victimes attentat

(jeudi 5 août 2004)

Kadhafi, Ben Laden, la CIA et les opérations « homo »

 

Le 11 septembre 2001, le jour où le monde tremble, le colonel Muammar Kadhafi fait une étonnante déclaration. Il se solidarise avec ses «ennemis» américains: «Malgré le conflit avec les Etats-Unis, c’est un devoir humain de montrer sa sympathie avec l’Amérique, avec le peuple américain, et d’être avec eux lors de ces événements horribles qui doivent réveiller la conscience humaine.» Il approuve l’invasion de l’Afghanistan où Ben Laden se cache et entraîne ses terroristes. Plus étonnant encore, le colonel suggère aussi aux Etats-Unis de s’en prendre à la banlieue de Londres… Kadhafi a sa logique: c’est là où sont basés ses opposants islamistes liés à Al-Qaida. Et qui tentent depuis des années de l’assassiner, avec le discret soutien de Londres et de Washington. Pour se venger, les services libyens montent une opération qui échoue pour des raisons logistiques, nous révèle une source proche des services de renseignement occidentaux. Cinq agents libyens infiltrés tentent d’assassiner Ben Laden dans son fief afghan de Kandahar lors du mariage de l’un de ses fils, Ahmed Ben Laden, en janvier 2001.

Ce sont bien les amis de Ben Laden qui, avec l’appui anglo-saxon, ont initié ces opérations «homo». Au mois de novembre 1996, selon un ancien agent secret britannique chargé de l’Afrique du Nord, Londres organise avec les islamistes libyens alliés de la nébuleuse d’Al-Qaida un attentat contre Kadhafi (1). Le soir du 31 mai 1998, à Sidi Khilifa (Libye), Kadhafi échappe à un feu nourri de tireurs embusqués islamistes alors qu’en bon Bédouin qui déteste l’avion il se rend en voiture en Egypte. Il est blessé au coude, trois membres de sa garde sont tués. L’attentat est revendiqué dans le quotidien de langue arabe «Al Hayat», publié à Londres, par le Mouvement islamique des Martyrs, branche armée du Groupe islamique combattant, composé de quelque 400 Libyens «afghans» opérant dans la région de Benghazi.

Dans la confrontation qui les oppose à Kadhafi, Washington et Londres ont décidé d’instrumentaliser les islamistes, comme ils le font alors contre l’URSS en Afghanistan. Ils hébergent ces opposants à Londres avec le soutien du MI 5, et sans doute aussi celui de la CIA. Kadhafi réagit. Après les tentatives d’assassinat contre le leader, des bombes explosent. Ces attentats sont attribués aux services libyens. Même si, dans certains cas, comme l’explosion du DC10 d’UTA qui tue 54 Français, l’implication directe de Tripoli reste à démontrer. Etouffé par un embargo décrété après ces actions terroristes, le régime de Kadhafi voit la contestation islamiste intérieure, nourrie par la crise économique et sociale, prendre de l’ampleur. Dans les années 1990, des affrontements armés, peu médiatisés, opposent les forces du colonel aux contestataires musulmans. Kadhafi arrive à réduire la rébellion, militairement et politiquement, et desserre l’embargo grâce à ses concessions à la communauté internationale. Les attentats du 11 septembre 2001 vont lui donner l’occasion de se débarrasser de la seule force capable de menacer son régime: Washington ne bombarde pas la banlieue de Londres, mais les opposants libyens sont placés sous surveillance, certains arrêtés et expulsés vers Tripoli.

(1) «Ben Laden. La vérité interdite», par Guillaume Dasquié et Jean-Claude Brissard, Denoël, 2001.

Jean-Baptiste Naudet

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