victimes attentat

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(samedi 10 janvier 2004)

Paris et Tripoli sur la voie de la "normalisation"

LE MONDE | 10.01.04 | 12h32

Après l'accord sur l'affaire du DC-10 d'UTA, la Libye réclame "partenariat" et "coopération"

A entendre , vendredi 9 janvier, le chef de la diplomatie libyenne, Abdel Rahman Chalgham, Tripoli est avide d'une "aide"et d'un "partenariat" avec la France. "Nous voulons votre aide" pour contribuer au règlement du problème du Sahara occidental, "nous la sollicitons -pour instaurer- la stabilité en Afrique", a-t-il déclaré, citant au passage la Côte d'Ivoire, le conflit entre le Rwanda et le Burundi, le litige qui oppose l'Ethiopie à l'Erythée et la question du Soudan.

Lors d'une conférence de presse commune avec le ministre français des affaires étrangères, Dominique de Villepin, qualifié de "grand poète et intellectuel", M. Chalgham a également sollicité la France pour que "le sang cesse de couler en Palestine" et que "le peuple irakien recouvre sa souveraineté". "Nous voulons une coopération économique avec vous. Nous voulons un partenariat (...). C'est un choix de civilisation", a ajouté le ministre, qui affirmé avoir mis au point, lors d'une rencontre avec des patrons dont les entreprises opèrent en Libye, "une sorte de "feuille de route" pour la coopération à long terme".

"Les relations bilatérales étaient bonnes : elles seront désormais excellentes. Le maillon qui nous assemble est la Méditerranée et le groupe "5 + 5" -Maghreb-Europe-", a insisté M. Chalgham, ajoutant qu'entre un espace méditerranéen "livré au terrorisme et à l'obscurantisme médiéval" ou empreint de "tolérance, de paix et de justice", la Libye a définitivement opté pour le second terme.

M. de Villepin ayant auparavant souhaité une "normalisation progressive" entre la Libye et l'Union européenne, qui devrait passer, selon lui, par le règlement de l'affaire de l'attentat contre la discothèque La Belle, à Berlin, M. Chalgham l'a assuré qu'il s'agissait là d'une affaire pratiquement "résolue" et que des "pourparlers" étaient en cours à ce sujet. L'attentat avait fait trois morts et 260 blessés, en 1986, dans cet établissement fréquenté notamment par des soldats américains. En 2001, le tribunal de Berlin avait jugé que Tripoli assumait une "coresponsabilité considérable" dans cette affaire, pour laquelle quatre personnes ont été condamnées.

Le chef de la diplomatie française a assuré pour sa part qu'un "dialogue politique approfondi" allait s'instaurer entre les deux pays, que la France s'emploierait à "promouvoir le dialogue "5 + 5" au moment où la Libye va assurer la présidence tournante de l'Union du Maghreb arabe -UMA-" et promis un nouvel essor des relations bilatérales.

Se réjouissant du renoncement de la Libye à ses programmes d'armes de destruction massive, le ministre a affirmé que la France était "prête à l'aider à entamer et poursuivre les procédures nécessaires", en particulier dans le domaine du nucléaire. Dans une déclaration commune, les deux pays affirment en termes plus prosaïques leur engagement à joindre leurs efforts et à coopérer pour le développement de l'Afrique. La France s'y engage par ailleurs à aider la Libye à mettre en actes "sa volonté affichée de moderniser et de réformer en profondeur son système économique".

NOUVELLE PAGE

Les deux ministres ont affirmé que l'accord sur l'affaire du DC-10 permet d'ouvrir cette nouvelle page. Les "autorités libyennes" se portent garantes de l'exécution de l'accord en cas de défaut de la Fondation Kadhafi, qui l'a signé. M. de Villepin a jugé que ce document répondait à "l'exigence d'équité -de la France-". Pour M. Chalgham, il s'agit d'un "accord humanitaire" mettant fin à une affaire "douloureuse".

L'accord, signé par trois associations, est le résultat d'une négociation engagée il y a près de deux ans, à laquelle les autorités françaises ont apporté leur soutien total. Mais les procédures judiciaires engagées contre la Libye ont aussi largement contribué à augmenter la pression, dans la mesure où Tripoli cherche à se réhabiliter aux yeux de la communauté internationale.

Pour l'heure, deux procédures sont toujours en cours : l'une est engagée par SOS Attentats auprès de la Cour européenne des droits de l'homme contre le colonel Kadhafi, après le rejet d'une plainte similaire, en France, par la Cour de cassation. Une autre est engagée auprès de la Cour fédérale américaine par des familles de victimes américaines du DC-10, contre les six Libyens condamnés par contumace en 1999 par la cour d'assises de Paris.

Mouna Naïm

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.01.04

 

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