NEW YORK (Nations unies) (AFP)
- La Grande-Bretagne doit déposer lundi en fin de journée
devant le Conseil de sécurité des Nations unies
un projet de résolution levant les sanctions imposées
à la Libye après l'attentat de Lockerbie, auquel
la France menace de mettre son veto.Le chef de la diplomatie libyenne
Abdel Rahman Chalgham a affirmé lundi que son pays avait
acheté la levée des sanctions en compensant les
victimes de Lockerbie et qualifié "d'inacceptable"
la position de la France dans cette affaire.
"Du point de vue libyen, il ne s'agit pas de compensations
mais d'un achat de la levée des sanctions", a déclaré
M. Chalgham dans une interview diffusée par la chaîne
satellitaire qatariote Al-Jazira.
"A cause des sanctions internationales et américaines,
nous perdons chaque année des milliards de dollars et c'est
faire preuve de sagesse et de courage et servir notre intérêt
national que de payer la somme de 2,7 milliards de dollars et
de refermer ce dossier", a-t-il affirmé.
Le texte britannique, selon des sources diplomatiques concordantes,
sera déposé à l'issue de consultations huis
clos du Conseil consacrées à la situation en république
démocratique du Congo.
Le vote ne devrait cependant pas intervenir avant mercredi au
plus tôt et vendredi au plus tard.
La France a fait savoir qu'elle s'opposerait à la levée
définitive des sanctions de l'Onu tant que les familles
des victimes d'un attentat libyen contre un appareil français
n'auront pas obtenu des compensations d'un montant comparable
à celles prévues pour Lockerbie.
Aux termes de l'accord intervenu lundi dernier à Londres
entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis d'une part et la Libye
d'autre part, Tripoli devra verser un total de 2,7 milliards de
dollars aux familles des 270 victimes de l'explosion du Boeing
747 de la Pan Am le 21 décembre 1988 au dessus de Lockerbie
(Ecosse).
Pour sa part la justice française a condamné la
Libye pour un attentat contre un DC-10 d'UTA, qui a fait 170 morts
le 19 septembre 1989 au-dessus du Sahara, à verser 35 millions
de dollars.
Des entretiens sont en cours, selon des sources officielles françaises,
entre les représentants des familles des victimes de l'attentat
contre UTA et les autorités libyennes.
Le ministre français des Affaires étrangères
Dominique de Villepin a personnellement communiqué à
son homologue libyen, Abdel Ramane Chalgham, l'importance qu'il
y attachait.
Le versement d'indemnités "équitables"
"constitue pour la France une condition indispensable à
la levée définitive des sanctions contre la Libye
que la France appelle de ses voeux", a déclaré
jeudi dernier le porte-parole du ministère français,
ce qui a valu à Paris d'être accusé de "chantage"
par Tripoli.
Le projet de résolution levant les sanctions de l'Onu "est
très simple et direct, il ne laisse pas de place pour discuter
du vocabulaire", a indiqué lundi au siège de
l'Onu à l'AFP un diplomate s'exprimant sous le couvert
de l'anonymat.
Ce texte britannique, dont l'AFP a obtenu une copie, est en effet
très court.
Son premier paragraphe "décide la levée avec
effet immédiat" des sanctions prises contre la Libye
en 1992 (et suspendues en 1999). Le second dissout la commission
mise en place pour surveiller leur mise en oeuvre et le troisième
supprime officiellement le sujet de l'agenda du Conseil.
La levée des sanctions ne fait cependant pas l'unanimité,
ni au sein des familles des victimes, ni parmi les opposants au
régime libyen, qui estiment que le colonel Mouammar Kadhafi
ne mérite pas d'être récompensé.
Les positions des 15 membres du Conseil de sécurité
sont également nuancées et, selon plusieurs diplomates,
même sans veto français, l'adoption du projet britannique
ne peut pas être considérée comme acquise.
Exemple de cette ambiguïté, les Etats-Unis, pourtant
parties prenantes à l'accord sur Lockerbie, ont indiqué
"ne pas s'opposer à la levée des sanctions"
mais se refusaient encore lundi à indiquer s'ils voteraient
pour ou s'abstiendraient lorsque le projet sera mis aux voix.
Pour être adopté par le Conseil de sécurité,
un projet de résolution doit réunir au moins neuf
voix parmi les quinze pays membres du Conseil de sécurité
et aucun des cinq membres permanents (Chine, Etats-Unis, France,
Grande-Bretagne et Russie) ne doit y opposer son veto. |