victimes attentat

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(Dimanche 4 mai 2003)

Tripoli rachète sa faute

La Libye reconnaît sa responsabilité dans l'attentat contre l'avion de la PanAm qui a coûté la vie à 270 personnes en 1988. Et accepte de dédommager grassement les familles des victimes.

Quinze ans d'âpres négociations et une première victoire : la Libye a annoncé, le 29 avril, qu'elle accepte d'endosser la responsabilité civile « pour les actions de ses fonctionnaires dans l'affaire de Lockerbie », qui a coûté la vie à 270 personnes (dont 259 passagers, pour la plupart américains), le 21 décembre 1988. Une déclaration faite par son ministre des Affaires étrangères, Abdel Rahmane Chalgham, et accueillie à Washington par un sibyllin : « La Libye sait ce qu'elle doit faire, il n'y a pas de raccourcis. »
La chose est donc quasi officielle même si, fin avril, les États-Unis et la Grande-Bretagne affirmaient n'en avoir reçu aucune confirmation par voie diplomatique. La Libye en avait d'ailleurs accepté le principe, dès le 12 mars, en concluant un accord avec Londres et Washington. Encore fallait-il que Tripoli se pliât aux exigences des Nations unies en reconnaissant sa responsabilité dans l'attentat et, par conséquent, pour l'action d'Abdel Basset Ali el-Megrahi (condamné à la prison à vie le 31 janvier 2001). Mais aussi qu'elle renonce au terrorisme, qu'elle révèle ce qu'elle sait de l'explosion et, surtout, qu'elle verse des compensations financières.

Tout porte aujourd'hui à croire que la Libye veut éviter une confrontation avec Washington. Abdel Rahmane Chalgham a affirmé qu'il espérait un dédommagement rapide des familles des victimes. Estimé à 2,7 milliards de dollars, à raison de 10 millions par famille (9 millions d'euros), il devrait s'opérer en trois étapes. En contrepartie, Tripoli veut que les sanctions qui lui sont imposées par l'ONU soient levées immédiatement après le premier paiement, et que les sanctions américaines le soient après le deuxième. Une fois le troisième effectué, elle exigera d'être retirée de la liste américaine des pays qui soutiennent le terrorisme.

Reste à savoir si les déclarations libyennes permettront de clore le dossier ou si les Américains en profiteront pour accentuer leur pression sur Tripoli. Car la victoire contre l'Irak a aiguisé l'appétit de Washington, qui pourrait bien durcir sa position vis-à-vis des « États voyous ». En exigeant, par exemple, que la Libye détruise ses armes de destruction massive ou qu'elle mette fin à un éventuel programme nucléaire.

De leur côté, les familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA, au-dessus du Niger en 1989, jugent cet arrangement « inacceptable » : « Tuer un Américain ou un Anglais est-il plus dangereux pour un terroriste que de tuer quelqu'un d'une autre nationalité ? » Leurs ayants droit rappellent qu'ils n'ont obtenu que 3 000 à 30 000 euros (selon le lien de parenté) au titre du préjudice moral. Et un procès par contumace au terme duquel la Libye n'a pas reconnu son implication.

Anne Kappès-Grangé

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