Par Laure Bretton
PARIS (Reuters) - Plus de 14 ans après l'attentat, la
fondation Kadhafi a signé à Paris un accord d'indemnisation
avec les familles des 170 victimes du DC-10 d'UTA, un nouveau
pas franchi par Tripoli dans la normalisation de ses relations
avec les pays occidentaux.
Parallèlement à cet accord d'indemnisation, la
France et la Libye ont signé dans l'après-midi un
accord politique pour "renforcer et relancer" leurs
relations bilatérales.
Deux ans de négociations ont permis d'aboutir à
un accord d'indemnisation de 170 millions de dollars - un million
par personne décédée dans l'attentat du 19
septembre 1989 au-dessus du désert du Ténéré,
au Niger, imputé à six agents libyens.
Un quart de cette somme, environ 42 millions de dollars, sera
versé immédiatement, avant trois autres paiements
étalés sur six mois.
Cette indemnisation s'ajoute aux sommes déjà versées
à plusieurs familles par le fonds de garantie des victimes
d'attentats et au terme du procès en assises tenu à
Paris en 1999.
"C'est une manière pour la Libye de montrer sa responsabilité
alors que sur le plan du droit cette indemnisation n'était
pas évidente", a expliqué à Reuters
Me Francis Szpiner, avocat de l'organisation SOS-Attentats, qui
a représenté les familles en justice.
L'accord ne comporte aucune contrepartie diplomatique, ont insisté
les représentants des familles. Les proches des victimes
qui choisiront d'accepter cet accord s'engagent cependant à
"se désister de toute action en justice future".
Le cas d'une plainte déposée devant la Cour européenne
des droits de l'homme contre le colonel Mouammar Kadhafi par la
présidente de SOS-Attentats, Françoise Rudetzki,
sera "réglé dans six mois", au terme des
versements, a assuré Me Szpiner.
"Une fois que l'accord sera complet et rempli, la plainte
n'aura plus lieu d'être", a-t-il souligné.
Prévue à 10h00 dans un cabinet d'avocats du VIIIe
arrondissement de Paris, la cérémonie de signature
a été retardée de plus d'une heure, les représentants
des familles attendant l'authentification du chèque libyen
et son versement.
L'accord, contenu dans cinq gros parapheurs noirs, a été
signé simultanément par Guillaume Denoix de Saint
Marc, pour le collectif des familles du DC-10 d'UTA, par Me Szpiner,
par le directeur de la fondation Kadhafi, Saleh Abdoul Salam,
par un représentant de la Caisse des dépôts
et consignations (CDC), Pierre Ducret, et par un notaire.
UNE NOUVELLE ETAPE POUR TRIPOLI
Dix-sept personnes représentant onze familles de victimes,
pour certaines venues de province après avoir été
prévenues dans la nuit de l'imminence d'un accord, ont
assisté à la signature.
L'attentat contre le DC-10 d'UTA a fait 170 morts de 17 nationalités,
dont 54 Français. Une fois le processus d'indemnisation
terminé, un voyage pourrait être organisé
au Niger, dans un an, pour permettre aux proches de "poursuivre
leur travail de deuil", a-t-on ajouté de source proche
des discussions.
Cette signature survient six mois après la promesse libyenne
de verser 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de
l'attentat de Lockerbie (Ecosse) contre un Boeing de la Panam,
qui a fait 270 morts en décembre 1988.
"L'histoire de Lockerbie nous a fait prendre conscience
qu'il y avait des morts plus importants que les nôtres",
a déclaré Danielle Klein, dont le frère a
été tué dans l'attentat contre le DC-10.
"Aujourd'hui, nous recevons quelque chose de digne. Ce n'est
pas le jackpot mais nous ne sommes pas aux Etats-Unis", a-t-elle
ajouté, précisant que le plus important à
ses yeux était de "ne pas toucher" aux condamnations
des six agents libyens, prononcées par contumace en 1999.
"La parité totale (avec Lockerbie) n'était
pas le but recherché mais je vous assure que le montant
n'est pas du tout ridicule", a insisté Guillaume Denoix
de Saint Marc, interrogé sur la différence d'indemnisation.
Compte tenu des frais d'avocats, des taxes fédérales
et du taux d'imposition américain, les familles de Lockerbie
toucheront selon lui entre 1,5 et 2 millions de dollars au final.
En visite officielle en France depuis jeudi, le ministre libyen
des Affaires étrangères, Abderrahmane Chalgham,
sera reçu dans l'après-midi par Dominique de Villepin
au Quai d'Orsay, avant un entretien avec Jacques Chirac à
l'Elysée.
Un accord politique devrait être conclu entre les deux
pays, avait-on appris jeudi soir dans l'entourage du président
du Sénat, Christian Poncelet, une sorte de "feuille
de route pour relancer et renforcer" les relations bilatérales.
Jeudi, Jacques Chirac a souhaité que l'accord dans l'affaire
UTA permette à la Libye "de s'insérer pleinement
dans la dynamique de coopération entre les deux rives de
la Méditerranée".
Fin décembre, Tripoli a annoncé l'abandon de son
programme d'armes de destruction massive, à la suite de
négociations secrètes avec les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne.
Selon le ministère libyen des Affaires étrangères,
de nouvelles discussions tripartites sont prévues cette
semaine à Londres.
Une étape supplémentaire avait été
franchie jeudi, Israël se disant prêt au dialogue avec
la Libye si Tripoli renonce au terrorisme et détruit son
arsenal non conventionnel. Plusieurs rencontres secrètes
israélo-libyennes auraient eu lieu fin décembre,
ce que Tripoli a démenti.
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