victimes attentat

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(Vendredi 8 août 2003)

INTERNATIONAL
Libye : Paris refuse la levée des sanctions

Luc de Barochez

La France a menacé hier de bloquer la levée des sanctions internationales contre la Libye si Tripoli ne versait pas d'indemnités substantielles aux familles des victimes d'un attentat perpétré contre un avion français en 1989 au-dessus du Niger. Cause de l'alarme de Paris : les signes se multiplient d'un possible règlement américano-libyen au sujet d'un autre attentat, celui de Lockerbie, qui fit 270 morts le 21 décembre 1988.

Selon le quotidien américain Washington Post d'avant-hier, le dirigeant libyen, Muammar Kadhafi, serait disposé à reconnaître bientôt la responsabilité de son pays dans l'attaque qui a détruit un Boeing 747 de la Pan Am au-dessus du petit village de Lockerbie en Ecosse. Dans le cadre du règlement qui se dessine, Tripoli verserait 2,7 milliards de dollars de compensations aux familles des passagers et membres d'équipage de l'avion américain. Cette somme représente 10 millions de dollars par victime. Elle est cependant à partager entre les ayants droit, qui peuvent être nombreux. Il faut en outre en déduire les frais d'avocat et les prélèvements du fisc.

En échange, les Etats-Unis s'engageraient à favoriser une levée des sanctions de l'ONU contre la Libye, à abroger leurs propres mesures unilatérales contre ce pays, et enfin à le rayer de la liste des Etats qu'ils accusent de soutenir le terrorisme.

Dans cette affaire, la France ne veut pas être la laissée-pour-compte. Elle réclame que les ayants droit des victimes de l'attentat contre le vol français UTA 772, le 19 septembre 1989, touchent des indemnités analogues. Un total de 170 passagers et membres d'équipage, de dix-sept nationalités différentes, avaient été tués. L'attentat a, comme celui de Lockerbie, été attribué aux services secrets libyens. Or, dans le dossier UTA, les indemnités acceptées par Tripoli vont de 3 000 à 30 000 euros par ayant droit, une somme bien inférieure à celle envisagée en faveur des victimes de Lockerbie.

Le Quai d'Orsay a estimé hier que les indemnités versées dans l'affaire UTA doivent être «jugées en équité par rapport aux compensations que recevront les ayants droit des victimes de Lockerbie. Nous attendons des progrès substantiels sur ce point avant toute levée des sanctions», a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Selon lui, la France «n'est pas prête à transiger sur ce point».

Les sanctions de l'ONU contre la Libye, qui comprennent notamment un embargo sur les liaisons aériennes avec ce pays, ont été suspendues après que Tripoli eut livré deux suspects de l'attentat de Lockerbie. L'un d'eux a été condamné à la prison à vie, en 2001, par un tribunal écossais spécial siégeant aux Pays-Bas. Mais les sanctions contre la Libye n'ont pas encore été formellement levées, ce qui freine les investissements dans ce pays riche en pétrole. C'est pourquoi le colonel Kadhafi s'efforce aujourd'hui d'obtenir leur suppression complète, et serait prêt pour cela à reconnaître sa responsabilité dans le crime de Lockerbie.

La France a marqué son souhait que «l'épisode douloureux (de Lockerbie) puisse trouver une issue satisfaisante». Elle a rappelé qu'elle était «restée très solidaire» des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne tout au long de cette affaire. En contrepartie, elle attend aujourd'hui que ces pays «le soient également à l'égard des victimes du vol UTA 772».

«Nous sommes toujours en contact avec nos interlocuteurs libyens afin d'obtenir l'assurance que satisfaction sera donnée aux demandes légitimes des familles, tant françaises qu'étrangères, des victimes du vol UTA», a indiqué le porte-parole du Quai d'Orsay.

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