Guillaume Denoix-de-Saint-Marc est soulagé. « Quatorze
ans après avoir perdu mon père dans l'attentat qui
a détruit le 19 septembre 1989 l'avion d'UTA, au-dessus
du Ténéré, au Niger, je peux entamer mon
deuil et sortir du tourbillon géopolitique de cette affaire
», a-t-il déclaré le 9 janvier, après
avoir signé, dans un bureau d'avocats à Paris et
au nom des familles des 170 victimes de cet attentat attribué
aux services secrets libyens, un accord sur une « indemnisation
complémentaire » des mille cinq cents ayants droit.
Cet accord met un terme à deux ans de négociations
avec la Fondation caritative de Seif el-Islam Kaddafi, fils du
Guide libyen Mouammar Kaddafi. La Fondation a en effet accepté
d'indemniser les familles des victimes en échange de l'arrêt
des poursuites judiciaires entamées contre l'État
et les dirigeants libyens.
Maintes fois remis en question depuis l'accord de principe signé
le 10 septembre 2003, l'accord définitif du 9 janvier a
été accompagné par la remise d'un chèque
de 42,5 millions de dollars (33,6 millions d'euros) versé
sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts
et consignations (CDC). La signature a été entourée
de toutes les précautions juridiques et politiques nécessaires
pour éviter tout retour en arrière. Cinq personnes
ont signé l'accord en deux langues (arabe et français)
: Salah Abdessalem, directeur exécutif de la Fondation,
Guillaume Denoix-de-Saint-Marc, au nom du Collectif des victimes,
Francis Spizner, au nom de l'association SOS Attentats, un notaire
et un dirigeant de la CDC.
Le chèque remis représente le quart de la somme
qui sera versée aux ayants droit, lesquels recevront donc
170 millions de dollars (soit 1 million par victime). Les trois
autres quarts seront versés en trois tranches étalées
sur six mois. Cette compensation financière s'ajoute aux
dommages et intérêts fixés par la cour d'assises
de Paris en 1999 (lors de la condamnation des six accusés
libyens), soit 45 millions de dollars (dont 15 millions ont déjà
été versés) et aux indemnités versées
par l'État français (Fonds pour les victimes d'attentats)
et les assurances.
Selon Guillaume Denoix-de-Saint-Marc, l'indemnisation ainsi obtenue
(environ 1,3 million de dollars par victime) n'est pas très
éloignée de celle qui a été versée
aux victimes de l'attentat de Lockerbie (4 millions de dollars
brut, soit 1,5 million net après déduction des frais
d'avocat, des impôts et taxes américaines). L'accord
avec la Fondation a été suivi dans la foulée
par la conclusion d'un accord de relance de la coopération
franco-libyenne signé par les ministres des Affaires étrangères,
Dominique de Villepin et Abderrahmane Chalgham.
Samir Gharbi
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