victimes attentat

(samedi 20 décembre 2003, 14h57)

Tripoli affiche sa volonté de réintégrer le concert des nations

Par Salah Sarrar et Bernard Woodall

TRIPOLI/NEW YORK (Reuters) - La Libye, qui a annoncé vendredi l'abandon de son programme d'armes de destruction massive, a fait savoir samedi qu'elle comptait bien cesser d'être un pays paria aux yeux de la communauté internationale et réintégrer le concert des nations.

"La Libye veut résoudre tous les problèmes, nous voulons nous consacrer au développement et à l'avancement de notre pays. Ce programme ne profite ni à notre peuple ni à notre pays", a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Abderrhamane Chalgam, à la télévision qatarie Al Djazira.

"Nous voulons nouer des liens avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, parce que c'est dans l'intérêt de notre peuple."

En renonçant à ses programmes d'armes de destruction massive -Londres a affirmé que Tripoli était en passe de détenir une bombe nucléaire- la Libye a ouvert la voie à une possible levée des sanctions américaines qui la frappent, ce qui entraînerait le retour des compagnies pétrolières américaines sur son sol.

Le département américain de l'Energie estime que la production de pétrole libyen pourrait atteindre les deux millions de barils par jour en cinq ans.

"C'est un accord crucial pour la Libye", a déclaré le fils du colonel Kadhafi, Saïf al Islam. "parce que tout d'abord, nous aurons accès aux armes défensives et il n'y aura plus de sanctions sur les importations d'armes libyennes. Nous aurons accès au savoir-faire et à la technologie dans des secteurs qui nous étaient prohibés (...) et que les Libyens avaient interdiction d'étudier", a-t-il dit sur CNN.

L'accord, a-t-il ajouté, "ouvrira la voie à la normalisation des relations politiques avec les Etats-Unis et l'Occident en général et conduira également à éliminer toute menace contre la Libye de la part de l'Occident et des Etats-Unis en particulier."


"AVANCER ETAPE PAR ETAPE"

Néanmoins, et malgré les témoignages de satisfaction de Londres et de Washington, qui ont négocié depuis des mois sur cette question, un haut responsable de l'administration Bush s'est montré réservé quant à la levée des sanctions américaines.

"Nous ne sommes qu'au début (du processus). Les Libyens veulent travailler avec les Etats-Unis, mais nous allons avancer étape par étape", a-t-il dit à Reuters. "Nous travaillerons avec eux tant que leur initiative sera sincère. Nous n'en sommes pas au point de discuter de l'impact de cette annonce sur le régime des sanctions."

L'annonce de la Libye est intervenue à deux jours du 15e anniversaire de l'attentat de Lockerbie, en Ecosse. Tripoli a échappé cet automne aux sanctions de l'Onu en reconnaissant sa responsabilité dans cette attaque, qui avait fait 270 morts, et en acceptant de dédommager les familles des victimes.

Mais Washington, qui soupçonnait Tripoli de chercher à se procurer des armes biologiques ou chimiques, avait alors maintenu ses sanctions.

Actuellement, Washington interdit presque toute activité économique en Libye et interdit à ses ressortissants de s'y rendre sans permission du gouvernement.

Rien ne permet d'affirmer que ces sanctions résisteront au concert d'éloges internationales après la décision libyenne.

Le président libyen Mouammar Kadhafi "doit être vivement applaudi pour ce qu'il a fait, qui est digne d'un chef d'Etat et très courageux", a déclaré samedi Jack Straw, secrétaire britannique au Foreign office.


REGLER LA QUESTION DU DC-10 D'UTA

Le colonel Kadhafi, naguère persona non grata sur la scène internationale, a estimé que cette "sage décision" montrait l'attachement de son pays à "l'édification d'un monde libre de toute arme de destruction massive et de toute forme de terrorisme".

Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Maher, a jugé qu'il s'agissait d'un "exemple" à suivre pour la région.

Le président George W. Bush a félicité Tripoli pour avoir pris des "mesures essentielles" concernant son programme d'armement et déclaré: "Sa bonne foi sera payée de retour".

"L'annonce faite aujourd'hui montre que l'on peut combattre cette menace par des moyens autres que purement militaires", a commenté le Premier ministre britannique, Tony Blair.

Faisant vraisemblablement allusion aux programmes nucléaires de l'Iran et de la Corée du Nord, le président Bush a déclaré: "J'espère que d'autres dirigeants prendront exemple sur l'annonce faite aujourd'hui par la Libye."

Tout en saluant la décision libyenne qualifiée de "pas en avant", le chef de la diplomatie française Dominique de Villepin a souhaité samedi qu'un accord définitif puisse être trouvé rapidement avec Tripoli sur l'indemnisation des familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA, perpétré en 1989.

La Libye a accepté d'abandonner son programme d'armes non conventionnelles à la suite de rencontres avec des experts britanniques et américains.

"Pendant près de neuf mois, nous avons mené de longues et difficiles négociations secrètes. Et (...) il y a deux semaines, nous avons trouvé un accord", a révélé Saif al-Islam, qui a affirmé que ce processus n'était en rien lié à la crise irakienne ou à la capture de Saddam Hussein samedi dernier.

"En fait, nous avons commencé à coopérer avant même l'invasion de l'Irak et avons décidé il y a deux semaines de rendre public le résultat de cette coopération, ce qui signifie que cela n'a rien à voir avec la capture de Saddam ou avec l'invasion de l'Irak."

D'après un responsable américain, Tripoli a reconnu l'existence d'un programme d'armes chimiques et son intérêt pour l'acquisition de matériaux en vue d'armes biologiques.

Il a ajouté que les Libyens faisaient preuve de franchise mais qu'il restait des points à élucider. A propos des objectifs nucléaires de la Libye, il a dit: "D'après ce que je comprends, ils (les Libyens) avaient un programme bien plus avancé" que l'on ne pensait précédemment.

 

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