En
mettant son fils systématiquement en avant, le colonel
semble préparer sa succession.
Par José GARÇON
Il est grand, élégant, le crâne rasé
et préfère les jeans et costumes de marques aux
tenues africaines flottantes ou aux couvertures dans lesquelles
son père aime à s'enrouler. Lui, c'est Saïf
al-Islam le glaive de l'islam , 31 ans, diplômé
d'une école de commerce et étudiant la «gouvernance
mondiale» à la London School of Economics. Toutefois,
ce jeune homme très urbain, répondant (assez) précisément
aux journalistes et parlant anglais, français et allemand,
est surtout le fils du «Guide de la révolution»
et président de la fameuse fondation Kadhafi.
Humanisation. Négociateur libyen de l'accord
sur le DC 10 d'UTA, cet organisme finance officiellement des projets
de développement dans le monde entier. En réalité,
il est indissociable de la reconversion qu'affiche provisoirement
ou pas le leader libyen. Quand ce dernier veut adresser
un message à la communauté internationale, Saïf
en est de plus en plus souvent l'interprète. Ce qui ne
va pas sans agacer, dit-on, l'influent Abdelrahmane Chalgham,
ministre libyen en titre des Affaires étrangères.
Evoquant la renonciation de Tripoli aux armes de destruction massive,
Saïf affirmait ainsi sans ambages sur CNN : «Cela
ouvrira la voie à la normalisation des relations politiques
avec les Etats-Unis et l'Occident en général. Et
cela entraînera l'élimination de toute menace contre
la Libye, de la part de l'Occident, et en particulier des Etats-Unis.»
La mise en avant de Saïf, mais aussi des autres enfants
du «guide», est en fait voulue comme le symbole
même du changement et de l'humanisation d'un régime
jusqu'ici perçu comme totalitaire et dangereux. C'est Saïd
Kadhafi, 30 ans, qui incarne les aspirations des jeunes Libyens.
Président de la Fédération libyenne de football,
il leur fait miroiter non seulement la création d'une équipe
de football de niveau international, mais jusqu'à l'organisation
par la Libye et la Tunisie du Mondial de foot 2010...
Transition démocratique. Faut-il voir
dans cette médiatisation familiale Aisha, 27 ans,
la fille du colonel, fait les délices des gazettes sous
le nom de «la Claudia Schiffer d'Afrique du Nord»
une stratégie de Kadhafi pour imposer lentement mais
sûrement une succession dynastique, y compris aux autres
clans de la Jamahiriya ? Le sujet, officiellement, est tabou.
Cependant, les éternelles rumeurs sur la santé de
Kadhafi et l'incapacité des régimes de la région
à imaginer la moindre transition démocratique semblent
assurer un bel avenir à Saïf. D'autant qu'il sait
entretenir l'ambiguïté. «Je ne veux pas
devenir Premier ministre ou ministre», affirmait-il
à Paris en 2002. Sans souffler mot du poste suprême.
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