PARIS (AFP) - Les familles de victimes du DC-10 d'UTA ont signé
vendredi à Paris un accord d'indemnisation avec les Libyens
qui lève le dernier obstacle à la normalisation des
relations entre Paris et Tripoli, quatorze ans après l'attentat
contre l'avion français attribué à la Libye.
Au total, la Libye s'est engagée à verser 170 millions
de dollars, soit un million de dollar par victime de cet attentat
perpétré en septembre 1989 et qui a fait 170 morts
de 17 nationalités, dont 54 Français, lorsque l'appareil
s'est écrasé dans le désert du Ténéré
(Niger).
"Une page est tournée" dans les relations franco-libyennes,
a commenté le directeur de la Fondation Kadhafi, Saleh
Abdu Salam, à l'issue de la cérémonie de
signatures qui s'est déroulée dans une ambiance
fiévreuse et chargée d'émotion avant que
les applaudissements des signataires et des familles n'éclatent.
Outre le directeur de la Fondation, l'accord de 5 pages en deux
langues (français et arabe) a été paraphé
par Guillaume Denoix de Saint-Marc, porte-parole des familles
de victimes, Me Francis Szpiner, avocat représentant l'association
de SOS attentats, un notaire et un représentant de la Caisse
des Dépôts et Consignations.
Un chèque en euros d'un montant équivalent à
42,5 millions de dollars, le premier des quatre versements destinés
aux familles qui doivent être effectués dans les
six mois, a été déposé et certifié
par la Caisse des dépôts qui doit également
créer une fondation pour contrôler la distribution
de l'argent.
L'accord qui n'a pas été rendu public a été
signé en présence d'une vingtaine de personnes,
représentant les familles, qui ont exprimé leur
soulagement de voir "enfin la Libye reconnaître sa
responsabilité" dans le crash de l'avion.
"Cela fait 14 ans que nous attendions une reconnaissance
de culpabilité et de responsabilité de la Libye
dans l'attentat", confie Brigitte Moret, dont la soeur, hôtesse
de l'air, a péri dans l'attentat.
Sans surprise, la lecture de l'accord par le directeur de la
fondation Kadhafi est bien différente. Selon lui, les six
Libyens condamnés à perpétuité par
une cour d'assises française en 1999 sont "innocents"
et, jugés par contumace, ils n'ont pas eu la possibilité
de se défendre.
"Nous demandons au gouvernement français d'accorder
aux six Libyens condamnés la possibilité de se défendre",
a-t-il déclaré sans autre précision.
Les mandats d'arrêt internationaux contre les six condamnés,
dont un beau-frère de Kadhafi, n'expireront qu'en 2019.
Guillaume Denoix de Saint-Marc a assuré à ce propos
que "le processus (de l'accord) a été mis en
place sans contrepartie", parlant de "geste gratuit"
de la Libye.
Concernant la plainte déposée contre le dirigeant
libyen par SOS Attentats devant la Cour européenne des
droits de l'homme, Me Szpiner a précisé que "si
le processus d'indemnisation est mené à bien, la
plainte sera retirée".
M. Denoix de Saint-Marc a également défendu le
montant de l'indemnisation, obtenu à l'issue de deux ans
de négociations marquées par de nombreux contre-temps
et estimé qu'il n'était "pas du tout ridicule"
par rapport à celui obtenu l'été dernier
par les familles des victimes de l'attentat de Lockerbie (270
morts en 1988) contre un avion de la PanAm qui doivent recevoir
4 millions de dollars par victime. Selon lui, en comptant les
frais d'avocat (50%) et l'ensemble des taxes dont une taxe fédérale
de 10%, "les familles de Lockerbie toucheront entre 1,5 et
2 millions de dollars en net".
L'accord a été signé alors que le ministre
libyen des Affaires étrangères Abdelrahmane Chalgham
doit être recu vendredi par le ministre français
des Affaires étrangères Dominique de Villepin et
le président Jacques Chirac. |