de notre envoyé spécial
Vincent Hugeux
Longtemps jugé infréquentable,
Muammar al-Kadhafi paraît prêt à tout pour
renouer avec l'Occident. Sous le regard perplexe de son peuple
Les huit écrans d'ordinateur de cette boutique sombre
et bleutée, nichée dans une ruelle de la médina
de Tripoli, diffusent une lueur lunaire. Les uns éclairent
le visage de gamins piailleurs épris de fusillades vidéo.
Les autres, celui d'accros du Web, ados et adultes. Une gazelle
nu-tête en saharienne turquoise suspend son «chat»
pour venir enlacer le gérant du cybercafé et lui
ravir sa bouteille de bière sans alcool. Indifférent
au tumulte, un barbu placide surfe en silence. Ce futur ingénieur
visite tour à tour les sites de la Fondation mondiale
Kadhafi pour la bienfaisance, qu'anime Seïf al-Islam al-Kadhafi,
fils cadet et dauphin supposé du Guide de la révolution
libyenne, de la Juventus de Turin et - on n'est pas de bois
- de Miss Liban. A leur manière, les internautes tripolitains
ont anticipé l'ouverture vers l'Occident de la Jamahiriya,
cet «Etat des masses» jugé naguère
infréquentable. Le retour en grâce hâtif
de Muammar al-Kadhafi, paria planétaire soudain promu
au rang de parangon de la sagesse orientale, suscite chez eux
un mélange d'espérance et de perplexité.
Bien sûr, la jeunesse de Tripoli ou de Benghazi - près
de 1 000 kilomètres plus à l'est - rêve
d'Europe, d'Amérique, de visas et de libertés.
Mais les volte-face du qaïd ont fini par déboussoler
les aînés. Pas facile de suivre le Guide.
Vu d'ici, le défilé des éminences euro-américaines
a lui aussi de quoi donner le tournis. L'Italien Silvio Berlusconi,
l'Américain William Burns, secrétaire d'Etat adjoint,
puis le Britannique Tony Blair. Et l'on annonce la venue, en
juillet, de Jacques Chirac. C'est pourtant à Bruxelles,
siège de la Commission européenne, que l'ex-damné
décrocha, les 27 et 28 avril, son brevet de respectabilité.
Traité avec une déférence insolite par
son vieil ami Romano Prodi, le «bouillant colonel»,
inusable cliché, se hissa à la hauteur de sa légende.
On le verra planter sa tente bédouine sur la pelouse
du château de Val Duchesse, entraîner dans le sillage
de son boubou sahélien sa garde rapprochée, escouade
d'amazones en treillis bleu marine, puis asséner aux
parlementaires belges interloqués que la démocratie
représentative n'est qu'une «imposture».
Pour mettre un terme à sa quarantaine, le timonier de
la «Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste»
aura mis le prix. Au fil des ans, l'ancien Etat voyou a reconnu
sa responsabilité dans maints attentats terroristes,
quitte à indemniser les familles des victimes. Qu'il
s'agisse de l'explosion en vol d'un Boeing de Pan Am à
l'aplomb de Lockerbie (Ecosse) - 270 morts en décembre
1988 - ou du crash dix mois plus tard d'un appareil d'UTA dans
le désert du Ténéré - 170 tués
- Tripoli a racheté ses crimes en dollars. De même,
la vérité sur le drame de La Belle, ce night-club
berlinois où périrent voilà huit ans deux
GI, passe pour imminent. Quoique tardif, un autre aveu a pesé
lourd. Le 19 décembre 2003, au terme de neuf mois de
palabres secrètes menées avec Washington et Londres,
la Libye saborde un arsenal nucléaire, biologique et
chimique dont elle niait l'existence. Mieux, elle «balance»
ses fournisseurs, pakistanais et nord-coréens notamment.
Repentir ambigu: peu avant l'accord, on arraisonnait un cargo
allemand en route pour Tripoli, les soutes lestées de
pièces de centrifugeuses, maillons essentiels de l'enrichissement
de l'uranium.
Il n'empêche: l'ancienne colonie italienne obtient la
levée des sanctions onusiennes et l'allégement
de l'embargo made in USA, prélude au retour en force
des pétroliers américains. Qui l'eût cru?
Un parfum d'or noir flotte sur ces retrouvailles: le désert
libyen, encore largement inexploré, recèle un
brut d'excellente qualité. Nul doute que la réclusion
punitive de Tripoli a hâté le revirement du colonel,
bien antérieur à la débâcle de Saddam
Hussein ou à la tragédie du 11 septembre 2001.
Muammar al-Kadhafi fut l'un des plus prompts à condamner
le carnage des tours jumelles de Manhattan. Et il s'empressa
d'exhumer le mandat d'arrêt lancé dès 1995
contre Oussama ben Laden, soupçonné d'orchestrer
les maquis islamistes laminés depuis lors en Cyrénaïque.
«Nous combattons dans la même tranchée»,
tonne celui que le défunt Ronald Reagan tenait pour un
«chien enragé». Pieux croyant séduit
par le socialisme réel, au point d'encourir des procès
en apostasie, le Guide n'a jamais ménagé les «cheikhs
obtus et rétrogrades», enclins à miser sur
la facture sociale de l'isolement. Voilà de quoi adoucir
le profil de cet improbable allié, passé sur l'autre
rive de l'axe du mal.
Il est tentant de gloser sur les foucades, les colères
et les lubies du qaïd; de s'égarer dans les méandres
de ses écrits abscons (1); de scruter les sorties théâtrales
de ce Fregoli des sables, capable de parader le même jour
en djellaba, en costard immaculé et en veste d'apparat.
Mais ces frasques masquent mal le pragmatisme du despote, mû
avant tout par l'instinct de survie. Le vétéran
des chefs d'Etat arabes - il fêtera le 1er septembre prochain
ses trente-cinq ans de pouvoir sans partage - doit sa longévité
à un sens inné du louvoiement. «Il a toujours
deux, voire trois fers au feu», constate un confident
de son héritier présomptif, Seïf. En Bédouin
madré, Kadhafi choie les caciques tribaux, soigne les
galonnés et les rares rescapés de l'épopée
révolutionnaire, tout en flattant la jeune garde du business.
Dès lors, comment tenir pour acquise la conversion de
ce prince de l'équivoque? Lors de son escapade bruxelloise,
le Guide s'est livré à un tortueux plaidoyer en
faveur du terrorisme, unique recours laissé à
l'opprimé. L'entourage peine à épouser
le nouveau cours. Directeur de l'Académie de la Jamahiriya,
le philosophe Rajab Boudabbous soutient sans ciller que le régime
«n'a rien à voir avec Lockerbie». Conservateur
en chef de l'utopie kadhafiste, ce casuiste marxisant, diplômé
de l'université d'Aix-en-Provence, où il plancha
sur la «liberté sartrienne», concède
du bout des lèvres quelques «erreurs», telle
la brutale étatisation du commerce de 1973. Le peuple
boude les réunions des Congrès populaires, cellules
de base de la Jamahiriya? «Nous pourrions aisément
forcer les gens à y assister. Mais mieux vaut faire de
la pédagogie.»
Une évidente impatience
populaire
Un brouillard tenace voile aussi le chantier économique.
Le credo semble limpide: haro sur le secteur public, inefficace
et pléthorique; gloire à l'entreprise privée
et aux capitaux étrangers. On prédit la privatisation
de 360 sociétés d'ici à 2008. Las! les
lois revues et corrigées peinent à effacer des
décennies de routine et d'incurie. Issue d'une lignée
prospère de commerçants de Benghazi, Ibtisam ben
Amer détient depuis deux ans la franchise du chocolatier
Jeff de Bruges. Une réussite, en dépit de revers
fâcheux: il arrive qu'une cargaison végète
une semaine à l'aéroport de Tripoli. «Un
détail, nuance Ibtisam. L'âge d'or des affaires
commence.» Adel Ali Alfadly ne peut qu'acquiescer. Cet
ingénieur en aéronautique a atterri dans le fauteuil
de patron de Golden Beaches. Réceptions, mariages, tourisme:
la société de services familiale doit son aisance
aux amitiés haut placées de ses dirigeants et
à l'émergence d'une caste de nouveaux riches.
Pour autant, maints investisseurs et nombre d'exilés
bardés de diplômes attendent pour plonger que se
dissipe le flou. «On sent que ça bouge, note un
Suédois. Hélas! la corruption, absente à
l'ère du purisme révolutionnaire, fleurit à
tous les échelons depuis dix ans.»
Dans les rues et les souks, l'impatience devient palpable.
Bercés par le Net et les chaînes satellitaires,
les enfants de l'embargo se demandent vers quels cieux s'évapore
le pactole pétrolier. «Regarde ma rue! peste un
boutiquier de Benghazi dans un sabir fait d'arabe, d'italien
et d'anglais. C'est sale et c'est moche. Voilà cinq mois
que je suis dingue d'une fille, et je n'ai pas de quoi lui offrir
une bague.» Sur le front de mer tripolitain, Taher vend
chaque après-midi des cigarettes en rêvant à
son enfance galloise. «Ça me paie le transport
jusqu'au lycée, et parfois un CD de Britney Spears ou
de Jennifer Lopez.» Si les loyers restent dérisoires,
le chômage touche 30% des actifs. Les autres perçoivent
avec deux ou trois mois de retard des traitements gelés
depuis des lustres. Le naufrage de l'enseignement et de la santé
garnit les caisses des écoles et des cliniques privées.
Les mieux lotis filent consulter en Tunisie, voire en Europe,
des médecins libyens expatriés. Importée
d'Egypte, du Maroc, voire de Turquie, avec l'aval d'officiers
de renseignement en quête d'indics, la drogue ronge le
tissu social. C'est d'ailleurs pour endiguer ce fléau
que naquit la fondation du cadet Kadhafi. Un temps toléré
par le Guide soi-même, l'envol de la prostitution a fissuré
les traditions. Au point qu'il fallut rapatrier par avion des
bourgeoises oisives parties monnayer leurs charmes au Caire.
Majoritaires dans les amphis, les Libyennes jouissent pourtant
d'un statut que leur envient les sœurs arabes. «Chez
nous, guère de mariages forcés, confie une célibataire.
Les filles se maquillent, prennent soin de leur corps et de
leur tenue. L'essor du foulard islamique? On le coiffe moins
par conviction religieuse que sous la pression de l'entourage.»
Distinguo spécieux quand le fiancé enjoint à
sa promise de soustraire son visage aux regards masculins. Naguère
icône des musulmanes émancipées, Aïcha,
la blonde fille de Muammar, a, paraît-il, adopté
le hidjab. Etudiante à la Sorbonne, cette pasionaria
aurait aussi, l'an dernier, quitté avec fracas le temple
parisien du savoir, suspecté de «colonialisme».
Si le panache du «Frère Guide», adepte du
coup d'éclat permanent, suscite une fascination résiduelle,
sa frénésie africaine laisse les Libyens de marbre.
Tripoli n'en finit plus de «rompre définitivement»
avec la famille arabe, jugée couarde au temps de l'embargo,
et courtise le continent noir avec une sollicitude étouffante.
«S'il tient à nous ramener au niveau du Tchad ou
du Niger, c'est bien parti, ironise un étudiant provincial.
Mais ça ne rime à rien: nous vivons les yeux tournés
vers l'Europe.» A Tunis, le 22 mai, lors du sommet de
la Ligue arabe, Kadhafi claque la porte de la séance
inaugurale, non sans glisser à son voisin, l'Egyptien
Hosni Moubarak, que la blonde qu'il fume avec délectation
pour tromper son ennui est «une américaine».
Sans doute les «Etats-Unis d'Afrique» ne sont-ils
que l'ultime avatar d'une ambition fusionnelle. Celle d'un visionnaire
à l'étroit dans son bac à sable. Il suffit
de consulter le site Web du Guide - algathafi.org - pour mesurer
sa vocation de médiateur universel. Les Corée,
le Cachemire, le Darfour soudanais, la Côte d'Ivoire,
les Grands Lacs: pas un conflit ne résiste à ses
formules miracles. Et surtout pas l'imbroglio israélo-palestinien:
la paix suppose la création de l'Etat d' «Isratine».
En clair, «un pays pour deux peuples».
Des prétendants à
la succession
Rendu le 6 mai, le verdict du procès de Benghazi a douché
bien des ardeurs. Accusés d'avoir sciemment inoculé
le virus du sida à plus de 400 enfants - dont 46 avaient
alors succombé - cinq infirmières bulgares et
un médecin palestinien de l'hôpital pédiatrique
local ont été condamnés à mort.
Certains aveux furent extorqués sous la torture? La cour
a réfuté les rapports de sommités mondiales?
Qu'importe. Dans une Libye traumatisée et volontiers
xénophobe, la thèse du complot ourdi par la CIA
et le Mossad israélien fait fureur. Le Guide ménage
ainsi le clan des durs, que hérisse le flirt occidental.
Et aura, si nécessaire, beau jeu de manifester sa mansuétude.
«Laissons la procédure d'appel suivre son cours,
suggère Seïf al-Islam Kadhafi, qui se dit «choqué»
par la sentence. Après, on verra.» Pas plus que
les autres, le chapitre des droits de l'homme n'échappe
à l'ambivalence. Témoin, le rapport de mission
- la première depuis 1988 - d'Amnesty International,
publié le 27 avril. Le diagnostic tient en une formule:
en progrès, mais doit mieux faire. Le document salue
la libération, depuis 2001, de plusieurs centaines de
détenus d'opinion, mais dénonce les internements
arbitraires, le recours à la torture et le maintien de
la peine capitale. «Faux, s'insurge Seïf. La situation
est meilleure chez nous qu'aux Etats-Unis. Combien de prisonniers
de conscience? Zéro!» Il faut dire que les militants
islamistes, fussent-ils pacifiques, n'ont pas droit à
ce label. «Un de mes cousins a passé une décennie
à l'ombre sans jugement, confie un juriste de Benghazi.
Un autre, condamné à cinq ans, est sorti après
quatorze années. Moi, j'ai prié Dieu pour l'échec
du rapprochement Tripoli-Washington. Car, depuis qu'il a quitté
la ligne de mire, Kadhafi n'a plus besoin de lâcher du
lest.»
Tel une diva en perpétuelle tournée d'adieux,
Kadhafi feint de songer à descendre du trône pour
couler une retraite paisible auprès de son idole, Nelson
Mandela. «Si sa santé ne le trahit pas, objecte
un éditorialiste, il est là pour vingt ans.»
Reste que ces fausses confidences alimentent - en privé
- les arguties sur la succession. Le tableau des prétendants
tient du portrait de famille (lire l'article : Kadhafi ou l'éternel
défi). Fils unique d'une première union, Mohammed,
l'aîné de la fratrie, règne pour l'heure
sur les télécommunications et le Comité
olympique. Sans nourrir en apparence de plus hautes ambitions,
à l'inverse de son puîné Seïf al-Islam
(«Glaive de l'islam»). Avocat fervent de la réforme,
ce fringant trentenaire, chauve bien que né coiffé,
partage son temps entre Londres, où il prépare
un doctorat de sciences politiques, et sa bonbonnière
mauresque des environs de Tripoli. Quand il ne joue pas les
émissaires du Guide. Noceur assagi, «l'ingénieur
Seïf» peut, au gré des circonstances, négocier
aux Philippines la libération des otages de Jolo ou transmettre
à l'Elysée l'invitation paternelle. Il admet aussi
avoir «joué un rôle» dans la genèse
des pourparlers sur les armes de destruction massive, sinon
lors de la promotion de Choukri Ghanem, Premier ministre. Architecte
et économiste de formation, «le Glaive» supervise
en outre les investissements à l'étranger de la
Lafico et d'Oilinvest, deux holdings aux performances médiocres,
qu'il s'apprête à «remanier en profondeur».
Autant de missions passées sous silence par une presse
aux ordres. «Un peu comme s'il s'agissait de le protéger»,
hasarde un diplomate. Une certitude: quand le fils du chef récuse
tout destin dynastique - «Je ne suis pas prince héritier»
- on ne le croit guère. Quelques libyanologues imaginent
même un «ticket» formé avec le benjamin,
Motassem, officier et médecin, dont le profil rassurerait
les dignitaires tribaux, les galonnés et l'appareil sécuritaire.
Les Libyens peuvent tout pardonner à Seïf, y compris
son train de vie fastueux, sa petite amie autrichienne, et un
goût pour la peinture que, au grand soulagement des amateurs
d'art, il n'a plus le temps de pratiquer, pourvu qu'il leur
épargne le moment venu une transition chaotique. Son
cadet, Saadi, suscite moins d'indulgence. La rue raille volontiers
les prétentions de ce dévot du ballon rond, vice-président
de la Fédération libyenne de football et capitaine
de la sélection nationale, qui doit moins à son
talent de buteur qu'à sa fortune d'avoir rallié
l'an dernier l'équipe italienne de Pérouse. Ou
plutôt son banc de touche: en une saison, le remplaçant
de luxe a joué un petit quart d'heure, et ce face à
la Juventus de Turin dont le clan Kadhafi détient 7,5%
du capital... Notre colonel de réserve pâtit aussi
de l'échec - cuisant - de la candidature de Tripoli à
l'organisation du Mondial 2010. Le 10 mai, à la veille
du verdict, une péritonite providentielle le dispensa
de plaider face à la presse le dossier à Monaco,
en prélude à un gala que le prince Albert, Nicole
Kidman et Johnny Depp devaient, à en croire le bristol,
honorer de leur présence. Faute de mieux, Saadi aura
réussi l'exploit de rabibocher papa Muammar avec le foot,
sport que ce dernier traite avec un souverain mépris
dans l'une de ses nouvelles. «Ne le sous-estimez pas,
avertit un initié. Il est, avec Aïcha, le rejeton
favori.» Les enfants Kadhafi ont au moins ceci en commun:
le sens des affaires. «Ils marchandent la rente que leur
vaut leur pedigree», grince un investisseur. Voilà
peu, à Paris, un conseiller en placement s'est entendu
réclamer 6 000 euros de droit d'entrée par deux
intermédiaires se prévalant du soutien d'Aïcha
Kadhafi, par ailleurs marraine d'une institution charitable.
Les tabous ont la vie dure. Un édito prônant l'instauration
d'un régime présidentiel a coûté
son poste au rédacteur en chef du Zahf al-Akhdar, le
journal des Comités révolutionnaires. L'épisode
reflète la capacité de nuisance, certes déclinante,
de la vieille garde. Emplois fictifs, logements gratuits, voitures
japonaises ou coréennes importées à vil
prix: la réforme risquerait d'être fatale aux prébendes
des apparatchiks. «Sur les 25 000 membres des comités,
affirme Seïf al-Islam, trois ou quatre renâclent.
Pas plus.» Maintes fois accusé de reddition idéologique,
voire de «trahison», Choukri Ghanem connaît
la chanson: chaque année, le chef du gouvernement et
ses ministres, qu'il choisit rarement, doivent s'aventurer dans
l'arène du Congrès national du peuple, le temps
d'une corrida rituelle et enfiévrée. «Ghanem
n'a aucun pouvoir, jubile Rajab Boudabbous, le gardien du dogme.
En cas de déviance, il sera arrêté et jugé.»
«Le train a quitté la gare, rétorque un
journaliste en cour. Il ne fera pas machine arrière,
mais ne peut rouler trop vite sous peine de dérailler.
J'ignore juste où et quand il s'arrêtera.»
On aimerait aussi savoir dans quel état les passagers
en descendront. Et deviner le nom du machiniste.
(1) Voir Escapade en enfer (Favre).
Post-scriptum
Le secrétaire américain adjoint au commerce, William
Lash, a annoncé le jeudi 3 juin, à Tripoli, que
les exportations de pétrole libyen vers les Etats-Unis
avaient repris, ainsi que l'ouverture de discussions pour l'achat
par la Libye d'avions Boeing. Les réserves prouvées
de la Libye sont estimées à 36 millions de barils.