Luc de Barochez La
France a menacé hier de bloquer la levée des sanctions
internationales contre la Libye si Tripoli ne versait pas d'indemnités
substantielles aux familles des victimes d'un attentat perpétré
contre un avion français en 1989 au-dessus du Niger. Cause
de l'alarme de Paris : les signes se multiplient d'un possible
règlement américano-libyen au sujet d'un autre attentat,
celui de Lockerbie, qui fit 270 morts le 21 décembre 1988.
Selon le quotidien américain Washington
Post d'avant-hier, le dirigeant libyen, Muammar Kadhafi,
serait disposé à reconnaître bientôt
la responsabilité de son pays dans l'attaque qui a détruit
un Boeing 747 de la Pan Am au-dessus du petit village de Lockerbie
en Ecosse. Dans le cadre du règlement qui se dessine, Tripoli
verserait 2,7 milliards de dollars de compensations aux familles
des passagers et membres d'équipage de l'avion américain.
Cette somme représente 10 millions de dollars par victime.
Elle est cependant à partager entre les ayants droit, qui
peuvent être nombreux. Il faut en outre en déduire
les frais d'avocat et les prélèvements du fisc.
En échange, les Etats-Unis s'engageraient
à favoriser une levée des sanctions de l'ONU contre
la Libye, à abroger leurs propres mesures unilatérales
contre ce pays, et enfin à le rayer de la liste des Etats
qu'ils accusent de soutenir le terrorisme.
Dans cette affaire, la France ne veut pas être
la laissée-pour-compte. Elle réclame que les ayants
droit des victimes de l'attentat contre le vol français
UTA 772, le 19 septembre 1989, touchent des indemnités
analogues. Un total de 170 passagers et membres d'équipage,
de dix-sept nationalités différentes, avaient été
tués. L'attentat a, comme celui de Lockerbie, été
attribué aux services secrets libyens. Or, dans le dossier
UTA, les indemnités acceptées par Tripoli vont de
3 000 à 30 000 euros par ayant droit, une somme bien inférieure
à celle envisagée en faveur des victimes de Lockerbie.
Le Quai d'Orsay a estimé hier que les
indemnités versées dans l'affaire UTA doivent être
«jugées en équité par rapport aux
compensations que recevront les ayants droit des victimes de Lockerbie.
Nous attendons des progrès substantiels sur ce point avant
toute levée des sanctions», a indiqué
le porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Selon lui, la France «n'est pas prête à
transiger sur ce point».
Les sanctions de l'ONU contre la Libye, qui comprennent
notamment un embargo sur les liaisons aériennes avec ce
pays, ont été suspendues après que Tripoli
eut livré deux suspects de l'attentat de Lockerbie. L'un
d'eux a été condamné à la prison à
vie, en 2001, par un tribunal écossais spécial siégeant
aux Pays-Bas. Mais les sanctions contre la Libye n'ont pas encore
été formellement levées, ce qui freine les
investissements dans ce pays riche en pétrole. C'est pourquoi
le colonel Kadhafi s'efforce aujourd'hui d'obtenir leur suppression
complète, et serait prêt pour cela à reconnaître
sa responsabilité dans le crime de Lockerbie.
La France a marqué son souhait que «l'épisode
douloureux (de Lockerbie) puisse trouver une issue satisfaisante».
Elle a rappelé qu'elle était «restée
très solidaire» des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne
tout au long de cette affaire. En contrepartie, elle attend aujourd'hui
que ces pays «le soient également à l'égard
des victimes du vol UTA 772».
«Nous sommes toujours en contact avec
nos interlocuteurs libyens afin d'obtenir l'assurance que satisfaction
sera donnée aux demandes légitimes des familles,
tant françaises qu'étrangères, des victimes
du vol UTA», a indiqué le porte-parole du Quai
d'Orsay.
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