Le
président français a déclaré hier
soir avoir évoqué avec son homologue tunisien, Zine
el-Abidine Ben Ali, le cas de l'avocate Radia Nasraoui, en grève
de la faim, mais a minimisé les atteintes aux droits de
l'homme en Tunisie.
Tunis : de notre envoyé spécial
Pierre Rousselin
Au premier jour de sa visite d'Etat à
Tunis, Jacques Chirac a rendu hommage hier au «miracle tunisien»
et à la «réussite» économique
et sociale du président Zine el-Abidine Ben Ali, et s'est
attaché à minimiser la controverse sur les droits
de l'homme.
«Le premier des droits de l'homme, a relevé
le président de la République lors d'une conférence
de presse, c'est de manger, d'être soigné et de recevoir
une éducation, et d'avoir un habitat. De ce point de vue,
la Tunisie est très en avance sur beaucoup d'autres pays.
Nous avons chacun nos critères d'appréciation, et
je souhaite que le caractère libéral et respectueux
des libertés soit de plus en plus affirmé. Ce dont
je ne doute pas, d'ailleurs.» Le président de la
République a indiqué qu'il avait évoqué
avec le président Ben Ali le cas de l'avocate Radia Nasraoui,
en grève de la faim depuis le 15 octobre. Il a émis
l'espoir que «cette affaire trouve rapidement une issue»
et a souligné que des grèves de la faim avaient
lieu «aussi en France».
Lors du dîner officiel, Jacques Chirac
s'est ensuite adressé à son hôte pour rendre
hommage au «miracle tunisien», et pour «saluer
la réussite de (son) action au service des Tunisiens. En
désamorçant la frustration et le sentiment d'injustice,
elle constitue le meilleur antidote aux poisons de notre temps
que sont le fanatisme et l'extrémisme». «Vous
avez fait reculer la pauvreté et l'exclusion, ouvrant ainsi
la voie au renforcement de l'Etat de droit et à la consolidation
de la démocratie. Car, comme la modernisation, l'aspiration
démocratique est de tous les lieux et de tous les temps.»
Arrivé en retard sur le programme, à
cause de l'arrêt qu'il avait fait à Marseille pour
s'enquérir du sort des victimes des inondations, Jacques
Chirac était encore impressionné par «la mobilisation
tout à fait remarquable» à laquelle il avait
assisté dans le sud de la France. Le chef de l'Etat a dû
renoncer au bain de foule qui était prévu le long
de l'avenue Habib Bourguiba, au centre de Tunis, et qui devait
être l'occasion de vérifier sa popularité
auprès de la population des pays arabes, déjà
manifeste lors de ses visites d'Etat en Algérie, en mars
dernier, et au Maroc, en octobre.
Le chef de l'Etat et Mme Bernadette Chirac ont
dû se contenter d'une réception très protocolaire
à l'aéroport. La présence de Claudia Cardinale,
«ravie de revenir au pays», et celle d'une importante
délégation d'hommes d'affaires témoignaient
cependant de la proximité entre les deux pays.
La visite d'Etat sera suivie d'un sommet
du «Dialogue 5 + 5» entre les pays de l'Europe du
Sud (France, Espagne, Italie, Portugal et Malte) et les pays d'Afrique
du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie).
Ce sommet, le premier du genre, doit évoquer l'immigration
clandestine et la lutte contre le terrorisme. Il risque d'être
marqué par le différend franco-libyen à propos
de l'indemnisation des victimes de l'attentat contre le DC 10
d'UTA, en 1989. Alors que les familles des victimes ont annoncé
que les Libyens avaient rompu les négociations et ont demandé
à M. Chirac d'intervenir auprès de Mouammar Kadhafi,
le président s'est montré optimiste. Il a appelé
de ses voeux «une solution honorable pour chacun».
«Je souhaite qu'on y arrive, et je pense qu'on y arrivera»,
a-t-il dit.
Jacques Chirac n'a pas pris ombrage de la tournée
éclair entreprise au Maghreb au même moment par le
secrétaire d'Etat américain, Colin Powell. «Je
n'y vois aucune espèce de concurrence mais une sorte de
complémentarité», a-t-il dit, en exprimant
l'espoir que les Etats-Unis puissent aider, comme la France et
l'Europe, à l'unification du Maghreb.
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