Yves THREARD
Si le bon sens existe, est-il compatible avec la diplomatie ?
Le bon sens exigerait que, le jour où s'ouvre à
l'ONU une réunion du Conseil de sécurité
consacrée à la lutte contre le terrorisme, la commission
des droits de l'homme des Nations unies ne porte pas la Libye
à sa présidence. Ce pays est notamment accusé
d'avoir commandité l'attentat perpétré en
1988 contre le vol de la PanAm au-dessus de Lockerbie. Comment
expliquer que la France, pourtant fer de lance du combat contre
le terrorisme international, n'ait pas voté contre le représentant
du colonel Kadhafi ? Elle s'est abstenue, comme d'autres Européens.
Les Etats-Unis vitupèrent. Ils ne sont pas plus logiques
pour autant.
Le bon sens voudrait qu'ils réservent à la Corée
du Nord le même sort qu'ils promettent à l'Irak.
Le bon sens commanderait la divulgation de preuves irréfragables
de la culpabilité d'un Etat présumé voyou
avant de lui déclarer la guerre et d'engager le monde vers
un horizon incertain. Le bon sens... Le bon sens est-il condamné
à se taire ?
Le fait que Paris se démarque chaque jour davantage de
Washington apparaît toutefois comme une attitude opportune
et pragmatique.
En organisant, hier, une réunion contre le terrorisme,
la France, qui dirige le Conseil de sécurité de
l'ONU ce mois-ci, a voulu rappeler que l'ennemi numéro
un n'est pas Saddam Hussein mais la terreur planétaire
entretenue par les islamistes. Un danger permanent contre lequel
les démocraties sont mal armées.
L'Amérique l'aurait-elle oublié ? Après la
tragédie du 11 septembre, elle a multiplié les arrestations
et les alertes. Depuis, silence radio comme si seul Bagdad retenait
son attention. Est-ce logique ? C'est en Europe que les coups
de filet les plus spectaculaires ont été menés.
Le dernier en date, dans une mosquée londonienne, marque
d'ailleurs un tournant dans la politique britannique. L'Angleterre
est longtemps restée une base de repli pour les activistes
islamistes.
C'est aussi à l'intérieur du Vieux Continent que
se concrétise un début de coopération entre
les polices. C'est peu de dire que les services américains
semblent moins ouverts à une collaboration.
Mais le rendez-vous d'hier avait un autre enjeu. Une semaine avant
la remise du rapport sur l'Irak des inspecteurs en désarmement,
il était l'occasion pour la France de faire entendre sa
voix. Celle des règles internationales, en condamnant une
éventuelle attaque des Etats-Unis sur Bagdad, sans preuves
et sans vote préalable d'une nouvelle résolution
à l'ONU. Mission impossible ? Ce qui est sûr, c'est
qu'une guerre ne pourra que faire augmenter la menace terroriste.
Pas le contraire, sauf à démontrer l'omnipotence
de Saddam. Le bon sens paraît logé de ce côté-ci
de l'Atlantique.
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