victimes attentat

(samedi 10 janvier 2004)

Conte

Par Patrick SABATIER

Rares seront ceux qui critiqueront l'accord d'indemnisation des victimes de l'attentat d'UTA. Nul n'est dupe non plus de son caractère prétendument «privé». Certes, la détermination des familles a seule permis de rouvrir ce dossier, et d'arracher ce geste en forme d'aveu libyen. Mais la fondation Kadhafi n'est qu'un faux nez, créé pour redonner visage plus humain à l'«Etat voyou» du colonel de Tripoli. Et les 170 millions de dollars que celui-ci va débourser, après les 2,7 milliards de Lockerbie, ont des dividendes diplomatiques : levée des sanctions à l'ONU et normalisation avec l'Union européenne, via la France.

Les motivations de Mouammar le paria pour jouer les fils prodigues sont évidentes. L'élémentaire prudence, née du souvenir des frappes américaines sur Tripoli jadis, et de l'exemple du sort de Saddam Hussein hier. Mais aussi la volonté de sortir du marasme économique, en exploitant son or noir pour consolider son régime, et asseoir sa dynastie en préparant le transfert du pouvoir à son fils, Saïf al-Islam. Les calculs occidentaux sentent eux aussi le pétrole, l'argent et la poudre (le colonel n'est pas un ami de Ben Laden).

Voilà donc le conte peu édifiant où un dictateur convaincu de terrorisme et de possession d'armes de destruction massive, reçoit l'accolade du shérif planétaire Bush qui lui promet «une place solide et respectée» sur la scène internationale, en même temps que Chirac lui promet un «dialogue politique approfondi en faveur de la paix». Les diplomates s'y reconnaîtront, les moralistes grimaceront. Les autres croiront rêver à la lecture de l'épilogue de ce conte des mille et un Kadhafi.

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