victimes attentat

(samedi 20 décembre 2003, 18h48)

La Libye veut être récompensée de l'abandon des ADM

Par Salah Sarrar

TRIPOLI (Reuters) - La Libye, qui a annoncé vendredi l'abandon de son programme d'armes de destruction massive (ADM), a fait savoir samedi qu'elle comptait bien cesser d'être un pays paria aux yeux de la communauté internationale et réintégrer le concert des nations.

"La Libye veut résoudre tous les problèmes, nous voulons nous consacrer au développement et à l'avancement de notre pays. Ce programme ne profite ni à notre peuple ni à notre pays", a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Abderrhamane Chalgam, à la télévision qatarie Al Djazira.

Disant souhaiter "nouer des liens avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis", la Libye s'est tournée dès samedi vers l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour chercher à convaincre la communauté internationale que ses engagements ne resteraient pas lettre morte.

Des responsables libyens sont partis samedi à Vienne, pour une réunion au siège de l'AIEA, a-t-on appris de source diplomatique. Tripoli a annoncé vendredi qu'il acceptait des inspections des experts de l'agence de l'Onu et qu'il souhaitait prouver que ses futures recherches dans le domaine nucléaire n'auraient que des objectifs civils.


LEVEE DES SANCTIONS AMERICAINES?

En renonçant à ses programmes d'armes de destruction massive -Londres a affirmé que Tripoli était en passe de détenir une bombe nucléaire- la Libye a ouvert la voie à une possible levée des sanctions américaines qui la frappent, ce qui entraînerait le retour des compagnies pétrolières américaines sur son sol.

Le département américain de l'Energie estime que la production de pétrole libyen pourrait atteindre les deux millions de barils par jour en cinq ans.

Néanmoins, et malgré les témoignages de satisfaction de Londres et de Washington, un haut responsable américain s'est montré réservé quant à la levée des sanctions américaines.

"Nous ne sommes qu'au début (du processus). Les Libyens veulent travailler avec les Etats-Unis, mais nous allons avancer étape par étape", a-t-il dit à Reuters. "Nous travaillerons avec eux tant que leur initiative sera sincère. Nous n'en sommes pas au point de discuter de l'impact de cette annonce sur le régime des sanctions."

L'annonce de la Libye est intervenue à deux jours du 15e anniversaire de l'attentat de Lockerbie, en Ecosse. Tripoli a échappé cet automne aux sanctions de l'Onu en reconnaissant sa responsabilité dans cette attaque, qui avait fait 270 morts, et en acceptant de dédommager les familles des victimes.

Mais Washington avait alors maintenu ses sanctions et interdit toujours presque toute activité économique en Libye.

Rien ne permet d'affirmer que ces sanctions, décidées en 1982 et renforcées en 1986, résisteront au concert d'éloges internationales après la décision libyenne.

Le président libyen Mouammar Kadhafi "doit être vivement applaudi pour ce qu'il a fait, qui est digne d'un chef d'Etat et très courageux", a déclaré samedi Jack Straw, secrétaire britannique au Foreign office.

"Si Saddam était venu vers nous il y a un an ou plus, (...) la situation en Irak aurait été très différente", a-t-il ajouté. La principale raison invoquée par Londres et Washington pour envahir l'Irak était ses armes interdites présumées.


TRIPOLI EN EXEMPLE

Tripoli a affirmé qu'aucun lien n'existait entre sa décision de renoncer à ses armes et la crise irakienne.

"Pendant près de neuf mois, nous avons mené de longues et difficiles négociations secrètes. Et (...) il y a deux semaines, nous avons trouvé un accord", a révélé Saif al-Islam, le fils du colonel Kadhafi, qui a affirmé que ce processus n'était en rien lié à la crise irakienne ou à la capture de Saddam Hussein samedi dernier.

"En fait, nous avons commencé à coopérer avant même l'invasion de l'Irak et avons décidé il y a deux semaines de rendre public le résultat de cette coopération, ce qui signifie que cela n'a rien à voir avec la capture de Saddam ou avec l'invasion de l'Irak."

Le colonel Kadhafi, qualifié dans les années 1980 de "chien fou" par le président américain Ronald Reagan, a estimé que cette "sage décision" montrait l'attachement de son pays à "l'édification d'un monde libre de toute arme de destruction massive et de toute forme de terrorisme".

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a estimé qu'Israël devait s'inspirer de la décision libyenne et démanteler ses programmes nucléaires militaires présumés.

Selon un responsable israélien, Israël considère le geste de Tripoli comme "très positif" pour la région.

Le président George W. Bush a félicité Tripoli pour avoir pris des "mesures essentielles" concernant son programme d'armement et déclaré: "Sa bonne foi sera payée de retour".

Faisant vraisemblablement allusion aux programmes nucléaires de l'Iran et de la Corée du Nord, Bush a déclaré: "J'espère que d'autres dirigeants prendront exemple sur l'annonce faite aujourd'hui par la Libye."

Tout en saluant la décision libyenne, qualifiée de "pas en avant", le chef de la diplomatie française Dominique de Villepin a souhaité qu'un accord définitif puisse être trouvé rapidement avec Tripoli sur l'indemnisation des familles des victimes de l'attentat contre le DC-10 d'UTA, perpétré en 1989.

Berlin et Moscou ont également fait part de leur satisfaction après la décision libyenne.

D'après un responsable américain, Tripoli a reconnu l'existence d'un programme d'armes chimiques et son intérêt pour l'acquisition de matériaux en vue d'armes biologiques.

Il a ajouté que les Libyens faisaient preuve de franchise mais qu'il restait des points à élucider. A propos des objectifs nuléaires de la Libye, il a dit: "D'après ce que je comprends, ils (les Libyens) avaient un programme bien plus avancé" que l'on ne pensait précédemment

 

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