victimes attentat

(vendredi 9 janvier 2004, 12h45)

DC-10 d'UTA : 170 millions de dollars pour les victimes


Les représentants des familles des victimes de l'attentat ont signé ce matin un accord d'indemnisation pour 170 millions de dollars avec la fondation Kadhafi. Ils ont insisté sur le fait qu'il n'y avait "aucune contrepartie" à cet accord. Cette signature met fin à près de deux ans de négociations entre les proches des victimes et la fondation Kadhafi chargée par Tripoli de régler le dossier. L'attentat du 19 septembre 1989, imputé à six agents libyens, a fait 170 morts de 17 nationalités, dont 54 Français.
Dix-sept personnes représentant onze familles ont assisté à la cérémonie dans un cabinet d'avocat du VIIIe arrondissement de Paris. L'accord, contenu dans cinq gros parapheurs noirs, a été signé peu après 11h10 simultanément par Guillaume Denoix de Saint Marc, pour le collectif des familles du DC-10 d'UTA, par Me Szpiner, par le directeur de la fondation Kadhafi, Saleh Abdoul Salam, par un représentant de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Pierre Ducret, et par un notaire.
Un quart de cette somme sera versé immédiatement, avant trois autres paiements étalés sur six mois, a-t-on appris auprès des familles.(CDC), Pierre Ducret, et un notaire. Une fois le processus d'indemnisation terminé, un voyage pourrait être organisé au Niger, dans un an, pour permettre aux proches de "poursuivre leur travail de deuil", a-t-on ajouté de source proche des discussions.

Cette signature met fin à près de deux ans de négociations entre les proches des victimes de l'attentat de septembre 1989 et la fondation Kadhafi, présidée par un fils de Mouammar Kadhafi et chargée par Tripoli de régler le dossier. Elle survient six mois après le versement par la Libye de 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de l'attentat de Lockerbie (Ecosse) contre un Boeing de la Panam, qui a fait 270 morts en décembre 1988.

"C'est un geste gratuit (de la fondation Kadhafi) et donc un signe de reconnaissance, de réparation de la part du peuple libyen", a dit Guillaume Denoix de Saint Marc. Guillaume Denoix de Saint Marc a estimé que la différence d'indemnisation dans les deux cas était moins importante qu'il ne paraissait, dans la mesure où une partie des sommes versées dans le dossier Lockerbie sert à payer les avocats et que chaque famille de victimes de cet attentat recevra au maximum deux millions de dollars. Selon lui, dans le cas de l'attentat contre le DC-10, un million de dollars devraient aller à chaque famille.
"La parité totale n'était pas le but recherché mais je vous assure que le montant n'est pas du tout ridicule", a-t-il dit. "L'histoire de Lockerbie nous a fait prendre conscience qu'il y avait des morts plus importants que les nôtres", a déclaré Danielle Klein, dont le frère a été tué dans l'attentat contre le DC-10. "Aujourd'hui, nous recevons quelque chose de digne. Ce n'est pas le jackpot mais nous ne sommes pas aux Etats-Unis", a-t-elle ajouté, précisant que le plus important à ses yeux était de "ne pas toucher" aux condamnations des six agents libyens, prononcées par contumace en 1999.

FIN DES ACTIONS EN JUSTICE

Cette indemnisation s'ajoute aux sommes déjà versées à plusieurs familles par le fonds de garantie des victimes d'attentats et au terme du procès en assises tenu à Paris en 1999. "C'est une manière pour la Libye de montrer sa responsabilité alors que sur le plan du droit cette indemnisation n'était pas évidente", a expliqué à Reuters Me Francis Szpiner, avocat de l'organisation SOS-Attentats, qui a représenté les familles en justice.
L'accord ne comporte aucune contrepartie diplomatique, ont insisté les représentants des familles. Les proches des victimes qui choisiront d'accepter cet accord s'engagent cependant à "se désister de toute action en justice future". Le cas d'une plainte déposée devant la Cour européenne des droits de l'homme contre le colonel Mouammar Kadhafi par la présidente de SOS-Attentats, Françoise Rudetzki, sera "réglé dans six mois", au terme des versements, a assuré Me Szpiner. "Une fois que l'accord sera complet et rempli, la plainte n'aura plus lieu d'être", a-t-il souligné.

EGALEMENT UN ACCORD POLITIQUE

Parallèlement à cet accord d'indemnisation, la France et la Libye devraient signer dans l'après-midi un accord politique pour "renforcer et relancer" leurs relations bilatérales. Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abderrahmane Chalgham, est arrivé jeudi en fin de journée à Paris pour une visite officielle de deux jours. Il sera reçu dans l'après-midi par Dominique de Villepin au Quai d'Orsay, où les deux hommes doivent tenir une conférence de presse. Abderrahmane Chalgham est attendu ensuite à l'Elysée, où il doit s'entretenir avec Jacques Chirac.

Jeudi soir, lors d'un entretien avec le président du Sénat, le chef de la diplomatie libyenne avait confirmé à Christian Poncelet que deux accords seraient signés vendredi. Outre l'accord entre les familles et la fondation Kadhafi, il s'agit d'un "accord politique" entre la France et la Libye. "C'est une sorte de feuille de route qui va être signée pour, à l'avenir, renforcer et relancer les relations entre la France et la Libye", a-t-on précisé de source proche du président du Sénat. Jacques Chirac avait souhaité jeudi que l'accord dans l'affaire UTA permette à la Libye "de s'insérer pleinement dans la dynamique de coopération entre les deux rives de la Méditerranée".

Un accord de principe avait été trouvé entre SOS-Attentats, le collectif et la fondation Kadhafi le 11 septembre dernier, ce qui avait permis la levée des sanctions de l'Onu contre la Libye. La finalisation de l'accord aurait dû intervenir avant le 11 octobre mais les négociations ont connu depuis lors plusieurs rebondissements. Deux séances de négociations à Paris ont achoppé et Jacques Chirac est intervenu personnellement fin octobre dans le dossier pour rappeler la Libye à ses engagements. Le fils du colonel Kadhafi, Seïf al-Islam, avait réclamé des compensations, en demandant notamment que soit trouvée une "solution" pour les six Libyens condamnés par contumace en 1999 ainsi qu'une indemnisation pour les familles de trois aviateurs libyens tués par l'armée française dans les années 1980 au Tchad.

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