La
Libye reconnaît sa responsabilité dans l'attentat
contre l'avion de la PanAm qui a coûté la vie à
270 personnes en 1988. Et accepte de dédommager grassement
les familles des victimes.
Quinze ans d'âpres négociations
et une première victoire : la Libye a annoncé, le
29 avril, qu'elle accepte d'endosser la responsabilité
civile « pour les actions de ses fonctionnaires dans l'affaire
de Lockerbie », qui a coûté la vie à
270 personnes (dont 259 passagers, pour la plupart américains),
le 21 décembre 1988. Une déclaration faite par son
ministre des Affaires étrangères, Abdel Rahmane
Chalgham, et accueillie à Washington par un sibyllin :
« La Libye sait ce qu'elle doit faire, il n'y a pas de raccourcis.
»
La chose est donc quasi officielle même si, fin avril, les
États-Unis et la Grande-Bretagne affirmaient n'en avoir
reçu aucune confirmation par voie diplomatique. La Libye
en avait d'ailleurs accepté le principe, dès le
12 mars, en concluant un accord avec Londres et Washington. Encore
fallait-il que Tripoli se pliât aux exigences des Nations
unies en reconnaissant sa responsabilité dans l'attentat
et, par conséquent, pour l'action d'Abdel Basset Ali el-Megrahi
(condamné à la prison à vie le 31 janvier
2001). Mais aussi qu'elle renonce au terrorisme, qu'elle révèle
ce qu'elle sait de l'explosion et, surtout, qu'elle verse des
compensations financières.
Tout porte aujourd'hui à croire que la Libye veut éviter
une confrontation avec Washington. Abdel Rahmane Chalgham a affirmé
qu'il espérait un dédommagement rapide des familles
des victimes. Estimé à 2,7 milliards de dollars,
à raison de 10 millions par famille (9 millions d'euros),
il devrait s'opérer en trois étapes. En contrepartie,
Tripoli veut que les sanctions qui lui sont imposées par
l'ONU soient levées immédiatement après le
premier paiement, et que les sanctions américaines le soient
après le deuxième. Une fois le troisième
effectué, elle exigera d'être retirée de la
liste américaine des pays qui soutiennent le terrorisme.
Reste à savoir si les déclarations libyennes permettront
de clore le dossier ou si les Américains en profiteront
pour accentuer leur pression sur Tripoli. Car la victoire contre
l'Irak a aiguisé l'appétit de Washington, qui pourrait
bien durcir sa position vis-à-vis des « États
voyous ». En exigeant, par exemple, que la Libye détruise
ses armes de destruction massive ou qu'elle mette fin à
un éventuel programme nucléaire.
De leur côté, les familles des victimes de l'attentat
contre le DC-10 d'UTA, au-dessus du Niger en 1989, jugent cet
arrangement « inacceptable » : « Tuer un Américain
ou un Anglais est-il plus dangereux pour un terroriste que de
tuer quelqu'un d'une autre nationalité ? » Leurs
ayants droit rappellent qu'ils n'ont obtenu que 3 000 à
30 000 euros (selon le lien de parenté) au titre du préjudice
moral. Et un procès par contumace au terme duquel la Libye
n'a pas reconnu son implication.
Anne Kappès-Grangé
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