombe, un billet d’avion
pour le vol UTA et la valise piégée.
-
Ibrahim
Naeli et Arbas Musbah, membres
des services secrets libyens, spécialistes en explosifs et
en problèmes aériens.
Ils ont vérifié l’engin explosif avant de le remettre
à Elazragh.
-
Issa Shibani,
membre des services secrets libyens. Il a acheté le minuteur
retrouvé dans les débris.
-
Abdelsalam
Hammouda, collaborateur de Senoussi et membre des services
secrets libyens.
Il a assuré un relais stratégique entre ce dernier et
Elazragh, Naeli et Musbah.
Le 19 septembre 1989, ils ont abattu sur ordre un avion de la compagnie
française UTA, tuant 170 personnes, de 17 nationalités
différentes, dont de nombreux enfants.
Le plus jeune n’avait pas 1 an.
Cet attentat reste le plus meurtrier jamais
perpétré contre la France.
La Cour d’Assises a rendu une décision, cette décision
n’a toujours pas été exécutée.
Les 6 assassins sont toujours en liberté, ce
crime reste impuni.
Ensuite, colère contre la Libye,
instigatrice de cet attentat, et son dirigeant le Colonel Kadhafi.
La Libye n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans
cet acte de terrorisme.
Elle n’a toujours pas pris en compte nos morts et nos souffrances
psychologiques et matérielles. Nous attendons toujours une véritable
reconnaissance et une véritable réparation de la part
des autorités libyennes pour cet attentat cruel, aveugle et lâche.
Enfin, colère contre la France,
qui reçoit aujourd’hui, officiellement et à Paris
le ministre libyen des Affaires Etrangères Abdel Raman Mohamed
CHALGHAM.
La France qui rétablit les relations franco-libyennes alors que
nous sommes toujours en attente de l’exécution des condamnations,
de toutes les condamnations.
Depuis le procès par contumace de 1999, le Quai d’Orsay
s’est concentré sur l’exécution de ce que
nous considérons comme accessoire : le paiement d’une indemnité
censée réparer le préjudice moral dont le montant
est perçu comme une aumône.
Les Pouvoirs publics oublient l’essentiel la condamnation des
6 agents libyens et l’implication de la Libye.
Quelques temps après le procès, Monsieur Roland DUMAS,
Ministre des Affaires étrangères nous avait proposé
de « tourner la page ».
Il y a un an, le 23 octobre 2001, le Ministre délégué
à la coopération et à la francophonie, Monsieur
Charles Josselin, à Tripoli, au sujet du DC10 UTA, déclarait
:
« On peut en effet, …, considérer que la parenthèse
est refermée et que désormais sur le plan aussi bien culturel
que scientifique, technique et bien sûr économique, la
coopération entre nos deux pays peut désormais se développer
normalement »
Il ne s’agit pas d’une page à tourner, encore moins
d’une parenthèse, mais d’un crime terroriste ayant
entraîné la mort de 170 civils innocents, visant la France.
Ce crime reste impuni.
Que vaut une condamnation si elle n’est
pas appliquée !
La France visée, nous pensions tous être défendus
par la France.
Choqués par cette insouciance politique, nous avons profité
de la visite en France du fils du Colonel Kadhafi, Saïf al Islam
Kadhafi pour initier une discussion avec des représentants libyens.
Ces contacts pour lesquels nous avons reçu l’assentiment
massif des familles du DC10 ont permis de faire entendre haut et fort
nos exigences aussi bien du côté libyen que français
et notre détermination à les obtenir.
Ces exigences sont simples et légitimes : la Libye doit reconnaître
ses actes et être sanctionnée.
L’impunité en matière de terrorisme est inacceptable.
Il semblerait que les autorités françaises et libyennes
nous aient enfin entendu, le voyage éclair de Monsieur de VILLEPIN
vendredi dernier est peut-être un signe encourageant.
Selon le communiqué du Quai d’Orsay il ne s’agirait
que de la partie civile de la décision de la Cour d’Assises.
La partie pénale de la décision est une fois de plus écartée.
Restons vigilants et déterminés.
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