Les représentants des familles des victimes de l'attentat
ont signé ce matin un accord d'indemnisation pour 170 millions
de dollars avec la fondation Kadhafi. Ils ont insisté sur
le fait qu'il n'y avait "aucune contrepartie" à
cet accord. Cette signature met fin à près de deux
ans de négociations entre les proches des victimes et la
fondation Kadhafi chargée par Tripoli de régler le
dossier. L'attentat du 19 septembre 1989, imputé à
six agents libyens, a fait 170 morts de 17 nationalités,
dont 54 Français.
Dix-sept personnes représentant onze familles ont assisté
à la cérémonie dans un cabinet d'avocat du
VIIIe arrondissement de Paris. L'accord, contenu dans cinq gros
parapheurs noirs, a été signé peu après
11h10 simultanément par Guillaume Denoix de Saint Marc, pour
le collectif des familles du DC-10 d'UTA, par Me Szpiner, par le
directeur de la fondation Kadhafi, Saleh Abdoul Salam, par un représentant
de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Pierre
Ducret, et par un notaire.
Un quart de cette somme sera versé immédiatement,
avant trois autres paiements étalés sur six mois,
a-t-on appris auprès des familles.(CDC), Pierre Ducret, et
un notaire. Une fois le processus d'indemnisation terminé,
un voyage pourrait être organisé au Niger, dans un
an, pour permettre aux proches de "poursuivre leur travail
de deuil", a-t-on ajouté de source proche des discussions.
Cette signature met fin à près de deux ans de négociations
entre les proches des victimes de l'attentat de septembre 1989 et
la fondation Kadhafi, présidée par un fils de Mouammar
Kadhafi et chargée par Tripoli de régler le dossier.
Elle survient six mois après le versement par la Libye de
2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de l'attentat
de Lockerbie (Ecosse) contre un Boeing de la Panam, qui a fait 270
morts en décembre 1988.
"C'est un geste gratuit (de la fondation Kadhafi) et donc un
signe de reconnaissance, de réparation de la part du peuple
libyen", a dit Guillaume Denoix de Saint Marc. Guillaume Denoix
de Saint Marc a estimé que la différence d'indemnisation
dans les deux cas était moins importante qu'il ne paraissait,
dans la mesure où une partie des sommes versées dans
le dossier Lockerbie sert à payer les avocats et que chaque
famille de victimes de cet attentat recevra au maximum deux millions
de dollars. Selon lui, dans le cas de l'attentat contre le DC-10,
un million de dollars devraient aller à chaque famille.
"La parité totale n'était pas le but recherché
mais je vous assure que le montant n'est pas du tout ridicule",
a-t-il dit. "L'histoire de Lockerbie nous a fait prendre conscience
qu'il y avait des morts plus importants que les nôtres",
a déclaré Danielle Klein, dont le frère a été
tué dans l'attentat contre le DC-10. "Aujourd'hui, nous
recevons quelque chose de digne. Ce n'est pas le jackpot mais nous
ne sommes pas aux Etats-Unis", a-t-elle ajouté, précisant
que le plus important à ses yeux était de "ne
pas toucher" aux condamnations des six agents libyens, prononcées
par contumace en 1999.
FIN DES ACTIONS EN JUSTICE
Cette indemnisation s'ajoute aux sommes déjà versées
à plusieurs familles par le fonds de garantie des victimes
d'attentats et au terme du procès en assises tenu à
Paris en 1999. "C'est une manière pour la Libye de
montrer sa responsabilité alors que sur le plan du droit
cette indemnisation n'était pas évidente",
a expliqué à Reuters Me Francis Szpiner, avocat
de l'organisation SOS-Attentats, qui a représenté
les familles en justice.
L'accord ne comporte aucune contrepartie diplomatique, ont insisté
les représentants des familles. Les proches des victimes
qui choisiront d'accepter cet accord s'engagent cependant à
"se désister de toute action en justice future".
Le cas d'une plainte déposée devant la Cour européenne
des droits de l'homme contre le colonel Mouammar Kadhafi par la
présidente de SOS-Attentats, Françoise Rudetzki,
sera "réglé dans six mois", au terme des
versements, a assuré Me Szpiner. "Une fois que l'accord
sera complet et rempli, la plainte n'aura plus lieu d'être",
a-t-il souligné.
EGALEMENT UN ACCORD POLITIQUE
Parallèlement à cet accord d'indemnisation, la France
et la Libye devraient signer dans l'après-midi un accord
politique pour "renforcer et relancer" leurs relations
bilatérales. Le ministre libyen des Affaires étrangères,
Abderrahmane Chalgham, est arrivé jeudi en fin de journée
à Paris pour une visite officielle de deux jours. Il sera
reçu dans l'après-midi par Dominique de Villepin
au Quai d'Orsay, où les deux hommes doivent tenir une conférence
de presse. Abderrahmane Chalgham est attendu ensuite à
l'Elysée, où il doit s'entretenir avec Jacques Chirac.
Jeudi soir, lors d'un entretien avec le président du Sénat,
le chef de la diplomatie libyenne avait confirmé à
Christian Poncelet que deux accords seraient signés vendredi.
Outre l'accord entre les familles et la fondation Kadhafi, il
s'agit d'un "accord politique" entre la France et la
Libye. "C'est une sorte de feuille de route qui va être
signée pour, à l'avenir, renforcer et relancer les
relations entre la France et la Libye", a-t-on précisé
de source proche du président du Sénat. Jacques
Chirac avait souhaité jeudi que l'accord dans l'affaire
UTA permette à la Libye "de s'insérer pleinement
dans la dynamique de coopération entre les deux rives de
la Méditerranée".
Un accord de principe avait été trouvé entre
SOS-Attentats, le collectif et la fondation Kadhafi le 11 septembre
dernier, ce qui avait permis la levée des sanctions de
l'Onu contre la Libye. La finalisation de l'accord aurait dû
intervenir avant le 11 octobre mais les négociations ont
connu depuis lors plusieurs rebondissements. Deux séances
de négociations à Paris ont achoppé et Jacques
Chirac est intervenu personnellement fin octobre dans le dossier
pour rappeler la Libye à ses engagements. Le fils du colonel
Kadhafi, Seïf al-Islam, avait réclamé des compensations,
en demandant notamment que soit trouvée une "solution"
pour les six Libyens condamnés par contumace en 1999 ainsi
qu'une indemnisation pour les familles de trois aviateurs libyens
tués par l'armée française dans les années
1980 au Tchad.
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