GENEVE (AFP) - Malgré la ferme opposition des Etats-Unis,
la Libye a accédé lundi à la présidence
pour un an de la Commission des droits de l'homme (CDH) de l'ONU,
grâce au vote d'une large majorité des 53 Etats membres
en sa faveur.
Pour la première fois dans l'histoire de la Commission créée
en 1946, la désignation du président a donné
lieu à un scrutin, demandé par Washington. Jusqu'ici,
chaque année, l'un des cinq groupes géographiques
composant la Commission désignait un candidat qui était
approuvé par simple acclamation.
Dès le début de la session, lundi, les Etats-Unis
ont saisi la présidence polonaise d'une demande de vote et
les pays africains, tout en la jugeant "regettable", ne
s'y sont pas opposés.
Mme Najat Al-Hajjaji, ambassadeur de Libye auprès des Nations
Unies, a finalement été élue, lors d'un vote
à bulletins secrets, par 33 voix sur 53. Trois Etats ont
voté contre: les Etats-Unis, le Canada et le Guatemala, selon
des sources diplomatiques. Dix-sept pays se sont abstenus, parmi
lesquels vraisemblablement les sept pays de l'Union européenne,
membres de la Commission.
La décision des 15 pays africains de la Commission de choisir
la Libye, prise en juillet dernier lors du sommet de Durban de l'Union
africaine, avait suscité la "profonde inquiétude"
de Washington, exprimée dès le mois d'août.
Réadmis, fin avril, au sein de la Commission dont ils avaient
été absents lors de sa session du printemps 2002,
faute d'avoir été élus, les Etats-Unis ont
clamé haut et fort qu'une présidence libyenne jetterait
le discrédit sur cette instance de l'ONU, chargée
de veiller au respect des droits de l'homme.
Washington a rappelé à plusieurs reprises que la Libye
violait ouvertement ces droits, tout comme l'ont fait plusieurs
ONG de défense des droits de l'homme.
Les Etats-Unis reprochent aussi au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi
d'avoir commandité plusieurs attentats terroristes dont celui
contre un appareil de la PanAm, au-dessus de Lockerbie (Ecosse),
en décembre 1988, faisant 270 morts.
En conséquence, Washington avait demandé le soutien
des autres membres de la Commission pour voter contre la candidature
libyenne. A l'issue du vote, le représentant des Etats-Unis
auprès de l'ONU à Genève, Kevin Moley, a exprimé
"la profonde déception" de son gouvernement.
"Nous regrettons que d'autres membres de la Commission ne nous
aient pas rejoints en ce jour pour adresser un message clair à
la Libye et au reste du monde: que ceux qui violent les droits de
l'homme ne sont pas dignes d'occuper des positions d'autorité
morale et politique dans le système de l'ONU", a-t-il
déclaré à la presse.
Pour l'ONG Human Right Watch qui a également dénoncé
les violations des droits en Libye, Loubna Freih a regretté
que le groupe africain, contacté par son organisation, n'ait
pas répondu favorablement à sa demande de désigner
un autre candidat.
A Tripoli, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères
Hassouna al-Chaouch, a parlé d'une "victoire éclatante
qui a rendu leurs droits aux peuples opprimés" et a
remercié les "pays amis" qui ont refusé
les pressions, soit les pays arabes et islamiques, mais aussi européens,
a-t-il dit en nommant la France, l'Italie et la Grande-Bretagne.
Au cours de sa première intervention devant la Commission,
Mme Al-Hajjaji qui présidera la 59e session de la CDH, du
17 mars au 25 avril, a remercié en premier lieu le groupe
africain de lui avoir témoigné sa confiance en décidant
de choisir son pays, "la première résolution
de la grande Union africaine créée le 10 juillet 2002",
a-t-elle dit.
Elle a exprimé sa foi dans "l'universalité et
l'indivisibilité" des droits de l'homme, avant d'ajouter:
"Nous devons prendre en compte également la richesse
de la diversité culturelle, philosophique (...). Nous devons
tenir compte de l'importance des spécificités nationales
et régionales, ainsi que de la pluralité des toiles
de fond historiques, culturelles et religieuses des peuples".
Le Sri Lanka, le Pérou et l'Australie ont été
désignés comme vice-présidents, et la Croatie
comme rapporteur du Bureau de la Commission |