victimes attentat

(jeudi 16 octobre 2003, 14h33)

Affaire DC-10 d'UTA: Paris engagé dans un bras de fer avec la Libye

PARIS (AFP) - La France est engagée dans un bras de fer avec les Libyens, selon des experts, après la suspension des discussions à Paris entre Tripoli et les familles des victimes de l'attentat en 1989 contre un DC-10 d'UTA sur une indemnisation définitive.

"Cela fait partie du marchandage libyen traditionnel", a estimé le spécialiste du Moyen-Orient et ancien ambassadeur de France en Tunisie, Eric Rouleau. Pour lui, "la rupture des négociations est une pression supplémentaire. Maintenant il faut voir la réaction de la France".

Paris avait renoncé le 12 septembre à bloquer au Conseil de sécurité de l'ONU la levée de sanctions internationales contre la Libye après la signature d'"un accord de principe" entre la fondation Kadhafi et les familles des victimes, prévoyant l'aboutissement en un mois de négociations d'indemnisation.

Tripoli affirme avoir offert un million de dollars par famille mais, selon SOS Attentats, les tractations tournent autour de montants d'indemnisation de 2 à 2,5 millions de dollars, une somme à comparer aux 4 millions qui doivent être versés à chaque famille de victimes de l'attentat de Lockerbie (Ecosse).

Pour les Libyens, le fonds d'indemnisation devrait être alimenté par des contributions des sociétés françaises opérant en Libye.

Les Libyens ont également évoqué publiquement la nécessité d'apurer des contentieux avec Paris, notamment le cas de six Libyens, dont un beau-frère du colonel Kadhafi, condamnés par contumace en France à la perpétuité en 1999 pour l'attentat contre le DC-10. Ils ont également demandé le versement d'indemnités pour trois pilotes libyens tués par l'aviation française au-dessus de N'Djamena (Tchad) dans les années 80.

Les négociateurs libyens, qui avaient envisagé de quitter Paris jeudi à 11H00, y étaient toujours en milieu de journée. Le porte-parole des familles des victimes, Guillaume Denoix de Saint-Marc, a indiqué que plusieurs scénarios de sortie de crise ont été imaginés mercredi lors d'une réunion "informelle" à Paris, mais aucune solution n'a émergé.

L'Elysée a affirmé, mercredi soir, "avoir pris note" de la suspension des discussions la veille et l'entourage du président Jacques Chirac a souhaité "vivement que les engagements pris par la Libye soient tenus".

Pour M. de Saint-Marc, la négociation a été "entravée par l'escalade verbale et l'incompréhension entre Tripoli et Paris".

Lundi, Seïf al-Islam Khadafi, fils du dirigeant libyen, avait fait état d'un "accord secret" en six points, conclu le 11 septembre et accepté, selon lui, par les Français. Mardi, le Quai d'Orsay a démenti, affirmant qu'"il n'y a aucun accord secret de quelque type que ce soit". Peu après, la délégation libyenne recevait un coup de téléphone et quittait la table des négociations, selon une source proche du dossier.

"Les Français se sont mis dans une situation difficile en laissant passer la résolution du Conseil de sécurité", a estimé le journaliste et historien, spécialiste du Proche-Orient, Paul-Marie de la Gorce. Pour M. Rouleau, "la France était soumise aux pressions anglo-américaines".

M. Chirac avait indiqué dès samedi que la France saurait tirer les "conséquences" d'un refus de Tripoli de tenir ses engagements.

Mais Bruno Callies de Salies, expert du Maghreb, ne voit "pas trop les mesures de rétorsion dont on disposerait vis-à-vis des Libyens, d'autant plus qu'on cherche à pénétrer leur marché. Ce sont nos concurrents, britanniques et américains, qui pourraient profiter de la situation".

Pour M. Rouleau, en revanche, "la France détient de nombreux atouts" dans ce bras de fer avec la Libye. "En diplomatie, assure-t-il, on n'utilise pas tous ses atouts dès le premier jour".

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