«Ne
pas oublier les victimes du DC 10»
Guillaume Denoix
de Saint-Marc, porte-parole du collectif des familles des victimes
de l'attentat contre le DC 10 français d'UTA en 1989, commente
pour Le Figaro les conséquences de l'accord sur Lockerbie.
|
Propos recueillis par Luc
de Barochez LE FIGARO. –
Que vous inspire l'accord signé par la Libye pour indemniser
les victimes de Lockerbie ?
Guillaume DENOIX DE SAINT-MARC. – Nous
sommes très heureux que les victimes de Lockerbie voient
le bout du tunnel. Mais il serait inacceptable que les familles
de l'attentat du DC 10 soient oubliées. Nous réclamons
un traitement équitable pour les victimes. La responsabilité
de l'État libyen dans l'attentat a été établie
par l'enquête du juge Bruguière et le procès
qui s'est tenu à Paris en 1999. Les responsables libyens
condamnés par contumace sont toujours en liberté
en Libye. Nous première demande était de rouvrir
le procès, en France, en présence des inculpés.
A défaut, nous voulons une compensation pour la non-application
des décisions de justice. Nous réclamons une reconnaissance
de la responsabilité de l'État libyen et un règlement
de l'aspect financier.
Comment se passent vos négociations
?
Officiellement, nous discutons avec la Fondation internationale
Kadhafi de bienfaisance, dirigée par Seïf el-Islam,
le fils de Mouammar Kadhafi. Nous avons séjourné
du 12 au 15 juillet à Tripoli et rencontré à
deux reprises Seïf el-Islam. Nous nous sommes rendus de nouveau
à Tripoli cette semaine, du 10 au 12 août. Nous avons
un accord de principe sur un protocole de résolution de
l'affaire. Il reste à trouver une entente sur le montant.
Nous avons avancé un chiffre. Nous attendons une réponse.
Nous espérons être recontactés dans les jours
qui viennent.
Combien demandez-vous ?
Nous réclamons un traitement équitable par rapport
aux victimes de Lockerbie, qui viennent de se voir reconnaître
des indemnités de 10 millions de dollars par famille –
en fait 7 millions de dollars environ, une fois défalqués
les frais d'avocats et les retenues fiscales.
Si vous obtenez satisfaction, que se passera-t-il ?
Nous essayons de construire une solution définitive, pour
l'ensemble des familles. Notre objectif est de créer une
fondation indépendante qui recevra l'argent et distribuera
les indemnités à tous les ayants droit. Parallèlement,
nous avons proposé à la Fondation Kadhafi d'être
associée à un geste de réconciliation, qui
pourrait être l'organisation d'un voyage dans le désert
du Ténéré pour les familles, afin de clore
symboliquement le dossier.
Êtes-vous satisfaits du refus de la France de lever
les sanctions de l'ONU contre la Libye tant que vous n'aurez pas
obtenu justice ?
Nous apprécions la détermination de la France. Cela
fait d'autant plus de bien que nous avions le sentiment ces dernières
années d'avoir été abandonnés et trahis.
On nous avait fait accepter en 1999 le procès par contumace,
que nous trouvions très frustrant, comme une base juridique
pour demander ultérieurement des comptes à la Libye.
Mais une fois le procès achevé, plus rien ne s'était
passé, au nom de la réconciliation franco-libyenne
! C'était quand même la France qui avait été
visée dans l'attentat ! Grâce à notre action,
il y a eu un revirement au plus haut niveau, au moment du voyage
de Dominique de Villepin à Tripoli en octobre 2002. C'est
notre collectif qui mène les tractations, ce sont des négociations
privées, mais le soutien officiel est déterminant.
Nous agissons en transparence complète avec le Quai d'Orsay.
|