victimes attentat

(Samedi 13 septembre 2003, 9h21)

L'Onu lève les sanctions imposées à la Libye

Par Irwin Arieff

NATIONS UNIES (Reuters) - Quinze ans après l'attentat de Lockerbie, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté vendredi la levée des sanctions imposées à la Libye, décision qui fait suite à la signature la veille, d'un accord de principe sur l'indemnisation des familles des victimes d'un autre attentat, celui DC-10 d'UTA en 1989.

Comme prévu, les Etats-Unis et la France, qui avait menacé d'opposer son veto faute d'indemnités "équitables" pour les proches des 170 victimes disparues dans le ciel du Niger, se sont abstenus, les 13 autres membres du Conseil ont voté pour.

Le représentant de la France, Jean-Marc de la Sablière, a déclaré que Paris s'était abstenu afin de maintenir la pression sur Tripoli, pour qu'il concrétise rapidement ses promesses d'indemnisation des familles des victimes d'UTA.

James Cunningham, numéro deux de la représentation américaine, a expliqué que son abstention visait à montrer que Washington n'est pas encore convaincu de ce que "le gouvernement de Libye s'est réhabilité". Les Etats-Unis maintiendront dès lors pour l'instant leurs sanctions.

Washington nourrit de graves inquiétudes quant au respect des droits de l'Homme en Libye, à son absence ce démocratie ainsi qu'à "son comportement irresponsable en Afrique, ses antécédents d'implication dans le terrorisme et, plus important encore, sa quête d'armes de destruction massive", a dit Cunningham.

Tout en levant la levée des sanctions, le représentant permanent de l'Allemagne, Gunter Pleuger, a souligné que son pays attendait toujours de la Libye une indemnisation pour l'attentat, en 1986, contre la boîte de nuit La Belle à Berlin, fréquentée par des militaires américains.

Cet attentat avait fait trois morts et 231 blessés.

Le Pakistan et la Syrie, qui ont également voté la levée des sanctions, se sont déclarés attristé par les souffrances qu'elles ont pendant longtemps occasionné à la population libyenne.

SOULAGEMENT DE LA POPULATION LIBYENNE

La Libye a salué ce vote, qualifié de "victoire" ouvrant une "nouvelle page" dans les relations entre Tripoli et les pays occidentaux.

A l'annonce de la levée de l'embargo qui pèse sur leur vie quotidienne depuis plus de dix ans, des milliers de Libyens sont descendus dans les rues de Tripoli et d'autres villes du pays pour manifester leur joie et leur soulagement.

Dans un communiqué, les autorités rassurent les Libyens inquiets de l'impact sur leur économie du paiement de 2,7 milliards de dollars d'indemnités aux familles des victimes de l'attentat contre l'avion de la Pan Am. Elles expliquent que ce paiement sera largement compensé par le retour en Libye d'entreprises américaines spécialisées dans les secteurs "du pétrole, de l'aviation et des technologies."

Les sanctions, qui comprenaient notamment un embargo sur les armes et les liaisons aériennes, avaient été imposées en 1992 et 1994 puis suspendues en 1999 après la remise par Tripoli de deux agents soupçonnés dans l'attentat contre le Boeing de la Pan Am, dont l'un a été condamné.

La Grande-Bretagne a rédigé le texte de la résolution dès le mois d'août, après la signature de l'accord d'indemnisation des proches des 270 victimes de l'attentat de Lockerbie.

Londres et Washington ont obtenu de la Libye la promesse d'une compensation de 2,7 milliards de dollars.
Pour l'attentat de 1989, la France n'a obtenu que 34 millions de dollars en 1999 et a réclamé un traitement comparable à celui des victimes de l'attentat de la Pan Am.

Les proches des victimes du DC-10 d'UTA et la Fondation Kadhafi, dirigée par le fils de Mouammar Kadhafi, ont annoncé jeudi la signature d'un accord et, immédiatement, les autorités françaises qui avaient obtenu cinq reports successifs du vote au Conseil de sécurité ont fait savoir qu'elles ne s'opposaient plus à la levée des sanctions.

NOUVELLE ANNONCE DANS UN MOIS

L'accord conclu mercredi soir entre les familles des victimes et la Fondation Kadhafi ne mentionne aucun montant, mais l'association SOS-Attentats, qui représente une partie des familles, a confirmé que la somme exacte et les modalités de versement feraient l'objet d'une nouvelle annonce dans un mois.

Le texte signé à Tripoli prévoit également l'abandon des poursuites en cours contre la Libye et la "renonciation à toute poursuite civile ou pénale devant un tribunal français ou international découlant de cette catastrophe".

Les familles renoncent ainsi à toute nouvelle plainte et abandonneront un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme contre la décision de la justice française accordant une immunité pénale au colonel Kadhafi.

Dans une interview au Figaro de vendredi, Seïf al-Islam, fils du dirigeant libyen et président de la Fondation Kadhafi qui a négocié avec les familles des 170 victimes, précise cependant que la partie libyenne "a posé plusieurs demandes en échange" d'un accord sur le dossier UTA.

Il évoque la nécessité d'une "solution" pour les six Libyens condamnés par contumace en 1999 à Paris dans le procès de l'attentat, demande des indemnités pour trois militaires libyens tués par l'aviation française qui avait abattu leur bombardier dans les années 1980 au-dessus du Tchad et propose la conclusion d'un accord d'amitié entre Paris et Tripoli.

Sur la question des indemnités, Le Figaro, qui cite une "source bien informée", avance un montant d'un million de dollars par famille.

Si Guillaume Denoix de Saint Marc, responsable de l'association des familles des victimes, se veut confiant dans la poursuite des discussions pour un règlement définitif, Françoise Rudetzki, porte-parole de SOS Attentats, dit son inquiétude. "Oui, ça m'inquiète. Aucun chiffre n'a été annoncé", constate-t-elle.

En outre, dans son interview au Figaro, Seïf al-Islam rappelle que l'accord cadre a été conclu entre la partie française et la fondation Kadhafi et que le versement des indemnités se fera par le biais d'un fonds spécial, géré par les deux parties.

"Il sera alimenté par les contributions des sociétés françaises opérant en Libye. Ce n'est pas un accord conclu par l'Etat libyen mais par l'association charitable que je préside. S'agissant d'une organisation non gouvernementale, elle ne dispose pas à sa guise des fonds publics", poursuit-il.

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