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(samedi 10 janvier 2004)

Saïf al-Islam, l'autre visage du régime libyen

En mettant son fils systématiquement en avant, le colonel semble préparer sa succession.

Par José GARÇON

Il est grand, élégant, le crâne rasé et préfère les jeans et costumes de marques aux tenues africaines flottantes ou aux couvertures dans lesquelles son père aime à s'enrouler. Lui, c'est Saïf al-Islam ­ le glaive de l'islam ­, 31 ans, diplômé d'une école de commerce et étudiant la «gouvernance mondiale» à la London School of Economics. Toutefois, ce jeune homme très urbain, répondant (assez) précisément aux journalistes et parlant anglais, français et allemand, est surtout le fils du «Guide de la révolution» et président de la fameuse fondation Kadhafi.

Humanisation. Négociateur libyen de l'accord sur le DC 10 d'UTA, cet organisme finance officiellement des projets de développement dans le monde entier. En réalité, il est indissociable de la reconversion qu'affiche ­ provisoirement ou pas ­ le leader libyen. Quand ce dernier veut adresser un message à la communauté internationale, Saïf en est de plus en plus souvent l'interprète. Ce qui ne va pas sans agacer, dit-on, l'influent Abdelrahmane Chalgham, ministre libyen en titre des Affaires étrangères. Evoquant la renonciation de Tripoli aux armes de destruction massive, Saïf affirmait ainsi sans ambages sur CNN : «Cela ouvrira la voie à la normalisation des relations politiques avec les Etats-Unis et l'Occident en général. Et cela entraînera l'élimination de toute menace contre la Libye, de la part de l'Occident, et en particulier des Etats-Unis.»

La mise en avant de Saïf, mais aussi des autres enfants du «guide», est en fait voulue comme le symbole même du changement et de l'humanisation d'un régime jusqu'ici perçu comme totalitaire et dangereux. C'est Saïd Kadhafi, 30 ans, qui incarne les aspirations des jeunes Libyens. Président de la Fédération libyenne de football, il leur fait miroiter non seulement la création d'une équipe de football de niveau international, mais jusqu'à l'organisation par la Libye et la Tunisie du Mondial de foot 2010...

Transition démocratique. Faut-il voir dans cette médiatisation familiale ­ Aisha, 27 ans, la fille du colonel, fait les délices des gazettes sous le nom de «la Claudia Schiffer d'Afrique du Nord» ­ une stratégie de Kadhafi pour imposer lentement mais sûrement une succession dynastique, y compris aux autres clans de la Jamahiriya ? Le sujet, officiellement, est tabou. Cependant, les éternelles rumeurs sur la santé de Kadhafi et l'incapacité des régimes de la région à imaginer la moindre transition démocratique semblent assurer un bel avenir à Saïf. D'autant qu'il sait entretenir l'ambiguïté. «Je ne veux pas devenir Premier ministre ou ministre», affirmait-il à Paris en 2002. Sans souffler mot du poste suprême.

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