BRUXELLES (AFP) - Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a appelé
mercredi l'Europe "à se réveiller" et
faire entendre sa voix en Irak et dans le conflit du Proche-Orient,
au terme d'une visite officielle historique entourée du
plus grand faste à Bruxelles.
En voie de réhabilitation aux yeux de la communauté
internationale, M. Kadhafi, qui s'était posé la
veille en "chef de file pour la paix", a toutefois
livré une justification a posteriori du terrorisme, conséquence
à ses yeux d'un monde "en déséquilibre".
Dans ce contexte, le dirigeant libyen a encouragé les
Européens à assumer leur "rôle historique"
face à la superpuissance américaine, au risque
sinon de voir la planète sombrer "dans la loi de
la jungle".
"Le terrorisme est le résultat du déséquilibre
que traverse actuellement le monde", a déclaré
Mouammar Kadhafi lors d'une intervention au Parlement belge.
Il a avancé une définition controversée
selon laquelle "le terroriste est celui qui est forcé
de se défendre pour récupérer (ses) droits
par des moyens brutaux car il n'en a pas d'autres".
"Quand vous êtes ciblés, vous êtes
disposé à mettre des ceintures (d'explosifs) autour
du corps, à piéger des voitures (...) pour défendre
la famille", a-t-il souligné dans un long monologue
en arabe, traduit en français.
Le dirigeant libyen a renchéri dans un entretien diffusé
peu après sur les ondes de Radio France Internationale
(RFI), où il a affirmé qu'il ne regrettait "absolument
pas le passé".
"On nous a accusés d'être terroristes, mais
c'était le prix qu'on devait payer. Si c'est cela le
terrorisme, on est fiers d'être terroristes parce qu'on
a aidé à la libération du continent (africain)",
a-t-il dit.
M. Kadhafi a prôné à Bruxelles un rôle
accru de l'Europe pour remédier aux déséquilibres
du monde actuel. "Il faut que l'Europe regagne sa confiance
et qu'elle se débarrasse de ses complexes (...) qu'elle
se réveille avant qu'il ne soit trop tard", a-t-il
fait valoir devant les députés et sénateurs
belges.
"Je voudrais entendre la voix de l'Europe en ce qui concerne
la tragédie actuelle de l'Irak", a-t-il souligné,
en dénonçant "l'occupation" du pays
par la coalition dirigée par les Etats-Unis.
"Nous devons questionner ceux qui ont entrepris cette
occupation de l'Irak, sinon on se dirige vers la loi de la jungle",
a-t-il ajouté.
A propos du conflit israélo-palestinien, le chef de
l'Etat libyen a aussi émis le "souhait que l'Europe
contribue à régler le problème du Proche-Orient
de façon directe et ne soit pas marginalisée".
M. Kadhafi a estimé qu'il "ne peut y avoir deux
Etats", israélien et palestinien, comme le soutient
le plan de paix de la communauté internationale parrainé
par le Quartette (Etats-Unis, UE, Russie, Nations unies), mais
un seul.
"La solution est à mon avis la construction d'un
Etat démocratique pour tous", a-t-il affirmé.
Il a par ailleurs estimé que "la coopération
entre l'Union européenne et l'Union africaine revêtait
une importance majeure".
Mouammar Kadhafi a terminé son discours au Parlement
belge par une explication de texte sur la Jamaariyah (démocratie
populaire directe) libyenne. D'abord amusés, les députés
et sénateurs sont restés quelque peu interloqués,
lorsqu'il a qualifié le système représentatif
"d'imposture" et leur a prédit avec un sourire
qu'un jour "le peuple s'assiera à votre place".
Les autorités européennes et belges ont déroulé
le tapis rouge tout au long de la visite du dirigeant libyen,
sa première hors du continent africain et des pays du
Proche-Orient depuis 15 ans.
M. Kadhafi, toujours entouré de ses gardes du corps
féminins en treillis militaire bleu foncé, a pris
lui un malin plaisir devant une telle attention, se disant "ravi"
de l'hospitalité de ses hôtes.