Par Sophie Louet
TUNIS (Reuters) - Jacques Chirac s'est efforcé jeudi de
dissiper le trouble suscité par son jugement favorable
sur les droits de l'homme en Tunisie, affirmant avoir été
injustement "incompris", et a marqué son intérêt
pour le cas de l'avocate tunisienne Radhia Nasraoui.
"La France a une thèse depuis longtemps, c'est que
les droits de l'homme sont indivisibles et universels. C'est d'ailleurs
une conviction partagée par l'ensemble européen.
J'adhère sans réserve à cette conception",
a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse,
au deuxième jour de sa visite d'Etat en Tunisie.
"Dans cet esprit, j'attache la plus grande importance au
respect des droits de l'homme. Les droits de l'homme, c'est quelque
chose qu'on ne peut pas discuter", a-t-il poursuivi.
"Toute autre appréciation relève soit d'une
incompréhension de ce que j'ai pu dire, de ce que je pense,
et surtout de quelque chose d'injuste", a-t-il ajouté.
Jacques Chirac avait déclaré mercredi que la situation
des droits de l'homme en Tunisie n'était pas "contestable"
et que "le premier des droits de l'homme, c'est de manger"
alors que Radhia Nasraoui observe une grève de la faim
depuis le 15 octobre pour protester contre des "abus"
et "harcèlements" imputés aux autorités
de Tunis.
Cette dernière, interrogée jeudi sur France Info,
a jugé choquants les propos du président français.
"Le fait de minimiser les violations des droits de l'homme
en Tunisie, je ne vous le cache pas, ça choque tout le
monde", a-t-elle dit.
L'appui marqué de Jacques Chirac au régime du président
Zine El Abidine Ben Ali a également suscité de vives
critiques au sein de l'opposition française.
MISE EN GARDE VOILEE A TRIPOLI
Le Premier secrétaire du Parti socialiste, François
Hollande, a notamment dénoncé "la conception
minimaliste" des droits de l'homme du chef de l'Etat, et
le Parti communiste s'est dit "choqué".
Le président français, qui avait dit mercredi avoir
"touché un mot" du cas de Radhia Nasraoui à
son homologue tunisien, a de nouveau abordé le sujet jeudi
lors d'un deuxième entretien avec le président Ben
Ali.
Un haut fonctionnaire du Quai d'Orsay voyageant avec la délégation
française a rencontré jeudi trois membres du comité
de soutien de Radhia Nasraoui: Me Anouar Kousri, membre du comité
directeur de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, Me Layachi
Hamami et Mahmoud Ben Ramdane.
Les autorités tunisiennes ont été informées
de cette rencontre, a-t-on précisé de source française.
Bernard Emié, directeur pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient
au ministère des Affaires étrangères, s'était
entretenu mercredi soir avec le président de la Ligue tunisienne
des droits de l'Homme, Moktar Trifi.
Jacques Chirac achève vendredi sa visite d'Etat en Tunisie
par une rencontre avec des élèves du lycée
français Pierre Mendès-France de Tunis puis avec
la communauté française.
Le président français enchaîne dans l'après-midi
avec le premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du
dialogue "5+5", qui réunit cinq Etats du sud
de l'Europe (Portugal, Espagne, France, Italie, Malte) et les
cinq Etats membres de l'Union du Maghreb arabe (Maroc, Algérie,
Tunisie, Libye, Mauritanie).
Aucune rencontre n'est officiellement prévue en
marge du sommet avec Mouammar Kadhafi concernant l'indemnisation
des familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA
en 1989.
Jacques Chirac a adressé jeudi une nouvelle mise
en garde voilée au dirigeant libyen.
"Si un accord intervient, c'est très bien,
si un accord n'intervient pas, nous serons obligés de tenir
compte de cette situation que nous considérerons comme
une situation d'insuffisante bonne volonté", a-t-il
dit.
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