victimes attentat

(Dimanche 17 août 2003)

Après Lockerbie, Tripoli prend la voie de la réhabilitation

Le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohammed Adberrahmane Chalgam. Malgré des objections françaises, la Libye est en voie de réhabilitation internationale après l'accord conclu avec Washington et Londres sur l'attentat de Lockerbie.
© REUTERS

par Paul Taylor et Dominic Evans

LONDRES (Reuters) - Malgré des objections françaises, la Libye est en voie de réhabilitation internationale après l'accord conclu avec Washington et Londres sur l'attentat de Lockerbie.
Des responsables impliqués dans les négociations indiquent que Tripoli et les Etats-Unis ont convenu d'entamer un processus discret d'entretiens bilatéraux une fois que le Conseil de sécurité des Nations unies aura voté la levée des sanctions internationales imposées en 1992 au régime du colonel Mouammar Kadhafi après les attentats de Lockerbie et contre le vol du DC-10 de la compagnie française UTA en 1989 au Niger.

Installé à Londres, l'avocat Saad Djebbar, conseiller du gouvernement libyen dans le dossier Lockerbie, précise que la Libye déposera lundi une somme de 2,7 milliards de dollars à la Banque des règlements internationaux à Bâle, en Suisse, qui serviront à verser les indemnités aux victimes ou proches des victimes de l'attentat contre l'avion de la PanAm qui fit 270 morts en 1988 au-dessus de la localité écossaise de Lockerbie.


Selon lui, la Grande-Bretagne présentera le même jour au Conseil de sécurité une résolution de levée définitive des sanctions de l'Onu contre Tripoli, qui avaient déjà suspendues après la remise par la Libye à la justice internationale de deux agents libyens soupçonnés dans le dossier Lockerbie.
L'un d'eux, Abdel Basset el Megrahi, a été condamné il y a deux ans par une cour spéciale écossaise aux Pays-Bas. Vendredi, le gouvernement libyen a formellement accepté sa responsabilité dans l'attentat, et s'est également engagé à renoncer au terrorisme et à coopérer dans les enquêtes sur Lockerbie.

La France a laissé entendre qu'elle pourrait s'opposer à un accord sur la levée des sanctions, afin d'obtenir un délai supplémentaire pour convaincre la Libye de verser davantage que les quelque 30,5 millions d'euros qu'elle a versés aux familles des 170 victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA.
Mais Tripoli a exclu samedi de verser des indemnités supplémentaires dans ce dossier. "Nous avons conclu un accord avec les Français et il est complètement réglé. Nous n'accepterons aucune sorte d'extorsion ou de chantage", a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Abderrahmane Chalgham, à la chaîne américaine CNN.

PARIS VEUT UN "ACCORD EQUITABLE"

Dimanche, le Quai d'Orsay a fait savoir que Dominique de Villepin poursuivait ses contacts diplomatiques "dans l'objectif d'aboutir rapidement à un accord équitable".

Sur CNN, Chalgham a expliqué que le rétablissement de liens avec Washington et le retour des investisseurs américains en Libye était désormais un objectif prioritaire pour son gouvernement.
La Maison blanche avait prévenu vendredi qu'il était hors de question pour le moment de supprimer les sanctions bilatérales prises par Washington à l'encontre de la Libye, en raison d'inquiétudes liées à des programmes présumés d'armes de destruction massive (ADM), au rôle de Tripoli en Afrique ou au respect des droits de l'homme.

L'avocat Saad Djebbar a indiqué qu'une prochaine initiative de la Libye pourrait être de signer tous les traités internationaux sur le contrôle des armements et accepter des inspections de ses installations afin de lever tous les doutes concernant d'éventuelles armes prohibées.
"Les Libyens savent que les ADM sont au sommet des préoccupations américaines. Ils pourraient prendre l'initiative de signer tous les accords concernés et autoriser des vérifications avant que quiconque ne les y contraigne de l'extérieur", a-t-il déclaré.

Selon lui, les hauts responsables libyens qui ont négocié l'accord sur Lockerbie ont établi une relation de confiance avec le sous-secrétaire d'Etat américain William Burns et conseillent le colonel Kadhafi sur les prochaines étapes à franchir pour rebâtir des liens solides avec les Etats-Unis.
Ces derniers doivent cependant composer avec l'hostilité, à Tripoli, des élements conservateurs qui redoutent qu'un rapprochement avec l'Occident ne déstabilise le système en place. Mais avec le soutien de Kadhafi, l'accord de Lockerbie est assuré d'être entériné par le Congrès général du peuple.
Selon Djebbar, Seif el Islam, fils de Kadhafi, joue également un rôle non négligeable en arrière-plan, conseillant à son père de jeter des ponts vers Washington plutôt que de risquer un sort à la Saddam Hussein.

Parmi les mesures de rapprochement distillées par Tripoli ces derniers jours, la Libye a demandé à un poids lourd, l'Arabie saoudite, et non plus les Emirats arabes unis, de représenter ses intérêts à Washington.

Et le pays, toujours selon Djebbar, retirera cette semaine une plainte déposée devant la Cour internationale de justice à La Haye contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en représailles des sanctions prises dans le cadre de l'affaire Lockerbie.

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