victimes attentat

(Vendredi 15 août 2003)
Attentat du vol UTA Un veto aux Nations unies ?
Bras de fer entre la France et la Libye

UNE PARTIE de négociations serrées est en train de se jouer entre la France et la Libye. A l'annonce d'un accord signé mercredi entre les avocats des familles de victimes de l'attentat de Lockerbie (Ecosse), qui a tué 259 personnes le 21 décembre 1988, et le régime du colonel Kadhafi, l'association SOS Attentats a aussitôt réclamé un traitement « équitable » pour les familles de l'attentat commis contre le vol UTA 772 Brazzaville-Paris, qui a fait 170 morts, dont 65 Français, le 19 septembre 1989 dans le désert du Ténéré. A ce jour, les proches des victimes ont dû se « contenter » d'un procès par contumace de six hauts fonctionnaires libyens et du versement de dommages et intérêts allant de 3 000 à 30 000 €. Un résultat qui est loin de celui obtenu par les Américains et les Britanniques. En effet, selon l'accord conclu, chaque famille des victimes de Lockerbie devrait recevoir des indemnités estimées à 10 millions de dollars. Cette compensation financière devrait s'accompagner d'un autre « geste » non négligeable : l'envoi par la Libye d'une lettre à l'ONU où elle reconnaît sa responsabilité. Le Conseil de sécurité devrait alors voter une résolution visant à lever les sanctions, ce qui entraînerait immédiatement le versement de 4 millions de dollars par victime. Un deuxième versement du même montant serait effectué après la levée des sanctions américaines, et les deux derniers millions quand la Libye ne figurera plus sur la liste américaine des Etats soutenant le terrorisme. Le tout vise à réintégrer la Libye sur la scène internationale.

Ce scénario pourrait être remis en cause par la France, qui souhaite que le colonel Kadhafi adopte la même position dans le dossier de l'UTA 772. Dominique de Villepin a appelé son homologue libyen mercredi afin de discuter de ce sujet ultra-sensible. Des démarches ont également été entreprises par les ambassadeurs français à Washington et Londres pour tenter de trouver un compromis. D'ores et déjà, la Libye accuse la France de vouloir bloquer l'accord conclu avec les familles des victimes de Lockerbie. La position du Quai d'Orsay paraît, cependant, claire : « La France considère que l'indemnisation des familles de ces deux attentats est un aspect fondamental du règlement du dossier libyen aux Nations unies (...). Cela implique en particulier que les indemnités versées dans l'affaire UTA soient jugées en équité par rapport aux compensations que recevront les ayants droit des victimes de Lockerbie. » La France est-elle prête à mettre son veto pour empêcher la levée des sanctions contre Tripoli ? C'est ce que réclame SOS Attentats, dont la déléguée générale, Françoise Rudetski, a rencontré Dominique de Villepin le 4 juillet : « On ne veut pas de traitement différencié entre le dossier UTA 772 et celui de Lockerbie. Le gouvernement, qui se réveille bien tard, nous a laissés nous débrouiller seuls. La France comme les Etats-Unis souhaitent renouer des relations économiques avec la Libye. Les Etats-Unis ne l'ont pas fait aux dépens des victimes. Il ne faudrait pas que la France oublie les impératifs de justice. »

Christophe Dubois