Attentat
du vol UTA Un veto aux Nations unies ?
Bras de fer entre la France et la Libye
UNE PARTIE de négociations serrées est en train de se
jouer entre la France et la Libye. A l'annonce d'un accord signé
mercredi entre les avocats des familles de victimes de l'attentat de
Lockerbie (Ecosse), qui a tué 259 personnes le 21 décembre
1988, et le régime du colonel Kadhafi, l'association SOS Attentats
a aussitôt réclamé un traitement « équitable
» pour les familles de l'attentat commis contre le vol UTA 772
Brazzaville-Paris, qui a fait 170 morts, dont 65 Français, le
19 septembre 1989 dans le désert du Ténéré.
A ce jour, les proches des victimes ont dû se « contenter
» d'un procès par contumace de six hauts fonctionnaires
libyens et du versement de dommages et intérêts allant
de 3 000 à 30 000 €. Un résultat qui est loin de
celui obtenu par les Américains et les Britanniques. En effet,
selon l'accord conclu, chaque famille des victimes de Lockerbie devrait
recevoir des indemnités estimées à 10 millions
de dollars. Cette compensation financière devrait s'accompagner
d'un autre « geste » non négligeable : l'envoi par
la Libye d'une lettre à l'ONU où elle reconnaît
sa responsabilité. Le Conseil de sécurité devrait
alors voter une résolution visant à lever les sanctions,
ce qui entraînerait immédiatement le versement de 4 millions
de dollars par victime. Un deuxième versement du même montant
serait effectué après la levée des sanctions américaines,
et les deux derniers millions quand la Libye ne figurera plus sur la
liste américaine des Etats soutenant le terrorisme. Le tout vise
à réintégrer la Libye sur la scène internationale.
Ce scénario pourrait être remis en cause par la France,
qui souhaite que le colonel Kadhafi adopte la même position dans
le dossier de l'UTA 772. Dominique de Villepin a appelé son homologue
libyen mercredi afin de discuter de ce sujet ultra-sensible. Des démarches
ont également été entreprises par les ambassadeurs
français à Washington et Londres pour tenter de trouver
un compromis. D'ores et déjà, la Libye accuse la France
de vouloir bloquer l'accord conclu avec les familles des victimes de
Lockerbie. La position du Quai d'Orsay paraît, cependant, claire
: « La France considère que l'indemnisation des familles
de ces deux attentats est un aspect fondamental du règlement
du dossier libyen aux Nations unies (...). Cela implique en particulier
que les indemnités versées dans l'affaire UTA soient jugées
en équité par rapport aux compensations que recevront
les ayants droit des victimes de Lockerbie. » La France est-elle
prête à mettre son veto pour empêcher la levée
des sanctions contre Tripoli ? C'est ce que réclame SOS Attentats,
dont la déléguée générale, Françoise
Rudetski, a rencontré Dominique de Villepin le 4 juillet : «
On ne veut pas de traitement différencié entre le dossier
UTA 772 et celui de Lockerbie. Le gouvernement, qui se réveille
bien tard, nous a laissés nous débrouiller seuls. La France
comme les Etats-Unis souhaitent renouer des relations économiques
avec la Libye. Les Etats-Unis ne l'ont pas fait aux dépens des
victimes. Il ne faudrait pas que la France oublie les impératifs
de justice. »
Christophe Dubois