La Libye a annoncé avoir
accepté de prendre sa responsabilité civile dans l'attentat
de Lockerbie, dans l'espoir d'obtenir une levée des sanctions,
une position qualifiée de réaliste par des analystes.
Tripoli a admis pour la première fois mardi, par la voix
de son ministre des Affaires étrangères Abdel Rahmane
Chalgham sa responsabilité civile "pour les actions
de ses fonctionnaires dans l'affaire de Lockerbie". "La
Libye a opté pour une approche politique plus réaliste,
dictée par les développements dans les rapports
de force sur la scène internationale", a affirmé
le rédacteur en chef du magazine gouvernemental égyptien
Al-Moussawar, Makram Mohamed Ahmed.
Le chef de la diplomatie libyenne, a affirmé espérer
un dédommagement rapide des familles des 270 victimes de
l'attentat, survenu en décembre 1988. Ce dédommagement
est estimé à 2,7 milliards de dollars à raison
de 10 millions de dollars par famille. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
ont cependant affirmé ne pas avoir de confirmation officielle.
"Nous avons vu des informations de presse, mais n'avons rien
entendu de la part du gouvernement libyen", a déclaré
une porte-parole du département d'Etat, Lynn Cassel. Londres
n'a pas reçu de confirmation officielle mais "saluerait
l'application par la Libye des résolutions de l'Onu",
a déclaré pour sa part une porte-parole du Foreign
Office.
Depuis 1988, la Libye avait catégoriquement refusé
cette proposition. Le 12 mars, elle était cependant parvenue
à un accord avec les Américains et les Britanniques,
stipulant qu'elle prenne une part de responsabilité dans
l'attentat. "C'est une tentative de la part de la Libye d'accorder
sa situation politique aux changements internationaux et d'éviter
toute confrontation avec les Etats-Unis", a ajouté
M. Ahmed, proche du président égyptien Hosni Moubarak.
Il n'écarte pas que M. Moubarak ait "conseillé"
au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi d'admettre les "nouvelles
donnes" dans la politique internationale, dont la guerre
contre l'Irak est la démonstration la plus récente
et la plus flagrante.
Le renversement par la force du régime de Saddam Hussein
est intervenu à peine plus d'une année après
l'offensive américaine qui a éliminé le régime
des taliban en Afghanistan, accusé de soutenir le réseau
terroriste d'al-Quaïda, responsable des attentats du 11 septembre.
Les Etats-Unis se montrent également extrêmement
critiques envers leur plus fidèle allié dans la
région, l'Arabie saoudite, depuis qu'il s'est révélé
que 15 sur 19 des auteurs de l'attentat du World Trade Center
étaient originaires de ce pays.
Washington a également proféré des menaces
en avril contre la Syrie, qu'elle accuse de soutenir le terrorisme
et d'offrir refuge aux dirigeants irakiens en fuite. "Tout
porte à croire que Tripoli veut éviter une confrontation",
estime M. Ahmed. Au fur et à mesure du règlement
des dédommagements, qui se fera en trois étapes,
la Libye veut obtenir en contrepartie que les sanctions qui lui
sont imposées par l'Onu soient levées immédiatement
après le premier paiement, et que les sanctions américaines
soient levées après le deuxième paiement.
Après le troisième paiement, Tripoli exigera d'être
effacée de la liste américaine des pays soutenant
le terrorisme.
Interrogé en février 2001, s'il pourrait accepter
de verser les indemnités aux familles des victimes contre
la levée des sanctions, le colonel Kadhafi avait catégoriquement
refusé, affirmant que la Libye "n'avait pas à
accepter des compromis ou faire des concessions". "Il
reste à savoir si la nouvelle position libyenne permettra
de fermer le dossier, ou si, au contraire, elle servira de prétexte
pour créer un nouveau problème et lancer d'autres
chantages pour faire pression sur Tripoli pour en extorquer davantage
de concessions", s'interroge M. Ahmed.
"Avec la présence des faucons à Washington,
tout laisse à croire que la victoire des Américains
en Irak aiguisera leur appétit pour d'autres victoires
et les poussera à davantage de durcissement envers ces
régimes qu'ils estiment être des +régimes
voyous+", affirme-t-il.
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