TERRORISME
La Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité
la levée des sanctions internationales contre la Libye
La France réclame justice pour les morts du DC 10 d'UTA
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Luc de Barochez La
Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité
de l'ONU l'abrogation des sanctions contre la Libye, qui a admis
sa responsabilité dans l'attentat de Lockerbie en 1988
et accepté de payer 2,7 milliards de dollars d'indemnités
aux familles des 270 tués. La France a menacé d'opposer
son veto à la levée des sanctions, tant que les
victimes d'un autre attentat, perpétré en 1989 contre
un avion français d'UTA, n'auraient pas reçu de
Tripoli des compensations financières d'un montant comparable.
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TERRORISME
La Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité
la levée des sanctions internationales contre la Libye
La France réclame justice pour les morts du DC 10 d'UTA
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Luc de Barochez La
Grande-Bretagne doit demander aujourd'hui au Conseil de sécurité
de l'ONU l'abrogation des sanctions contre la Libye, qui a admis
sa responsabilité dans l'attentat de Lockerbie en 1988
et accepté de payer 2,7 milliards de dollars d'indemnités
aux familles des 270 tués. La France a menacé d'opposer
son veto à la levée des sanctions, tant que les
victimes d'un autre attentat, perpétré en 1989 contre
un avion français d'UTA, n'auraient pas reçu de
Tripoli des compensations financières d'un montant comparable.
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Le
19 septembre 1989, l'explosion de l'appareil faisait 170 morts
Paris veut davantage pour le DC 10
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C'est l'attentat
le plus meurtrier qui ait jamais frappé la France. Le 19
septembre 1989, un DC 10 de la compagnie française UTA
effectuant la liaison Brazzaville-Paris, via N'Djamena, explose
en vol au-dessus du désert du Ténéré,
au Niger. Les 170 passagers et membres d'équipage sont
tués. Parmi les victimes figurent 65 Français et
des ressortissants de 16 autres nationalités.
L'enquête, menée par le juge d'instruction
parisien Jean-Louis Bruguière, s'oriente vers des réseaux
islamiques proches de l'Iran, l'OLP, la Syrie, les milieux terroristes
chiites et finalement Bernard Yanga, un opposant congolais lié
à Tripoli. Celui-ci désigne le chargé d'affaires
libyen à Brazzaville Abdallah Elazragh, qui lui aurait
remis une valise contenant l'explosif, confiée par la suite
à un passager. Selon Yanga, l'attentat était destiné
à «punir la France de son attitude dans le conflit
tchadien» où Paris avait contrecarré les visées
de Tripoli.
En 1991, le juge Bruguière met officiellement
en cause la Libye et lance quatre mandats d'arrêt internationaux
contre des responsables libyens : Abdallah Senoussi, beau-frère
du colonel Kadhafi et considéré comme le numéro
deux des renseignements libyens, Abdallah Elazragh, Ibrahim Naeli,
membre des services spéciaux, et son adjoint, Musbah Arbas.
Les autorités libyennes acceptent pour
la première fois, en 1996, de coopérer avec Paris.
Bruguière se rend à Tripoli et ramène une
valise d'explosifs identique à celle utilisée pour
l'attentat. Selon la Libye, elle aurait été saisie
en 1990 chez des opposants au colonel Kadhafi.
Le magistrat français délivre alors
deux nouveaux mandats d'arrêt à l'encontre d'Abdelsalam
Issi Shibani, ancien responsable technique des services libyens,
soupçonné d'avoir acheté en Allemagne l'un
des composants du détonateur, et Abdelsalam Hammouda, membre
présumé de ces services.
Dans les conclusions de son enquête, le
juge Bruguière accuse formellement les services secrets
libyens d'être responsables de l'attentat. Le procès
peut s'ouvrir à Paris devant une cour d'assises spéciale,
composée uniquement de magistrats. Les six accusés
libyens sont absents. En mars 1999, ils sont condamnés
par contumace à la réclusion criminelle à
perpétuité, la peine maximale. La même année,
la Libye transfère 35 millions de dollars en France destinés
aux parties civiles, notamment une partie des familles des victimes,
qui touchent de 3 000 à 30 000 euros par ayant droit. Les
responsables libyens affirment avoir alors reçu une lettre
officielle de la France reconnaissant que ces sommes étaient
pour solde de tout compte.
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En
règlant le dossier de l'attentat de 1988, Tripoli espère
attirer les investissements internationaux
Kadhafi courtise les Etats-Unis
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Luc de Barochez Conformément
à la coutume bédouine, la Libye a payé le
prix du sang. Elle espère maintenant voir affluer l'argent
du pétrole. La promesse de confortables indemnités
aux victimes de Lockerbie (10 millions de dollars par famille)
lève le principal obstacle à la levée des
sanctions internationales qui frappent le pays.
Tripoli espère retrouver un peu de respectabilité
sur la scène internationale. Elle escompte du même
coup attirer des investissements pour faire repartir une économie
languissante. Et voir revenir les compagnies pétrolières
américaines pour exploiter d'impressionnantes richesses
en hydrocarbures. Avec des réserves prouvées de
30 milliards de barils, la Libye a les moyens de jouer les grandes
puissances pétrolières. Mais pour cela, il faudrait
d'abord qu'elle réintègre la communauté des
nations.
La Libye revient de loin. Bombardée en
1986 par les États-Unis pour son soutien au terrorisme,
elle courtise l'Administration de George W. Bush en affirmant
avoir tiré un trait sur ses activités douteuses.
Muammar Kadhafi veut sortir de son rôle de paria. De Carlos
à Abou Nidal en passant par l'Armée républicaine
irlandaise (IRA), le chef de la révolution libyenne fut
le financier de toutes les subversions.
Parfois, ses services sont eux-mêmes passés
à l'action. En 1986, des agents de Tripoli font sauter
une discothèque berlinoise fréquentée par
des militaires américains, tuant l'un d'entre eux. En représailles,
le président Ronald Reagan envoie des bombardiers pilonner
Tripoli, ratant Kadhafi mais tuant, selon les Libyens, l'une de
ses filles adoptives. Les compagnies pétrolières
américaines quittent le pays. Moins de deux ans après,
une bombe fait exploser le vol Londres-New York de la PanAm, au-dessus
du petit village de Lockerbie.
Depuis la fin des années 90, Muammar Kadhafi
fait amende honorable. Il a livré les deux agents accusés
d'avoir organisé l'attentat de Lockerbie. Il a rompu les
liens avec Abou Nidal et les organisations radicales palestiniennes.
En septembre 2001, il a condamné les attentats de New York
et dénoncé al-Qaida.Washington n'a pas été
impressionné. La Libye figure toujours, depuis 1979, sur
la liste des pays accusés de soutenir le terrorisme. Les
relations diplomatiques sont rompues depuis 1981. Et la Libye
est soumise à des sanctions américaines depuis 1986,
avec un strict embargo commercial. L'accord sur Lockerbie a cependant
relancé le débat aux États-Unis sur une levée
des sanctions unilatérales contre la Libye. Les compagnies
pétrolières plaident pour leur abrogation. Mais
au moment où l'Administration Bush fait campagne contre
le terrorisme, la décision est délicate. Dans un
communiqué publié vendredi, la Maison-Blanche a
indiqué qu'il n'en était pas question pour le moment.
Elle a évoqué le non-respect des droits de l'homme
en Libye, l'absence de démocratie, les entreprises de déstabilisation
menées par Kadhafi en Afrique et «ses tentatives
inquiétantes de se procurer des armes de destruction massive».
L'accord d'indemnisation prévoit que si
les États-Unis s'abstenaient, dans un délai de huit
mois, de lever leurs sanctions et de rayer la Libye de leur liste
des pays terroristes, Tripoli réduirait de moitié
les compensations versées aux familles des victimes de
Lockerbie. Un tel délai laisse le temps à Washington
et Tripoli de poursuivre leur rapprochement. «Nous voulons
oeuvrer avec les Américains dans le sens d'une amélioration
des relations bilatérales», a déclaré
ce week-end sur CNN le chef de la diplomatie libyenne, Mohamed
Abdel Rahmane Chalgham. Pour faciliter les choses, la Libye envisagerait
même, selon l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, d'indemniser
les familles des victimes de l'attentat perpétré
en 1986 à Berlin. Pour se concilier les bonnes grâces
de Washington, Kadhafi semble prêt à tout.
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La
procédure de levée des sanctions
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(Avec AFP.)
Le décor du dernier acte de la tragédie de Lockerbie
se met en place aujourd'hui à l'ONU, avec le dépôt
au Conseil de sécurité d'un projet de résolution
britannique levant les sanctions contre la Libye. Le rideau cependant
ne tombera qu'après le vote de cette résolution.
Traditionnellement, un délai minimum de 24 heures doit
intervenir entre le dépôt d'un projet et sa mise
au vote mais, si les auteurs du texte l'acceptent, il peut être
étendu, sans limitation de durée, pour laisser la
possibilité de régler d'éventuels points
de désaccord.
Pour être adoptée, une résolution doit être
approuvée par au moins neuf des quinze membres du Conseil
de sécurité et ne faire l'objet d'aucun vote contre
(veto) de l'un des cinq membres permanents du Conseil (Chine,
États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie).
Le Conseil de sécurité avait, le 31 mars 1992,
imposé des sanctions contre la Libye pour la contraindre
à livrer deux personnes accusées d'avoir fait exploser
en vol, en décembre 1988, un avion de ligne américain
au-dessus de Lockerbie en Ecosse. Le Conseil a décrété
un embargo aérien, un embargo sur les armes et une réduction
du personnel diplomatique libyen à l'étranger. Les
sanctions ont été renforcées en 1993 par
un gel des avoirs financiers libyens à l'étranger
et des restrictions à l'importation d'équipements
pétroliers. Les sanctions ont été suspendues
après la livraison par la Libye des deux suspects, en avril
1999.
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Les
dates clés |
* 21 décembre 1988 :
Un Boeing 747 de la PanAm explose au-dessus du village de Lockerbie,
tuant 270 personnes.
* 13-14 novembre 1991 : Deux agents des services de renseignements
libyens, Abdel Basset Ali al-Megrahi et Amine Khalifa Fhima, sont
inculpés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
* 21 janvier 1992 : La résolution 731 de l'ONU condamne
la destruction en vol du Boeing de la PanAm et d'un DC-10 d'UTA
(19 septembre 1989, 170 morts) et demande à la Libye de
collaborer aux enquêtes internationales.
* 31 mars 1992 : La résolution 748 de l'ONU impose un
embargo aérien et militaire à la Libye.
* 1er décembre 1993 : Nouvelles sanctions de l'ONU.
* 18 septembre 1998 : Au terme d'un accord signé à
La Haye par les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, le procès
se déroule devant une cour écossaise, en terrain
neutre, au Camp Zeist, ancienne base militaire aux Pays-Bas.
* 5 avril 1999 : Les deux suspects libyens sont remis aux autorités
de l'ONU, à Tripoli, avant leur départ pour les
Pays-Bas. Les sanctions contre la Libye sont suspendues immédiatement.
* 3 mai 2000 : Onze ans après l'attentat, le procès
s'ouvre.
* 31 janvier 2001 : La cour écossaise rend un verdict partagé,
condamnant à la prison à vie Abdel Basset Ali al-Megrahi
qui fait appel du jugement, et acquittant Amine Khalifa Fhimah.
* 29 mai 2002 : Un avocat des familles des victimes annonce que
la Libye a proposé de verser 2,7 milliards de dollars (2,9
milliards d'euros) de compensations. Tripoli reconnaît l'existence
de des contacts informels.
* 29 avril 2003 : La Libye annonce un dédommagement rapide
des familles des victimes qui sera effectué en trois étapes.
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