NEW YORK (AFP) - La Grande-Bretagne
a formellement déposé lundi devant le Conseil de
sécurité des Nations Unies un projet de résolution,
auquel la France menace de mettre son veto, qui lève les
sanctions imposées à la Libye après l'attentat
de Lockerbie.
La Grande-Bretagne a annoncé espérer un vote cette
semaine mais, a indiqué l'ambassadeur britannique à
l'Onu Emyr James Parry lundi, cela dépendra du Conseil
de sécurité. Le projet de résolution "lève
avec effet immédiat" les sanctions imposées
par l'Onu en 1992 à la Libye à la suite de l'attentat
de Lockerbie. Le second paragraphe dissout la commission mise
en place pour surveiller la mise en oeuvre de ces sanctions (suspendues
en 1999) et le troisième supprime officiellement le sujet
des travaux du Conseil.
En contrepartie, la Libye assume la responsabilité de l'explosion
le 21 décembre 1988 au dessus de Lockerbie (Ecosse) d'un
Boeing 747 de la Pan Am qui a coûté la vie à
270 personnes et s'engage à verser à leurs familles
2,7 milliards de dollars. Tripoli s'engage également à
coopérer à la lutte que mène la communauté
internationale contre le terrorisme auquel elle affirme avoir
renoncé. Pour être adoptée, cette résolution
doit recueillir au moins neuf voix sur les 15 du Conseil de sécurité
et aucun pays membre permanent (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne
et Russie) ne doit voter opposer de veto.
La France a fait officiellement savoir qu'elle s'opposerait à
la levée définitive des sanctions de l'Onu tant
que les familles des victimes d'un attentat libyen contre un appareil
français n'auront pas obtenu des compensations d'un montant
comparable. Les 170 victimes de l'attentat en 1989 au dessus du
Sahara dans l'explosion d'un DC-10 de l'UTA appartenaient à
16 nationalités différentes (Français, Congolais,
Tchadiens, Américains, Britanniques, Canadiens etc..).
Le montant de 35 millions de dollars que la justice française
a condamné la Libye à verser a été
jugé "insultant" par certaines de ces familles
qui ont refusé de les toucher.
Les familles des victimes de nationalité américaine
ont, pour leur part, engagé à l'automne l'année
dernière devant la justice des Etats-Unis des poursuites
contre la Libye.
Après avoir qualifié la position de Paris de chantage,
le ministre des affaires étrangères libyen, Abdel
Rahman Chalgham, a expliqué que la Libye avait acheté
la levée des sanctions. "Du point de vue libyen, il
ne s'agit pas de compensations mais d'un achat de la levée
des sanctions", a-t-il déclaré à chaîne
satellitaire qatariote Al-Jazira commentant l'accord intervenu
avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. "A cause des sanctions
internationales et américaines, a-t-il ajouté, nous
perdons chaque année des milliards de dollars et c'est
faire preuve de sagesse et de courage et servir notre intérêt
national que de payer la somme de 2,7 milliards de dollars et
de refermer ce dossier.
"La levée des sanctions ne fait l'unanimité
ni au sein des familles des victimes, ni parmi les opposants au
régime libyen, qui estiment que le colonel Mouammar Kadhafi
ne mérite pas d'être récompensé. Les
positions des 15 membres du Conseil de sécurité
sont également nuancées et, selon plusieurs diplomates,
même sans veto français, l'adoption du projet britannique
ne peut pas être considérée comme acquise.
Ainsi, les Etats-Unis, pourtant parties prenantes à l'accord
sur Lockerbie, ont indiqué "ne pas s'opposer à
la levée des sanctions" mais se refusaient encore
lundi à indiquer s'ils voteraient pour ou s'abstiendraient
lorsque le projet sera mis aux voix.
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