Par Irwin Arieff
NATIONS UNIES (Reuters) - Quinze ans après l'attentat de
Lockerbie, le Conseil de sécurité des Nations unies
a voté vendredi la levée des sanctions imposées
à la Libye, décision qui fait suite à la
signature la veille, d'un accord de principe sur l'indemnisation
des familles des victimes d'un autre attentat, celui DC-10 d'UTA
en 1989.
Comme prévu, les Etats-Unis et la France, qui avait menacé
d'opposer son veto faute d'indemnités "équitables"
pour les proches des 170 victimes disparues dans le ciel du Niger,
se sont abstenus, les 13 autres membres du Conseil ont voté
pour.
Le représentant de la France, Jean-Marc de la Sablière,
a déclaré que Paris s'était abstenu afin
de maintenir la pression sur Tripoli, pour qu'il concrétise
rapidement ses promesses d'indemnisation des familles des victimes
d'UTA.
James Cunningham, numéro deux de la représentation
américaine, a expliqué que son abstention visait
à montrer que Washington n'est pas encore convaincu de
ce que "le gouvernement de Libye s'est réhabilité".
Les Etats-Unis maintiendront dès lors pour l'instant leurs
sanctions.
Washington nourrit de graves inquiétudes quant au respect
des droits de l'Homme en Libye, à son absence ce démocratie
ainsi qu'à "son comportement irresponsable en Afrique,
ses antécédents d'implication dans le terrorisme
et, plus important encore, sa quête d'armes de destruction
massive", a dit Cunningham.
Tout en levant la levée des sanctions, le représentant
permanent de l'Allemagne, Gunter Pleuger, a souligné que
son pays attendait toujours de la Libye une indemnisation pour
l'attentat, en 1986, contre la boîte de nuit La Belle à
Berlin, fréquentée par des militaires américains.
Cet attentat avait fait trois morts et 231 blessés.
Le Pakistan et la Syrie, qui ont également voté
la levée des sanctions, se sont déclarés
attristé par les souffrances qu'elles ont pendant longtemps
occasionné à la population libyenne.
SOULAGEMENT DE LA POPULATION LIBYENNE
La Libye a salué ce vote, qualifié de "victoire"
ouvrant une "nouvelle page" dans les relations entre
Tripoli et les pays occidentaux.
A l'annonce de la levée de l'embargo qui pèse sur
leur vie quotidienne depuis plus de dix ans, des milliers de Libyens
sont descendus dans les rues de Tripoli et d'autres villes du
pays pour manifester leur joie et leur soulagement.
Dans un communiqué, les autorités rassurent les
Libyens inquiets de l'impact sur leur économie du paiement
de 2,7 milliards de dollars d'indemnités aux familles des
victimes de l'attentat contre l'avion de la Pan Am. Elles expliquent
que ce paiement sera largement compensé par le retour en
Libye d'entreprises américaines spécialisées
dans les secteurs "du pétrole, de l'aviation et des
technologies."
Les sanctions, qui comprenaient notamment un embargo sur les armes
et les liaisons aériennes, avaient été imposées
en 1992 et 1994 puis suspendues en 1999 après la remise
par Tripoli de deux agents soupçonnés dans l'attentat
contre le Boeing de la Pan Am, dont l'un a été condamné.
La Grande-Bretagne a rédigé le texte de la résolution
dès le mois d'août, après la signature de
l'accord d'indemnisation des proches des 270 victimes de l'attentat
de Lockerbie.
Londres et Washington ont obtenu de la Libye la promesse d'une
compensation de 2,7 milliards de dollars.
Pour l'attentat de 1989, la France n'a obtenu que 34 millions
de dollars en 1999 et a réclamé un traitement comparable
à celui des victimes de l'attentat de la Pan Am.
Les proches des victimes du DC-10 d'UTA et la Fondation Kadhafi,
dirigée par le fils de Mouammar Kadhafi, ont annoncé
jeudi la signature d'un accord et, immédiatement, les autorités
françaises qui avaient obtenu cinq reports successifs du
vote au Conseil de sécurité ont fait savoir qu'elles
ne s'opposaient plus à la levée des sanctions.
NOUVELLE ANNONCE DANS UN MOIS
L'accord conclu mercredi soir entre les familles des victimes
et la Fondation Kadhafi ne mentionne aucun montant, mais l'association
SOS-Attentats, qui représente une partie des familles,
a confirmé que la somme exacte et les modalités
de versement feraient l'objet d'une nouvelle annonce dans un mois.
Le texte signé à Tripoli prévoit également
l'abandon des poursuites en cours contre la Libye et la "renonciation
à toute poursuite civile ou pénale devant un tribunal
français ou international découlant de cette catastrophe".
Les familles renoncent ainsi à toute nouvelle plainte et
abandonneront un recours devant la Cour européenne des
droits de l'homme contre la décision de la justice française
accordant une immunité pénale au colonel Kadhafi.
Dans une interview au Figaro de vendredi, Seïf al-Islam,
fils du dirigeant libyen et président de la Fondation Kadhafi
qui a négocié avec les familles des 170 victimes,
précise cependant que la partie libyenne "a posé
plusieurs demandes en échange" d'un accord sur le
dossier UTA.
Il évoque la nécessité d'une "solution"
pour les six Libyens condamnés par contumace en 1999 à
Paris dans le procès de l'attentat, demande des indemnités
pour trois militaires libyens tués par l'aviation française
qui avait abattu leur bombardier dans les années 1980 au-dessus
du Tchad et propose la conclusion d'un accord d'amitié
entre Paris et Tripoli.
Sur la question des indemnités, Le Figaro, qui cite une
"source bien informée", avance un montant d'un
million de dollars par famille.
Si Guillaume Denoix de Saint Marc, responsable de l'association
des familles des victimes, se veut confiant dans la poursuite
des discussions pour un règlement définitif, Françoise
Rudetzki, porte-parole de SOS Attentats, dit son inquiétude.
"Oui, ça m'inquiète. Aucun chiffre n'a été
annoncé", constate-t-elle.
En outre, dans son interview au Figaro, Seïf al-Islam rappelle
que l'accord cadre a été conclu entre la partie
française et la fondation Kadhafi et que le versement des
indemnités se fera par le biais d'un fonds spécial,
géré par les deux parties.
"Il sera alimenté par les contributions des sociétés
françaises opérant en Libye. Ce n'est pas un accord
conclu par l'Etat libyen mais par l'association charitable que
je préside. S'agissant d'une organisation non gouvernementale,
elle ne dispose pas à sa guise des fonds publics",
poursuit-il.
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