LE MONDE | 09.01.04 •
MIS A JOUR LE 09.01.04 | 17h45
Plusieurs fois annoncé et toujours
différé, un accord défintif est intervenu,
jeudi 8 janvier, entre la Libye et le collectif des familles des
victimes de l'attentat commis en 1989 contre un DC-10 d'UTA. L'acte
terroriste, commandité par le régime Khadafi, avait
fait 170 morts de 17 nationalités, dont 54 Français.
L'accord final, qui a été signé vendredi
en fin de matinée, prévoit une réparation
financière de 1 million de dollars accordée aux
ayants droit de chacune des victimes. Cet accord met fin à
deux années de négociations difficiles, émaillées
de menaces et pressions politiques. Tripoli solde ainsi la seconde
affaire qui lui vaut d'être soumise à des sanctions
de l'ONU depuis 1992. En août 2003, un accord avait été
conclu avec Londres et Washington sur l'indemnisation des victimes
de l'attentat de Lockerbie.
Un accord est intervenu, jeudi soir 8 janvier,
entre la Libye et le collectif des familles des victimes de l'attentat
qui a visé en septembre 1989 un DC-10 de la compagnie française
UTA. Les termes de l'accord, qui a été signé
vendredi par les représentants de la Fondation Kadhafi
et le collectif des familles, n'ont pas encore été
rendus publics.
Il a été annoncé, par les deux parties,
avec un certain décalage. Dès le milieu de l'après-midi,
Seïf Al-Islam Kadhafi, président de la Fondation Kadhafi,
déclarait à Tripoli que la négociation était
terminée et que l'accord serait signé le lendemain
à Paris. Les chances sont "grandes"
de parvenir à un accord, mais "tout n'est pas
réglé", nuançait toutefois dans
la foulée le porte-parole du collectif des familles, Guillaume
Denoix de Saint-Marc. Quelques heures plus tôt, il faisait
encore état de "problèmes lourds",
malgré une négociation "constructive"
et c'est seulement en soirée que le collectif a confirmé
la nouvelle de l'accord.
A la différence de ceux qui l'ont précédé,
et qui n'étaient que des documents d'étape, dont
des paramètres devaient encore être précisés,
l'accord dont il est question aujourd'hui est supposé être
"définitif". C'est-à-dire apporter
aux familles une réparation financière et morale
de leur perte. La somme de 1 million de dollars a été
le plus souvent évoquée pour le dédommagement
des ayants droit de chaque victime. L'annonce, quelques heures
auparavant, de l'arrivée imminente à Paris du chef
de la diplomatie libyenne, Abdel Rahman Chalgham, pour une visite
de vingt-quatre heures était déjà un signe
précurseur et son programme chargé tendait à
confirmer la fin satisfaisante de la saga.
Outre des entretiens avec son homologue français, Dominique
de Villepin, M. Chalgham devait, en effet, être reçu,
vendredi, par le président de la République, Jacques
Chirac. Le chef de la diplomatie libyenne devait également
être reçu à l'Assemblée nationale,
ainsi qu'au Medef et à la chambre de commerce franco-libyenne.
Il s'est entretenu, dès jeudi soir, avec le président
du Sénat, Christian Poncelet, qui, avant même la
confirmation de l'accord par les deux parties, s'est dit "profondément
heureux" que l'affaire du DC-10 soit "réglée".
ACCÉLÉRATION
L'accélération du cours d'une négociation,
qui dure depuis près de deux ans, est concomitante d'une
session de travail, qui se tient, depuis mardi à Paris,
entre les représentants du collectif des familles et une
délégation de quatre membres de la Fondation Kadhafi.
Présidée par Seïf Al-Islam Kadhafi, celle-ci
se veut une organisation non gouvernementale indépendante.
Elle s'est manifestée pour la première fois en août
2000, dans l'affaire des otages occidentaux détenus à
Jolo par les islamistes philippins. Le président de la
Gaddafi International for Charity Foundation - c'est son intitulé
en anglais - assure ne pas se mêler de politique, mais il
va de soi que ses initiatives visent à redorer l'image
du pouvoir libyen et à le réconcilier avec le monde.
Petit retour en arrière : dix ans après l'attentat
qui a pulvérisé en vol le DC-10 d'UTA au-dessus
du Niger, tuant cent soixante-dix personnes de dix-sept nationalités,
la cour d'assises de Paris condamne par contumace à la
réclusion à perpétuité six ressortissants
libyens, dont Abdalah Al-Sanoussi, le beau-frère du colonel
Kadhafi. Les six sont toujours en liberté, mais, quatre
mois après le jugement, Tripoli verse des réparations
d'un montant global d'un peu plus de 210 millions de francs, les
ayants droit des victimes s'étant portés partie
civile recevant un dédommagement variant entre 20 000 et
200 000 francs selon le degré de parenté. Le total
des indemnités versées aux personnes physiques s'était
ainsi élevé à un peu plus de 73 millions
de francs, le reste étant revenu à des personnes
morales, dont le Fonds de garantie des victimes, la compagnie
Air France, l'association SOS-Attentats.
L'AFFAIRE LOCKERBIE
En juin 1999, une plainte déposée contre le colonel
Kadhafi lui-même par SOS-Attentats et par la sœur de
l'une des victimes pour "complicité par instructions
données" dans l'attentat a été rejetée
par la Cour de cassation, dans la mesure où elle concerne
un chef d'Etat en exercice. Une fois l'accord signé, Tripoli
aura définitivement soldé la seconde affaire, qui
lui avait valu d'être soumise en 1992 à des sanctions
de l'ONU. L'autre affaire est l'attentat commis en décembre
1988 contre un Boeing de la Pan Am au-dessus de la ville écossaise
de Lockerbie.
Un ressortissant libyen a été condamné à
perpétuité par un tribunal écossais siégeant
à La Haye et, le 13 août 2003, un accord fixant les
dédommagements à 2,7 milliards de dollars était
signé entre Tripoli, Londres et Washington. En vertu de
cet accord, 10 millions de dollars doivent être versés,
en trois paiements, aux ayants droit des victimes : 4 millions
à la levée des sanctions de l'ONU - ce qui est chose
faite depuis le 12 septembre -, 4 autres à la levée
des sanctions unilatérales américaines, les deux
derniers devant être réglés une fois que la
Libye aura été rayée de la liste américaine
des Etats qui soutiennent le terrorisme.
Mouna Naïm
Quinze ans de lutte
1988 : explosion en vol d'un Boeing-747 de la Pan Am, au-dessus
de la ville écossaise de Lockerbie, fait 270 victimes.
1989 : attentat contre un DC-10 d'UTA, au-dessus du désert
du Ténéré (Niger), coûte la vie à
170 passagers.
1992 : les Nations Unies imposent des sanctions - un embargo
aérien et militaire ainsi que le gel de certains avoirs
libyens à l'étrangers - au régime du colonel
Kadhafi.
1999 : les mesures punitives de l'ONU sont "suspendues",
après l'extradition, le 5 avril, des deux auteurs présumés
de l'attentat contre l'appareil de la Pan Am. Jugés au
Pays-Bas, l'un d'eux sera condamné à la prison à
vie, en première instance, le 31 janvier 2001, l'autre
acquitté.
1999 : les responsables présumés de l'attentat
contre le DC-10 d'UTA, dont un beau-frère du colonel Kadhafi,
Abdessalam Senoussi, sont jugés et condamnés par
contumace par un tribunal français. Parties civiles, les
familles des victimes obtiennent des indemnités entre 3
000 et 35 000 dollars.
Août 2003 : la Libye accepte de dédommager les familles
des victimes du vol Pan Am à hauteur de 2,7 milliards de
dollars.
Janvier 2004 : Accord sur des indémnités complémentaires
pour les victimes du DC-10.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 10.01.04
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