victimes attentat

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(Lundi 27 octobre 2003)

Ali Abdessalem Triki
Représentant permanent de la Libye auprès des Nations unies

Ne dites pas au Dr Ali Abdessalem Triki (65 ans) qu'il a été limogé, au mois de juin, de son poste de ministre libyen de l'Union africaine, il pourrait presque se fâcher. Mais ce diplomate chevronné a trop d'humour pour s'offusquer d'une impertinence. Le « monsieur Afrique » du colonel Kaddafi n'est d'ailleurs pas resté longtemps sur la touche : depuis un mois, il est le représentant permanent de la Libye auprès des Nations unies.

Jeune Afrique l'intelligent : Pourquoi les négociations franco-libyennes sur le règlement du dossier du DC-10 d'UTA sont-elles bloquées ?

Ali AbdessalemTriki : Je pense que les discussions vont reprendre d'ici à quelques jours et qu'on va vite trouver une solution. Les deux parties sont déterminées à régler ce différend, parce que c'est leur intérêt. À mon sens, il faut se fonder sur le jugement de la cour d'assises de Paris, en 1999. Le mois dernier, la Libye a fait un effort sur le volet financier et accepté de réviser à la hausse le montant des indemnités fixées par la cour. Il revient peut-être à la France de faire un geste sur l'autre volet du jugement.

J.A.I. : Voulez-vous dire qu'elle devrait gracier les six Libyens condamnés par contumace ?

A.A.T. : Il pourrait s'agir d'une grâce présidentielle ou de toute autre disposition juridique. Ce qui compte, c'est que nos deux pays trouvent un compromis politique global. C'est très important au moment où les pays arabes sont engagés dans un processus très difficile en Irak et en Palestine. La France, qui s'est opposée à la guerre en Irak, a une position plus équilibrée que bien d'autres pays. Nous apprécions beaucoup son rôle. Par ailleurs, nous avons réactivé notre coopération économique avec elle et ne souhaitons pas revenir en arrière. Surtout avant le sommet « cinq plus cinq » entre l'Union européenne et l'Afrique du Nord, prévu au mois de décembre, à Tunis.

J.A.I. : Les sanctions de l'ONU contre votre pays ont été levées le mois dernier, mais pas celles des États-Unis. Ne craignez-vous pas un blocage jusqu'à l'élection présidentielle de novembre 2004 ?

A.A.T. : Non. L'élection américaine se jouera sur les questions économiques et sur l'Irak. Pas sur la Libye. Par ailleurs, les Américains savent bien que nous ne soutenons pas le terrorisme. Au contraire, nous en avons été victimes. La Libye a même été frappée par el-Qaïda avant les États-Unis. En 1998, il y a eu un attentat à la grenade contre le Guide de la Jamahiriya, dans le sud du pays...

J.A.I. : Mouammar Kaddafi se rapproche-t-il des Occidentaux parce qu'il veut préparer une succession paisible pour Seif el-Islam, son fils ?

A.A.T. : La Libye n'est pas une monarchie. Et le Guide n'occupe pas un poste pour lequel il faudrait désigner un successeur. De toute façon, il n'y a pas chez nous de pouvoir personnel. Notre gouvernement est fondé sur les congrès populaires.

J.A.I. : Le président tchadien n'exclut pas de demander à la Libye des réparations pour l'occupation passée de la bande d'Aozou...

A.A.T. : La Cour internationale de La Haye a rendu son jugement et nous l'avons respecté. Le reste, ce sont des paroles en l'air ! Les Tchadiens devraient avant tout se préoccuper de mener à bien leur réconciliation nationale. Et nous sommes prêts à les y aider.

J.A.I. : Depuis votre limogeage du gouvernement, au mois de juin, il n'y a plus de ministère de l'Union africaine. Cela veut-il dire que la Libye lâche l'Afrique ?

A.A.T. : Mais je n'ai pas été limogé ! J'ai été plusieurs fois ministre et plusieurs fois ambassadeur. Aujourd'hui, je sers à nouveau mon pays au siège de l'ONU, à New York. C'est tout. Quant au prétendu lâchage de l'Afrique, c'est totalement faux. Nous avons décidé de regrouper nos moyens dans un grand ministère des Affaires étrangères, mais cela ne change rien à la place privilégiée que nous accordons à ce continent. Et nous savons combien elle nous a aidés dans notre lutte pour faire lever les sanctions du Conseil de sécurité.

Propos recueillis par Christophe Boisbouvier


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