BRUXELLES (AFP) - Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a entamé
mardi une visite officielle de deux jours sous haute sécurité
à Bruxelles où il a été aussitôt
reçu dans une ambiance mouvementée par le président
de la Commission européenne Romano Prodi.
Entre 100 à 200 personnes brandissant des portraits
du leader libyen étaient venus assister en soutien à
son arrivée au siège de l'exécutif européen
à Bruxelles vers 09H30 GMT. Quelques dizaines de personnes,
tenus selon eux à l'écart par les services de
sécurité, essentiellement des Libyens vivant en
Europe, ont scandé des slogans anti-Kadhafi, tels "Kadhafi
assassin", "Kadhafi terroriste".
MM. Kadhafi, en habit traditionnel et entouré de plusieurs
femmes gardes du corps en tenue camouflée, est sorti
d'une limousine blanche et a salué la foule, faisant
le V de la victoire et levant le poing.
Le dirigeant libyen et M. Prodi, qui entretiennent de longue
date des relations privilégiées, se sont ensuite
longuement serrés la main avant de partir en réunion.
Le chef de l'Etat libyen, qui retrouve peu à peu grâce
aux yeux de la communauté internationale, doit déjeuner
avec le président de la Commission européenne
Romano Prodi et des commissaires européens.
Il sera ensuite reçu dans la soirée avec tous
les honneurs au Palais d'Egmont, à Bruxelles, par le
Premier ministre belge Guy Verhofstadt, suivi d'un diner officiel
en présence de représentants du monde politique
et économique.
"Le président Prodi a travaillé d'arrâche-pied
sur ce dossier depuis le début de son mandat (...) et
attend avec impatience une telle visite", a affirmé
lundi son porte-parole Reijo Kemppinen, en rappelant que les
deux hommes entretenaient une relation privilégiée
depuis longtemps.
Sur le fond, cette visite -- la première du dirigeant
libyen auprès de la Commission européenne --,
"suit une accélération des relations bilatérales
entre les Etats membres de l'UE et la Libye", a relevé
M. Kemppinen.
Plusieurs dirigeants européens, dont le chef du gouvernement
italien Silvio Berlusconi et le Premier ministre britannique
Tony Blair, se sont en effet récemment rendus en Libye.
L'essentiel des discussions tournera autour de l'entrée
éventuelle de la Libye, comme elle le souhaite, dans
le partenariat Euromed qui lie l'UE aux pays du pourtour méditerranéen,
a-t-on souligné de même source.
Tripoli reste le seul pays de cette région à
ne pas avoir de relations formelles avec l'UE.
La normalisation complète des relations -- et notamment
la levée d'un embargo européen sur les ventes
d'armes -- dépend toutefois encore du règlement
du dossier de l'attentat anti-américain de la discothèque
"La Belle" à Berlin en 1986, qui avait fait
trois morts et 260 blessés.
Des négociations sont en cours pour un dédommagement
des victimes, promis par la Libye en août 2003.
La dernière visite officielle du dirigeant libyen hors
des pays d'Afrique et du Proche-Orient remonte à 1989,
lorsqu'il avait participé à Belgrade à
un sommet des pays non-alignés.
La Libye sort peu à peu de son isolement international
depuis qu'elle a accepté, en août 2003, de reconnaître
formellement sa responsabilité dans l'attentat contre
un Boeing de la Panam au-dessus de Lockerbie (Ecosse), qui avait
tué 270 personnes le 21 décembre 1988.
Par ailleurs, Tripoli a signé avec Paris un accord sur
l'indemnisation des familles des victimes de l'attentat contre
un DC-10 d'UTA en 1989 (170 morts).
La Libye, qui a été considérée
pendant longtemps comme faisant partie des Etats "voyous",
a également annoncé le démantèlement
sous contrôle international de son programme d'armes de
destruction massive, amenant Washington a annoncer la semaine
dernière l'assouplissement de ses sanctions économiques.
Comme la plupart des dignitaires étrangers en visite
d'Etat en Belgique, M. Kadhafi résidera au château
du Val Duchesse, dans l'agglomération de Bruxelles, où
il est prévu d'y installer une grande tente. De source
officielle à Tripoli, le dirigeant a également
prévu d'emmener avec lui ses femmes gardes du corps.