Par Patrick
SABATIER
Rares seront ceux qui critiqueront l'accord d'indemnisation
des victimes de l'attentat d'UTA. Nul n'est dupe non plus de son
caractère prétendument «privé».
Certes, la détermination des familles a seule permis de
rouvrir ce dossier, et d'arracher ce geste en forme d'aveu libyen.
Mais la fondation Kadhafi n'est qu'un faux nez, créé
pour redonner visage plus humain à l'«Etat voyou»
du colonel de Tripoli. Et les 170 millions de dollars que celui-ci
va débourser, après les 2,7 milliards de Lockerbie,
ont des dividendes diplomatiques : levée des sanctions
à l'ONU et normalisation avec l'Union européenne,
via la France.
Les motivations de Mouammar le paria pour jouer les fils prodigues
sont évidentes. L'élémentaire prudence, née
du souvenir des frappes américaines sur Tripoli jadis,
et de l'exemple du sort de Saddam Hussein hier. Mais aussi la
volonté de sortir du marasme économique, en exploitant
son or noir pour consolider son régime, et asseoir sa dynastie
en préparant le transfert du pouvoir à son fils,
Saïf al-Islam. Les calculs occidentaux sentent eux aussi
le pétrole, l'argent et la poudre (le colonel n'est pas
un ami de Ben Laden).
Voilà donc le conte peu édifiant où un dictateur
convaincu de terrorisme et de possession d'armes de destruction
massive, reçoit l'accolade du shérif planétaire
Bush qui lui promet «une place solide et respectée»
sur la scène internationale, en même temps que Chirac
lui promet un «dialogue politique approfondi en faveur
de la paix». Les diplomates s'y reconnaîtront,
les moralistes grimaceront. Les autres croiront rêver à
la lecture de l'épilogue de ce conte des mille et un Kadhafi.
|