PARIS (AP) - Quinze ans après l'attentat, la Libye va indemniser
les familles des 170 victimes du DC-10 d'UTA, détruit en
plein vol en 1989. La Fondation Kadhafi et le Collectif des familles
ont signé vendredi à Paris un accord d'indemnisation
à hauteur d'un million de dollars par victime.
Les autorités françaises et libyennes se sont réjouies
de cet accord qui devrait permettre une normalisation des relations
entre les deux pays. Quelques heures après sa signature,
le ministre libyen des Affaires étrangères, Abderrahmane
Chalgham en visite officielle à Paris, a rencontré
successivement son homologue Dominique de Villepin et le président
de la République Jacques Chirac.
Lors de l'entretien avec le ministre libyen, M. Chirac s'est
dit "heureux du règlement du contentieux" lié
à l'affaire du DC-10 d'UTA, a déclaré la
porte-parole du président de la République, Catherine
Colonna. Le chef de l'Etat, au cours de cette entrevue d'un peu
plus d'une demi-heure, a exprimé "l'espoir que l'année
2004 soit l'année de la reprise des relations cordiales
et confiantes entre la Libye et la France" a également
rapporté Catherine Colonna.
Abderrahmane Chalgham a pour sa part déclaré aux
journalistes: "Aujourd'hui, l'affaire de l'UTA est derrière
nous. Nous considérons que nous allons prendre un nouveau
départ dans les relations bilatérales dans tous
les domaines entre la France et la Libye".
Guillaume Denoix de Saint Marc, le porte-parole du collectif
des familles des victimes de 18 nationalités (dont 54 Français),
a lui affirmé qu'"en montant net" les indemnités
perçues par les familles étaient "tout à
fait comparables" à celles versées par la Libye
en compensation de l'attentat contre un avion de la PanAm au-dessus
de Lockerbie en Ecosse.
L'accord franco-libyen prévoit une somme totale de 170
millions de dollars devant être versée sur six mois
à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Celle-ci va créer une fondation, dont le but sera de vérifier
les liens de parenté et de répartir les fonds entre
les membres de chaque famille.
Un premier versement de 42,5 millions de dollars a été
déposé et certifié vendredi par la CDC. Selon
M. Denoix de Saint Marc, les premiers versements aux bénéficiaires
ne devraient pas intervenir "avant huit mois".
En contrepartie, les familles qui percevront les indemnités
devront renoncer à toute procédure contre la Libye
ou des citoyens libyens dans le cadre de cette affaire.
Lors d'un point presse commun au Quai d'Orsay, le ministre français
des Affaires étrangères, Dominique de Villepin,
et son homologue libyen, Abderrahmane Chalgham, ont affirmé
que cette indemnisation contribuait "à un règlement
définitif de ce drame et à mettre un terme à
toute réclamation ultérieure afin que s'ouvre à
présent un nouveau chapitre dans nos relations bilatérales".
"L'ensemble de notre relation entre la France et la Libye
va bénéficier d'une nouvelle dynamique, c'est une
nouvelle étape qui s'ouvre. Nous mènerons en particulier
un dialogue politique approfondi en faveur de la paix et notamment
en faveur du développement du continent africain",
a déclaré Dominique de Villepin.
Concernant la condamnation par contumace, en mars 1999 par la
justice française, de six Libyens, à la réclusion
criminelle à perpétuité pour leur implication
dans l'attentat, le chef de la diplomatie française a déclaré
que la signature de l'accord ne modifiait en rien "les mandats
d'arrêt internationaux" dont ils font l'objet et qui
"demeurent valables en ce qui concerne la France".
Le chef de la diplomatie libyenne a insisté pour sa part
sur l'importance de développer un partenariat économique
avec la France, affirmant que l'affaire d'UTA était devenue
"un prétexte au renforcement des relations entre la
France et la Libye et non plus une cause d'affaiblissement de
ces relations". "Nous voulons un partenariat économique
avec vous".
Chez les familles, l'heure était à la satisfaction.
Après 14 ans d'épreuve, "nous allons pouvoir
avancer sur la voie de l'apaisement et de la sérénité",
a déclaré Brigitte Moret, dont la soeur, hôtesse
de l'air, est morte dans l'attentat. Guillaume Denoix de Saint
Marc a confié à l'AP qu'il souhaitait se rendre
avec les familles sur les lieux de l'attentat, "idéalement
le 19 septembre 2004", date du 15e anniversaire du drame.
"C'est vrai que l'argent ne peut pas remplacer les parents
que nous avons perdus. Mais il s'agit quand même d'un geste
et d'une réparation appréciable pour les familles",
a déclaré pour sa part le général
Norbert Dabira, porte-parole des familles des 49 victimes congolaises,
qui a lui-même perdu son fils.
Tout en regrettant que Tripoli ne reconnaisse par formellement
sa responsabilité dans la destruction criminelle du DC-10
d'UTA, le collectif des familles des victimes africaines "salue
l'accord signé entre le gouvernement français et
libyen (...) permettant ainsi de rendre justice aux familles de
toutes les victimes sans discrimination".
AP
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