victimes attentat

victimes attentat
(Mardi 22 octobre 2002)
Le rapprochement franco-libyen passe mal
Les familles des victimes de l'attentat du DC 10 d'UTA ont vivement protesté hier contre une visite ministérielle libyenne à Paris.

Des proches de victimes de l'attentat
du DC 10 d'UTA se sont rassemblés
hier matin près du Quai d'Orsay à
Paris pour protester contre la tenue
dans la capitale d'une « commission
mixte franco-libyenne ». Cent cin-
quante personnes, selon la police et
les organisateurs, se sont retrouvées sur
l'esplanade des Invalides, où elles ont déployé une banderole au moment où les ministres français et libyen des Affaires étrangères ouvraient leurs travaux, nouvelle étape dans le rapprochement entre les deux pays.
En 1980, 170 personnes avaient trouvé la mort, dont 53 Français, dans l'explosion d'un avion de la compagnie française UTA. Six fonctionnaires libyens avaient été condamnés par contumace en mars 1999 par la cour d'assises de Paris pour leur responsabilité.
Parmi les manifestants, munis de pancartes exigeant « l'exécution de toutes les peines », certains étaient
venus d'Italie et de Grande-Bretagne.
Une personne qui a perdu six membres de sa famille avait fait le déplacement du Cameroun.
Des textes ont été lus, de proches se disant « choqués » par la venue de responsables libyens en France et « le côté officiel de ces relations alors que le dossier, du DC 10 n'est pas clos ».
Les familles demandent que les six fonctionnaires libyens condamnés en mars

1999 purgent leur peine, ou viennent répondre de leurs actes dans un procès contradictoire et non, par contumace.
M. de Saint Marc suggère en outre l'idée d'une « indemnité compensatrice qui soit symboliquement la condamnation de la Libye ». Autant d'avancées qui « nous permettraient de commencer le deuil », a-t-il dit.


Première réunion depuis vingt ans

La réunion d'hier était la première depuis vingt ans d'une Commission mixte fixant les grandes lignes de la coopération bilatérale. Les travaux de la Commission, qui s'achèveront aujourd'hui, ont été ouverts au Centre des conférences internationales par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, Domi-. nique de Villepin et Abdel Rahmane Chagham.
« Nous sommes engagés dans la définition d'une relation que nous voulons marquer du sceau du dialogue, après une longue période de crise et d'incompréhension, pour surmonter avec responsabilité et lucidité les épreuves du passé », a déclaré M. de Villepin.
Cette commission avait été suspendue voicideux décennies en raison notamment des conflits au Tchad, de l'attentat contre l'avion d'UTA et de l'implication de la Libye dans des activités terroristes qui

provoquèrent la mise en place jusqu'en 1999 d'un embargo de l'ONU
Le rapprochement avait été scellé par une visite Vendredi de M. de Villepin.
Composée en fait de deux commissions, chargées respectivement de la coopération dans les domaines culturel, scientifique et technique et en matière économique, la Commission mixte composée d'une vingtaine de diplomates et d'experts de chaque pays doit déterminer les grands axes de la coopération pour les deux ou trois prochaines années.
Plusieurs secteurs de coopération ont déjà été dégagés tels que l'université et l'enseignement du français, l'eau et l'environnement, la valorisation du patrimoine naturel et archéoldgique et le tourisme.
Riche pays pétrolier, la Libye recherche aussi des investisseurs pour développer ses infrastructures, notamment dans le tourisme et souhaite accroitre ses échanges commerciaux avec la France, Avec plus d'un milliard d'euros, ceux-ci ont presque doublé l'an dernier par rapport à l'année précédente mais la France arrive encore loin derrière l'Italie et l'Allemagne, principaux partenaires économiques de Tripoli.

« Pour que prime la démocratie ! »

Françoise Tenenbaum, soeur de Jean-Pierre Klein, comédien nancéien, victime de l'attentat de septembre 1989 au dessus du Ténéré était hier parmi les familles rassemblées à Paris. Témoignage
- Pourquoi cette manifestation devant le Quai d'Orsay?
- Pour protester contre la venue à Paris du ministre libyen des Affaires étrangères. Pour montrer qu'on est toujours présents, qu'on n'oublie pas l'attentat qui a eu lieu en 1989. Entre autres mon frère était dans l'avion. D'une façon évidente, les choses ne sont pas réglées entre la Libye, la France et les victimes. On sent très bien depuis quelque temps, et cela a l'air de s' officialiser, que la France veut renouer avec la Libye, un pays qui veut se refaire une virginité. nous choque vraiment. Au plan judiciaire, les choses n'ont été réglées que d'une façon formelle par un procès par contumace, en 1999, tres frustrant pour nous.

On sait bien que les six responsables de l'attentat (condamnés à perpétuité ndlr) sont libres de leurs faits et gestes et vivent une vie normale, eux.
- Que demardent les familles ? Qu'ils purgent leur peine ou qu'ils répondent de leurs actes lors d'un procès contradictoire?
- Oui, même si nous sommes à peu près sûrs que cela restera des vœux pieux. Mais sur le principe, nous y tenons beaucoup. Kadhafi lui-même est mis en cause. Une procédure est menée au plan européen, devant la Cour des droits de l'homme de Strasbourg. En France, la Cour de cassation a estimé en 2000 que, parce qu'il était en exercice, on ne pouvait rien contre lui.
- Quel était le sens de votre rassemblement ?
- Cela a beau s'être passé il y a treize ans, on est tous très déterminés: on était au moins 150, face au Quai d'Orsay. Uniquement des familles et des amis.

C'était très dur, très émouvant.
Une très grande banderole avait
été déployée, avec le nom des
170 victimes. On les a lus. Un moment difficile. Depuis, on se réunit tous les ans et on se connaît tous. Notre détermination, ce n'est pas dans un esprit de vengeance. On voudrait que ce soit la démocratie, qui prime, pas l'esprit commercial.
- La reprise des discussions franco-libyennes, à votre sens, c'est d'abord ça ?
- Evidemment. ça l'a déjà été ! On a tous en souvenir que deux mois après l'attentat, Roland Dumas, alors aux Affaires étrangères, nous avait déjà dit qu'il fallait tourner la page. On en avait été horriblement choqué. A fortiori maintenant.
Propos recueillis
par Jean-Marie COLIN

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