WASHINGTON
(AFP) - Le ton est monté mardi entre les Etats-Unis et
la France à propos de l'opposition de Paris à une
résolution de l'Onu levant les sanctions contre la Libye,
Washington qualifiant les arguments français d'objections
"de dernière minute sans rapport" avec l'affaire
Lockerbie.
"Nous avons clairement fait part de notre profonde préoccupation
sur une possible action de la France ou de tout autre pays qui
s'opposerait à l'accord sur le vol 103 de la Pan Am",
qui a explosé au-dessus de Lockerbie (Ecosse) en 1988,
a déclaré le porte-parole du département
d'Etat Richard Boucher.
Les familles des victimes du vol Pan Am 103, "qui ont attendu
si longtemps une mesure de justice et un réglement",
ne doivent pas voir leur accord avec la Libye "menacé
par des éléments de dernière minute sans
rapport" avec cette affaire, a-t-il souligné.
"Nous continuons de soutenir la nécessité d'indemnisation
pour toutes les victimes du terrorisme, y compris les familles
de celles du vol UTA". "Dans le même temps, nous
ne pensons pas que de tels efforts doivent contrecarrer l'examen
par le Conseil des sanctions libyennes", a précisé
Richard Boucher.
L'accord sur le vol 103 de la Pan Am, conclu récemment
entre les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la Libye s'est traduit
par une reconnaissance de responsabilité de Tripoli dans
l'explosion du vol 103, tuant 270 personnes, dont 189 Américains,
accompagnée d'une promesse de verser 2,7 milliards de dollars
aux familles des victimes.
En échange, Washington et Londres ont promis à la
Libye de faire lever les sanctions de l'Onu. Mais la France s'oppose
à cette perspective tant que Tripoli n'aura pas revu à
la hausse ses indemnités pour un autre attentat, ayant
visé en 1989 le vol 772 de la compagnie française
UTA (170 morts). Les indemnités pour les victimes de ce
vol s'élèvent à 35 millions de dollars.
Richard Boucher a implicitement laissé
entendre que l'attitude française était hypocrite.
"Je rappelle qu'en 1999 la France avait indiqué au
secrétaire général de l'Onu que la Libye
répondait aux exigences du Conseil de sécurité
relatives à l'attentat ayant visé UTA", a dit
le porte-parole.
Un projet de résolution britannique levant les sanctions
imposées par l'Onu à la Libye le 15 avril 1992 a
été déposé lundi devant le Conseil
de sécurité et une mise au vote est attendue avant
la fin de la semaine.
Selon des responsables américains, les pressions américaines
pourraient redoubler si Paris persiste. "C'est juste un avant-goût
des échanges à venir", indique un responsable
sous couvert d'anonymat. "Si les Français veulent
poursuivre dans cette voie, on va frapper fort", menace-t-il.
Des juristes du département d'Etat sont en train de constituer
un dossier sur les déclarations de la France relatives
à la Libye, ont précisé des responsables
américains. Il devrait inclure celles de l'ambassadeur
français à l'Onu en 1998, Alain Dejammet, qui avait,
avant même toute entente sur le vol d'UTA, suggéré
d'alléger les sanctions pesant contre la Libye.
"Des progrès significatifs ont été réalisés
dans l'affaire d'UTA" et la France pense qu'il est temps
de lever les sanctions visant certains produits, avait-il dit
à l'époque, selon les responsables américains.
"Outre les exceptions pour les médicaments et de nouveaux
avions, d'autres exceptions au régime des sanctions devraient
être étudiées", avait ajouté le
diplomate français. "Les sanctions ne visent pas à
punir un pays mais à s'assurer du respect de la loi internationale",
avait-il dit, toujours selon les responsables américains.
Le 9 juillet 1999, le secrétaire général
de l'Onu Kofi Annan avait annoncé avoir été
"informé par les autorités françaises
que leurs demandes, en totalité, avaient été
satisfaites" dans le cadre de l'affaire du vol 772 d'UTA,
ont aussi rapporté les responsables américains citant
le compte-rendu de la réunion.
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