LONDRES (AP) - Décidée à revenir sur la scène
internationale, la Libye reconnaît avoir tenté de
mettre au point des armes de destructions massives mais promet
de démantèler immédiatement ces programmes
et autoriser des inspections. Fruit de neuf mois de négociations
secrètes avec Londres et Washington, cette décision
annoncée vendredi soir par Tony Blair et George W. Bush
a été confirmée par le colonel Moammar Kadhafi
qui parle d'un "pas courageux" de Tripoli.
A Washington, M. Bush a annoncé que la Libye allait autoriser
des inspecteurs internationaux à contrôler toutes
les armes importantes du pays. Une décision "très
importante" pour le président américain. "Avec
l'annonce de son chef d'Etat aujourd'hui, la Libye a entamé
son processus de retour dans la communauté des nations.
Et le colonel Kadhafi sait comment continuer", a déclaré
le chef de la Maison Blanche.
Si Tripoli tient son engagement, "sa bonne foi peut être
restaurée", a estimé M. Bush, en espérant
que "d'autres dirigeants suivront cet exemple". Le président
américain a toutefois précisé que Washington
et Londres s'assureraient que la Libye tiendrait sa parole, étant
donné son "passé trouble", avant d'ajouter
que "comme nous l'avons vu avec d'autres pays, les vieilles
hostilités ne sont pas forcées de durer éternellement".
"La décision du colonel Kadhafi est historique et
courageuse et je l'applaudis", a pour sa part affirmé
Tony Blair, assurant que Moammar Kadhafi avait promis que le processus
de démantèlement se ferait de façon "transparente
et vérifiable". "La Libye est venue vers nous
en mars après des négociations réussies sur
Lockerbie pour voir si elle pouvait résoudre la question
de ses armes de destruction massive d'une manière coopérative
similaire", a expliqué le Premier ministre britannique
à Durham, dans le nord de l'Angleterre.
Moammar Kadhafi a ensuite confirmé que son pays avait
pris "une sage décision" et fait "un pas
courageux" en s'engageant à se débarrasser
de ses armes de destruction massive et en autorisant les inspections
internationales. Dans une déclaration relayée par
l'agence JANA, il explique que Tripoli souhaite montrer l'exemple
"dans la construction d'un monde débarrassé
d'armes de destruction massive et de toute forme de terrorisme,
dans le but de préserver la paix internationale, la sécurité
et le progrès de l'humanité".
La France a salué samedi "les efforts du Royaume-Uni
et des Etats-Unis qui ont permis de parvenir à ce résultat",
ainsi que la décision de la Libye, un "pas important"
pour le plein retour de ce pays dans la communauté internationale.
Mais le ministre des Affaires étrangères Dominique
de Villepin a rappelé que les négociations franco-libyennes
sur l'indemnisation des familles des victimes de l'attentat du
DC-10 d'UTA (170 morts en 1989) n'ont toujours pas abouti, exhortant
Tripoli à mettre en oeuvre "sans délai"
les engagements pris.
Selon un responsable de l'administration américaine ayant
requis l'anonymat, la Libye a notamment reconnu avoir un programme
chargé d'enrichir de l'uranium dans le but de fabriquer
des armes atomiques.
Le programme nucléaire de Tripoli était plus avancé
que ne le pensaient Londres et Washington, selon ce responsable.
Les experts américains et britanniques ont ainsi découvert
les éléments d'un programme de centrifugeuse destiné
à l'enrichissement d'uranium, mais si le système
n'était pas encore opérationnel, a-t-il expliqué.
Après l'attentat contre le DC-10 d'UTA au-dessus du Niger
le 19 septembre 1989, la France a accepté la levée
en septembre dernier des sanctions onusiennes frappant la Libye,
bien que n'ayant reçu aucune indemnisation, contrairement
à Londres et Washington. Les difficiles tractations pour
l'indemnisation dans l'affaire UTA se poursuivent toujours.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a levé les
sanctions contre la Libye le 12 septembre dernier, après
que Tripoli eut reconnu sa responsabilité dans l'attentat
contre un Boeing de la Pan Am en 1988 au-dessus de Lockerbie (259
morts) et accepté d'indemniser les victimes. Mais Washington
n'avait pas levé son embargo décidé il y
a 17 ans et avait maintenu la Libye sur la liste des pays soutenant
le terrorisme.
AP
sb-jp/v0/mw
|