victimes attentat

victimes attentat
(Mercredi 30 octobre 2002)
Le trublion Kadhafi en Afrique francophone
Actif et dépensier, il attise les braises en Côte d'Ivoire, au Tchad, en
Centrafrique et dans l'ex-Zaïre.

Le colonel libyen s'est fait un plaisir de recevoir Dominique de Villepin, le 18 octobre. Et d'envoyer son ministre des Affaires étrangères rencontrer Chirac, trois jours plus tard. En principe, tout va pour le mieux avec Kadhafi, et l'on a servi aux médias une fort convenable version de ces deux entrevues.
La visite de Villepin à Tripoli officialisait, paraît-il, la normalisation des relations franco-libyennes, et permettait de réclamer une indemnisation correcte pour les familles des 170 victimes d'un attentat dont les services secrets de Kadhafi sont responsables. Celui qui a abouti au crash du DC 10 d'UTA dans le désert du Niger, en septembre 1989.
Quant à Chirac, il n'aurait accueilli l'êmissaire du colonel que dans l'intention de montrer son intérêt pour la réunion, à Paris, de la commission mixte francolibyenne, la première depuis vingt ans... Et prière à chacun de croire que le Président et Villepin n'ont pas évoqué, un seul instant, le rôle tenu par ce brave Kadhafi dans divers conflits africains.
L'incorrigible et riche colonel se montre pourtant si actif qu'il mérite mieux que ce silence pudique. Les services français de renseignement, le Quai d'Orsay et l'Elysée le savent, s'ils n'ont pas, pour l'heure, l'envie d'en parler ouvertement.
Au nord du Tchad, Kadhafi appuie des groupes rebelles qui aimeraient renverser le président Idriss Déby, un homme peu estimé à Paris, mais ceci ne justifie
pas cela. En République démocratique du
Congo (l'ex-Zaïre), notre ami libyen est en quelque sorte l'associé de Jean-Pierre
Bemba et de son MLC (Mouvement de
libération du Congo), dont l'intention est
de chasser le jeune président Kabila de
Kinshasa. Ce n'est; pas gagné, mais le pays regorge de tant de richesses...
Ironie de ces implantations militaires
à succursales multiples: Kadhafi se retrouve, au pays de feu Bokassa, dans le même camp que la France. Depuis longtemps, il a installé des troupes à demeure en Centrafrique, afin d'y soutenir le président Ange-Félix Patassé.

Et la semaine dernière, Paris a apporté, en paroles, son soutien à Patassé, une fois encore aux prises avec un nouveau coup d'État de son ex-chef d'état-major de l'armée.
Cest en Côte d'Ivoire que l'ingérence de Kadhafi est la plus sournoise. Le 19 septembre dernier recevant à Tripoli de hauts responsables africains, il s'est gentiment payé leur tête. A l'en croire, aucun coup d'État n'était fomenté à Abidjan et il ne s'agissait que de mouvements d'humeur de soldats inquiets pour leur avenir.



L'esprit mutin du chef libyen

En réalité, Kadhafi utilise les conflits ethniques en Côte d'Ivoire et a financé, plus ou moins directement, les achats d'armes des militaires qui veulent renverser le président Laurent Gbagbo et qui occupent désormais le nord du pays. Le tout, armes et monnaie, passant par le Burkina voisin, avec, selon les services français et les diplomates lucides, l'aimable complicité du patron du pays, Blaise Campaoré. Lequel a accueilli, naguère, nombre de militaires ivoiriens participant à l'actuelle rébellion, mais soutient que les frontières entre les deux Etats sont poreuses et qu'il ny peut rien si la Côte d'Ivoire est en ébullition.
Des propos qui font sourire les « africains
» du Quai d'Orsay ou de l'Elysée: à plusieurs reprises, et notamment en

septembre 2001, à Paris, un proche collaborateur de Campaoré, colonel de son état, accompagnait, lors de ses divers contacts politiques, le fameux « IB » (Ibrahim Coulibaly), l'un des chefs des mutins ivoiriens. L'actuel cessez-le-feu, avec des unités françaises en « force tampon », sanctionne de fait la partition d'un pays instable qui a, depuis plusieurs années, vécu le pire : mutineries à répétition, complots, coups d'État, émeutes ethniques, tueries, etc. Puis le meilleur: un président élu normalement (Gbagbo) qui ne truque pas les élections législatives et municipales. Et qui les perd...
A son passif, il n'a pas mesuré les risques ni su - ou pu ?- réduire les conflits ethniques et empêcher, pendant le récent coup dEtat, l'assassinat de son prédécesseur, le général Gueï. Enfin, il n'est pas de la « famille » des présidents africains classiques. Emprisonné à quatre reprises (sous Houphouët, sous Bédié et à la demande de Ouattara alors Premier ministre), il se veut socialiste et surtout différent.
Moralité : il risque d'y avoir encore de la besogne en Côte d'Ivoire et ailleurs pour la « main-d'œuvre, armée ». A savoir ces groupes de mercenaires ou de va-nu-pieds libériens, sierra-léonais, burkinabés, congolais, maliens et « apatrides » qui parcourent l'Afrique à la recherche d'un emploi et de la solde qu'ils méritent. Chirac et Villepin devraient peut-être demander à Kadhafi de se montrer plus économe.
Claude Angoli

•Record battu : cinq Etats de l'Afrique francophone connaissent des guerres civiles durables ou à répétition. A savoir le Tchad, la Côte d'ivoire, le Congo-Brazzaville, le Centrafrique et la République démocratique (sic) du Congo.
L'ombre de Kadhafi plane sur quatre d'entre elles. Et il finance, en plus, les dépenses budgétaires du Togo. Quelle générosité...

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