Point de presse de la porte-parole adjointe
(Paris, le 19 août 2003)
"Au lendemain du dépôt par le Royaume-Uni d'un
projet de résolution au Conseil de sécurité
levant les sanctions contre la Libye, je souhaiterais simplement
vous faire part des observations suivantes, en complément
de mes déclarations des jours précédents,
auxquelles je vous renvoie.
Depuis le début de cette affaire, la France a une position
constante : face à de tels drames et à la douleur
des familles, nous sommes mobilisés pour qu'il soit donné
satisfaction à leurs demandes. Il s'agit pour la France
d'un principe moral, celui de l'équité. Le Ministre
des Affaires étrangères, M. de Villepin, s'en est
entretenu avec les autorités libyennes dès son entrée
en fonctions, à l'occasion de sa première visite
à Tripoli en mai 2002. Cette question a de nouveau été
évoquée à chacune de ses rencontres avec
des responsables libyens. Parallèlement, nous avons effectué
des démarches régulières auprès de
nos partenaires concernés, notamment américain et
britannique.
Ce principe d'équité, la France le défend
au nom des familles. Je rappelle que sur le vol UTA 772 voyageaient
des passagers de 17 nationalités différentes, bien
sûr des Français mais aussi de nombreux Africains,
des Américains, des Britanniques, des Italiens et d'autres
encore. C'est donc bien l'intérêt de l'ensemble des
victimes qui est aujourd'hui en cause. Nul ne peut accepter de
discrimination entre les victimes d'actes de terrorisme de même
nature.
Tels sont les éléments fondamentaux qui guident
notre action, avec la volonté d'aboutir, et qui fondent
notre détermination."
(Est-ce que la France mettra son veto devant la résolution
britannique ?)
"Je vous renvoie à ma déclaration du 14 août
que je vous rappelle :
Début de citation : "Il est clair qu'une solution
(fondée sur le principe de l'équité) constitue,
pour la France, une condition indispensable à la levée
définitive des sanctions contre la Libye, que la France
appelle de ses voeux." Fin de citation."
(Donc, concrètement, vous mettrez le veto ou pas ?)
"Je viens de vous répondre."
(Est-ce que la France a des bases juridiques, après
l'accord avec la Libye, pour un éventuel veto ? La France
a-t-elle la possibilité d'empêcher une résolution
de levée de l'embargo sur la Libye ?)
"Vous avez bien noté, dans la déclaration que
j'ai faite précédemment, que nous nous situons d'abord
sur le plan de la dimension morale et du principe de l'équité.
C'est vraiment ce qui guide notre action. Nous nous situons moins
sur un terrain juridique que sur un terrain politique et sur celui
des principes, le principe de l'équité."
(Est-ce que maintenant les pourparlers avec les Libyens, à
travers l'association des familles des victimes, avancent ? A-t-on
enregistré un pas positif pour régler cette affaire
avant vendredi prochain, jour prévu de vote de la résolution
?)
"Comme vous le soulignez, ce sont les familles des victimes
qui négocient avec la partie libyenne, le collectif des
familles des victimes dont le porte-parole est M. Guillaume Denoix
de Saint Marc. Les autorités française apportent
leur soutien politique et diplomatique aux démarches des
familles des victimes. Nous sommes donc en contact permanent avec
les représentants des familles et ils nous disent que des
progrès sont enregistrés et qu'il y a une possibilité
d'aboutir à un accord fondé sur le principe de l'équité."
(Y a-t-il eu des négociations menées par le
gouvernement français ?)
"Ce ne sont pas à proprement parler des négociations.
Nous avons des contacts politiques avec l'ensemble de nos partenaires
concernés. Si vous avez pris connaissance de nos déclarations
de ces derniers jours, vous avez pu constater que M. Dominique
de Villepin s'est entretenu avec ses homologues libyen, américain,
anglais, allemand, et d'autres encore et ce sont des contacts
politiques, pas des négociations."
(Qu'est-il advenu de ses contacts ?)
"Chacun fait part de son point de vue et des ses préoccupations.
Ces contacts ne sont pas nouveaux. Je voudrais le souligner. C'est
l'un des points qui figurent également dans l'ensemble
des déclarations que nous avons faites ces derniers jours.
Nous avons tenu régulièrement informés nos
partenaires, notamment américain et britannique, de notre
point de vue, de notre souci d'équité. Nous continuons
donc à garder le contact étroit avec nos partenaires
concernés."
(Maintenant que la résolution est proposée devant
le Conseil de sécurité, que fait la France ? Demande-t-elle
que le vote soit reporté pour qu'il puisse y avoir un résultat
de ces négociations ?)
"Les contacts se poursuivent sur la base que nous avons indiquée.
Nous avons pris connaissance de progrès dans la négociation
que mènent les représentants des familles des victimes
avec la partie libyenne. Nous pensons qu'il est possible de parvenir
à une solution équitable. Nous faisons part à
nos partenaires de ce sentiment. Quant au calendrier aux Nations
unies, il ne nous appartient pas."
(Qu'est-ce que vous avez à dire sur le fait que les
Britanniques font un forcing ? La France, la Grande-Bretagne et
les Etats-Unis avaient décidé ensemble d'imposer
des sanctions à la Libye. Les Britanniques déposeraient
ce projet de résolution alors qu'il est clair que leur
partenaire d'autrefois n'a pas terminé ses pourparlers
avec les autorités libyennes. Pourquoi est-ce qu'on a cette
impression de forcing de la part des Britanniques ?)
''Je vous laisse la responsabilité de ce mot ''forcing''.
Pour notre part, nous sommes en contact étroit avec nos
partenaires britanniques.''
(Faites-vous un lien entre cette affaire et l'affaire de la
guerre d'Irak ?)
''Ce sont deux sujet totalement distincts. Encore une fois, nous
sommes mobilisés sur cette affaire du vol UTA depuis longtemps.''
(Le communiqué de la Maison Blanche qui a indiqué
que les Etats-Unis ne s'opposeraient pas à la levée
des sanctions internationales contre la Libye, annonce aussi qu'ils
ne lèveraient les sanctions bilatérales que le jour
où la Libye abandonnera le parrainage du terrorisme, abandonnera
ses efforts de développement des armes de destruction massive...
Comment la France qualifie-t-elle le régime libyen quatorze
ans après l'attentat d'UTA ?)
''La France ne qualifie pas le régime libyen. Je vous renvoie
aux résolutions pertinentes des Nations unies. Encore une
fois, son souci est celui d'une solution équitable à
l'égard des familles des victimes. Sur le fond, vous connaissez
notre position sur le terrorisme et notre détermination
à lutter contre le terrorisme partout dans le monde.''
(Est-ce que la Libye a versé de l'argent pour les Français
? Quand ? Quelles sont les modalités ? Parce que l'on ne
comprend pas pourquoi la France a accepté et que maintenant
elle dit non. Qu'est-ce qui a changé ? Ce n'est pas clair.)
''Il s'agit de négociations entre les familles et la partie
libyenne, ce n'est donc pas au ministère des Affaires étrangères
de commenter cet aspect des choses.''
(Pourquoi la France proteste-t-elle maintenant ?)
''Il s'agit encore une fois d'une exigence morale, comme j'ai
eu l'occasion de vous l'indiquer dans ma déclaration. Il
s'agit pour la France d'un principe, celui de l'équité.''
(La Libye parle de ''chantage'', d'achat de la levée
des sanctions aux Nations unies. Que répondez-vous à
cela ?)
'' Une telle mise en cause des Nations unies est tout à
fait infondée.
Il y a, dans le règlement du drame des attentats de Lockerbie
et du vol UTA, une dimension financière et juridique, mais
il y a aussi, et surtout, une dimension morale. Elle est au coeur
de notre démarche. Et c'est au nom de cette exigence morale
que la France entend faire valoir le principe d'équité
en faveur des familles des victimes. ''
(Il y a eu des contacts entre M. Prodi et le guide libyen. Est-ce
que M. Prodi joue un rôle pour arriver à un compromis
dans cette affaire ?)
''Nous avons pris connaissance de ces contacts par la presse.
Je n'ai pas de commentaire.''
(Vous n'y êtes pour rien dans cette affaire ?)
''A ma connaissance, c'est M. Kadhafi qui a appelé M. Prodi.''
(Apparemment, les Libyens prétendent avoir reçu
une lettre du gouvernement français en 1999, disant que
l'affaire était close après le premier accord. Vous
confirmez cela ?)
'' Vous faites sans doute allusion à une formule que nous
avons vu indiquée dans la presse, selon laquelle le dossier
serait clos 'pour solde de tout compte'. Ce que je puis vous indiquer,
c'est que ces termes, à ma connaissance, n'ont jamais figuré
dans aucun échange de lettre. ''
(Vos partenaires Anglais et Américains ont-ils concédé
que votre position est défendable, et sont-ils disposés
à faire des efforts pour que votre point de vue prenne
le dessus dans les négociations en cours avec les Libyens
? En d'autre termes, sont-ils de votre côté pour
défendre le point de vue des familles des victimes également
américaines, britanniques et d'autres nationalités
qui sont mortes dans l'avion UTA ?)
'' Il me semble avoir déjà répondu sur ces
questions dans mes précédents propos. Nous sommes
en contact permanent avec nos partenaires américains et
britanniques. Ces contacts étroits se poursuivent et, pour
l'instant, je n'ai rien à ajouter. Cela peut être
aussi considéré comme une question pour les Américains
et les Britanniques. ''
(La France envisage-t-elle de demander l'extradition des six
Libyens condamnés par contumace à la prison à
vie ?)
'' Pas à ma connaissance. Les six condamnés par
contumace sont sous le coup de mandats d'arrêt internationaux.
''
(La France dispose-t-elle d'un moyen autre que l'usage du
droit de veto pour empêcher le vote ?)
'' Je ne comprends pas votre question, mais il ne s'agit pas d'
empêcher le fonctionnement normal des Nations unies. Encore
une fois, les contacts avec nos partenaires concernés se
poursuivent. ''
|