BRUXELLES (Reuters) - Le colonel Mouammar Kadhafi a été
accueilli mardi à Bruxelles avec un luxe de sécurité
digne d'un président des Etats-Unis, ce qui n'a pas empêché
un intrus de s'approcher à quelques centimètres
du guide libyen.
Portant oreillette et badge, cet homme s'est
mêlé aux gardes du corps qui s'engouffraient dans
la plus grande confusion dans les locaux de la Commission, a plongé
la main dans la poche intérieure de son veston pour en
sortir ... une lettre.
Imperturbable, Kadhafi, qui sort définitivement
de son isolement diplomatique lors de cette première visite
en Europe depuis 1989, a continué à serrer pour
les photographes la main du président de la Commission,
Romano Prodi.
Les services belges de sécurité,
qui craignaient visiblement un attentat, se sont alors emparés
de l'intrus, qui a eu le temps de jeter sa lettre vers les deux
personnalités.
L'homme, qui a crié "Kadhafi! Kadhafi!"
en étant emmené par la police, s'est présenté
comme étant Khalid al-Moutaani, dirigeant d'un comité
de soutien aux enfants immigrés.
Il a dit être un admirateur du colonel
Kadhafi.
"Je souhaite que la Libye et tout le monde
arabo-africain puissent bénéficier que l'ouverture
que l'Europe offre à Kadhafi," a-t-il déclaré
à Reuters.
Cet incident est en contradiction totale avec
le luxe de sécurité déployé pour la
première visite du colonel libyen au siège de l'Union
européenne, où il devrait demander l'adhésion
de son pays au partenariat euro-méditerranéen.
Encadré par un groupe de sa fameuse garde
prétorienne de jeunes femmes vêtues d'un uniforme
militaire bleu très seyant et d'une casquette de base-ball,
il a été accueilli par Romano Prodi en personne
sur le tarmac de l'aéroport de Bruxelles.
"UN TERRORISTE"
Le président de la Commission, qui plaide
depuis 1999 pour un rapprochement avec la Libye, a donné
une chaleureuse accolade à Kadhafi, vêtu d'une tunique
brune et d'une chéchia noire.
Le guide de la révolution s'est alors
engouffré dans une Mercedes blanche allongée dotée
d'une antenne satellite, qui a pris place dans un convoi comptant
12 autres véhicules.
Son arrivée au Breydel, le siège
de la Commission européenne, s'est déroulé
dans une cohue indescriptible et sous les cris de quelques centaines
de supporteurs.
Quelques dizaines de mètres plus loin,
des opposants, essentiellement des Libyens vivant en exil en Allemagne
ou en Suisse, manifestaient leur colère de voir l'ex-paria
de la communauté internationale revenir en grâce.
"Kadhafi est un assassin," pouvait-on
lire sur une banderole. "Kadhafi est un loup déguisé
en agneau."
"Pourquoi l'Union européenne reçoit-elle
Kadhafi aujourd'hui?", a demandé Elghariany Elshares,
un avocat vivant en Allemagne. "C'est un terroriste. Il m'a
fait du mal, ainsi qu'à ma famille et à mes amis
quand je vivais là-bas."
La visite historique - la première de
Kadhafi en Europe depuis 1989 - couronne les efforts de la Libye
pour se réinsérer dans le concert des nations, après
les accords conclus par Tripoli pour verser des indemnités
aux familles des victimes des attentats de Lockerbie et contre
un avion d'UTA, et après l'annonce, à la fin de
l'an dernier, du renoncement du régime libyen à
tout programme d'armes de destruction massive.
Après la Commission, le dirigeant libyen
devait rencontrer le Premier ministre Guy Verhofstadt, dont le
gouvernement a fait ériger une tente dans les jardins du
château de Val Duchesse, où sont hébergés
les hôtes de marque du Royaume.
En Libye, le colonel loge sous la tente, comme
les Bédouins qui peuplent encore son désert.
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