PARIS (AP) - A l'heure où
le chef de la diplomatie française Dominique de Villepin
s'apprête à se rendre à Tripoli, les familles
de sept Américains tués dans l'attentat commis le
19 septembre 1989 contre un DC-10 de la compagnie UTA doivent porter
plainte ce mercredi devant la Cour fédérale de Washington
contre la Libye et son dirigeant le colonel Moammar Kadhafi.
Une démarche qu'avaient également intentée
en France les 311 membres de familles de victimes soutenus par SOS-Attentats
et qui s'est heurtée à un refus de la Cour de cassation.
Le 13 mars 2001, la plus haute juridiction française a en
effet estimé que "le crime commis par un chef d'Etat
en exercice, quelle que soit sa gravité, ne relève
pas des exceptions à l'immunité".
Mais cette barrière n'existe plus aux Etats-Unis où
le Congrès a amendé en 1996 la loi sur l'immunité
des souverains (Foreign sovereign immunities Act) autorisant ainsi
les procès contre les Etats étrangers qui ont commis
ou aidé à commettre des actes terroristes ayant provoqué
la mort ou des blessures de citoyens américains.
Les familles américaines, précise SOS-Attentats, réclament
2,2 milliards de dollars (2,24 milliards d'euros) de dommages et
intérêts à l'Etat libyen.
L'avion d'UTA qui reliait Paris à Brazzaville a explosé
le 19 septembre 1989 au-dessus du désert du Ténéré,
tuant les 170 passagers et membres d'équipage. Cet attentat,
et celui neuf mois plus tôt contre le vol 103 de la Pam Am
au dessus de Lockerbie en Ecosse, avait entraîné des
sanctions économiques des Nations unies contre la Libye fortement
soupçonnée d'être à l'origine de ces
actes terroristes.
Françoise Rudetzki a transmis l'ensemble du dossier d'instruction
français -soit 35.000 pages de procédure- aux avocats
américains. La déléguée générale
de SOS-Attentats a toujours demandé que Moammar Kadhafi soit
poursuivi personnellement, affirmant que le dirigeant libyen a commandité
les attentats.
Le 10 mars 1999, la Cour d'assises de Paris a condamné par
contumace six hauts fonctionnaires libyens, parmi lesquels Abdallah
Senoussi, beau-frère de Kadhafi, à la réclusion
criminelle à perpétuité pour leur participation
à l'attentat contre l'avion français.
"Nous voulons obtenir que la Libye livre les fonctionnaires
condamnés. Il faut qu'il purgent leur peine soit en Libye
soit ailleurs comme pour l'attentat de la Pan Am", a déclaré
mercredi Mme Rudetzki.
Dominique de Villepin doit de son côté se rendre à
Tripoli vendredi. Ce voyage présenté comme une "escale"
du ministre français des Affaires étrangères
en route pour le sommet de la francophonie à Beyrouth devait
officialiser la normalisation des relations franco-libyennes entamée
depuis la levée de l'embargo de l'ONU en 1999.
Ce déplacement précède la visite à Paris,
lundi 21 octobre, du ministre des Affaires étrangères
libyen, Abdel Rahmane Chalgham, qui vient assister à la première
réunion de la commission mixte franco-libyenne depuis vingt
ans.
Cet échange indigne les familles des victimes françaises
qui ont annoncé leur intention de manifester lundi à
11h devant le Quai d'Orsay.
"Pour les familles de victimes beaucoup de questions restent
sans réponse. Quel est le prix de l'impunité? Les
intérêts économiques et commerciaux sont souvent
éloignés des notions de justice élémentaires.
Comment accepter la complaisance, le retrait des plaintes, les pardons,
amnisties et autres impunités?", s'interroge SOS-Attentats
dans un communiqué.
L'association a saisi l'année dernière la Cour européenne
des Droits de l'Homme à Strasbourg du refus de la justice
française de poursuivre Moammar Kadhafi. Aucune décision
n'est intervenue pour l'instant. AP
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