victimes attentat

(Jeudi 4 décembre 2003, 21h00)

Chirac s'estime incompris sur les droits de l'homme en Tunisie

Par Sophie Louet

TUNIS (Reuters) - Jacques Chirac s'est efforcé jeudi de dissiper le trouble suscité par son jugement favorable sur les droits de l'homme en Tunisie, affirmant avoir été injustement "incompris", et a marqué son intérêt pour le cas de l'avocate tunisienne Radhia Nasraoui.

"La France a une thèse depuis longtemps, c'est que les droits de l'homme sont indivisibles et universels. C'est d'ailleurs une conviction partagée par l'ensemble européen. J'adhère sans réserve à cette conception", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, au deuxième jour de sa visite d'Etat en Tunisie.

"Dans cet esprit, j'attache la plus grande importance au respect des droits de l'homme. Les droits de l'homme, c'est quelque chose qu'on ne peut pas discuter", a-t-il poursuivi.

"Toute autre appréciation relève soit d'une incompréhension de ce que j'ai pu dire, de ce que je pense, et surtout de quelque chose d'injuste", a-t-il ajouté.

Jacques Chirac avait déclaré mercredi que la situation des droits de l'homme en Tunisie n'était pas "contestable" et que "le premier des droits de l'homme, c'est de manger" alors que Radhia Nasraoui observe une grève de la faim depuis le 15 octobre pour protester contre des "abus" et "harcèlements" imputés aux autorités de Tunis.

Cette dernière, interrogée jeudi sur France Info, a jugé choquants les propos du président français.

"Le fait de minimiser les violations des droits de l'homme en Tunisie, je ne vous le cache pas, ça choque tout le monde", a-t-elle dit.

L'appui marqué de Jacques Chirac au régime du président Zine El Abidine Ben Ali a également suscité de vives critiques au sein de l'opposition française.

MISE EN GARDE VOILEE A TRIPOLI

Le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a notamment dénoncé "la conception minimaliste" des droits de l'homme du chef de l'Etat, et le Parti communiste s'est dit "choqué".

Le président français, qui avait dit mercredi avoir "touché un mot" du cas de Radhia Nasraoui à son homologue tunisien, a de nouveau abordé le sujet jeudi lors d'un deuxième entretien avec le président Ben Ali.

Un haut fonctionnaire du Quai d'Orsay voyageant avec la délégation française a rencontré jeudi trois membres du comité de soutien de Radhia Nasraoui: Me Anouar Kousri, membre du comité directeur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, Me Layachi Hamami et Mahmoud Ben Ramdane.

Les autorités tunisiennes ont été informées de cette rencontre, a-t-on précisé de source française.

Bernard Emié, directeur pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères, s'était entretenu mercredi soir avec le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, Moktar Trifi.

Jacques Chirac achève vendredi sa visite d'Etat en Tunisie par une rencontre avec des élèves du lycée français Pierre Mendès-France de Tunis puis avec la communauté française.

Le président français enchaîne dans l'après-midi avec le premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du dialogue "5+5", qui réunit cinq Etats du sud de l'Europe (Portugal, Espagne, France, Italie, Malte) et les cinq Etats membres de l'Union du Maghreb arabe (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie).

Aucune rencontre n'est officiellement prévue en marge du sommet avec Mouammar Kadhafi concernant l'indemnisation des familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA en 1989.

Jacques Chirac a adressé jeudi une nouvelle mise en garde voilée au dirigeant libyen.

"Si un accord intervient, c'est très bien, si un accord n'intervient pas, nous serons obligés de tenir compte de cette situation que nous considérerons comme une situation d'insuffisante bonne volonté", a-t-il dit.

Retour au menu presse 2003