NEW YORK (AFP) - Le décor
du dernier acte de la tragédie de Lockerbie (270 morts
en 1988) se met en place lundi à l'Onu, avec le dépôt
au Conseil de sécurité d'un projet de résolution
britannique levant les sanctions prises contre la Libye, qui a
reconnu sa responsabilité dans l'attentat.
Le rideau cependant ne tombera qu'après le vote par le
Conseil de sécurité de cette résolution,
qui doit lever les sanctions internationales prises contre le
régime du colonel Mouammar Kadhafi et redonner à
la Libye sa place dans le concert des nations.
Ce dénouement, qui n'est pas complètement acquis,
fait grincer quelques dents, notamment parmi les familles des
victimes et les opposants au régime libyen, qui estiment
que le colonel Kadhafi ne mérite pas d'être récompensé.
La France, qui dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité,
souhaite pour sa part, au nom de l'équité, que les
victimes d'un autre attentat commis en 1989 par la Libye contre
un avion de ligne français bénéficient des
mêmes conditions financières que celles de Lockerbie.
La position de Washington, pourtant partie prenante à l'accord,
manque de clarté: les Etats-Unis ont signalé qu'ils
pourraient s'abstenir lors du vote à l'Onu, et ne semblent
pas encore disposés à lever leurs propres sanctions
contre la Libye.
Le vote doit intervenir "très bientôt"
a indiqué vendredi Mikhaïl Wehbe, l'ambassadeur syrien
qui assure ce mois-ci la présidence du Conseil de sécurité.
Il s'est cependant refusé à préciser la date
du scrutin, soulignant que la procédure doit être
respectée.
Traditionnellement, un délai minimum de 24 heures doit
intervenir entre le dépôt officiel d'un projet de
résolution et sa mise au vote mais, si les auteurs du texte
l'acceptent, il peut être étendu, sans limitation
de durée, pour laisser la possibilité de régler
d'éventuels points de désaccord.
Pour être adoptée, une résolution doit être
approuvée par au moins neuf des quinze membres du Conseil
de sécurité et ne faire l'objet d'aucun vote contre
(veto) de l'un des cinq membres permanents du Conseil (Chine,
Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie).
Paris n'a pas prononcé le mot de "veto" --"Ce
n'est pas un mot qu'emploie un diplomate", remarque un diplomate
de haut rang-- mais depuis le 7 août, avant même l'annonce
de l'accord intervenu entre Washington, Londres et Tripoli, le
ministère français des affaires étrangères
a clairement indiqué sa position, destinée à
défendre les intérêts des ayants droits des
victimes du vol 772 de la compagnie française UTA.
"Les indemnités versées dans l'affaire de l'UTA
doivent être jugées en équité par rapport
aux compensations que recevront les ayants droits des victimes
de Lockerbie. La France n'est pas prête à transiger
sur ce point", avait alors dit le porte-parole du ministère,
qui a eu l'occasion de le répéter depuis.
Le ministre français des affaires étrangères
Dominique de Villepin a également informé la semaine
dernière par téléphone ses homologues américain
et britannique, Colin Powell et Jack Straw, de la position française.
Rien n'indiquait dimanche que la France soit prête à
l'assouplir.
Comparé à l'accord sur Lockerbie, qui prévoit
que la Libye versera 10 millions de dollars par victime, celui
du règlement de l'attentat du vol UTA, qui avait fait 170
morts, peut apparaître dérisoire: 35 millions de
dollars au total, soit entre 3.000 et 30.000 euros pour chacune
des 313 parties civiles. |