TRIPOLI (AFP) - La Libye a fêté mercredi dans la
discrétion le 35e anniversaire de la "révolution
du 1er septembre", alors que le pays est engagé dans
un prcoesus d'ouverture tous azimuts après plus de deux
décennies de repli.
Le temps fort de ces festivités, ponctués de
feux d'artifices sur les places publiques, a été
le discours de deux heures, plus court que d'habitude, prononcé
dans sa ville natale de Syrte par le "Frère-Guide",
le colonel Mouammar Kadhafi, en costume blanc cassé,
devant des centaines de cadres des "Comités Populaires".
Romano Prodi, président sortant de la Commission européenne,
était l'hôte de marque de ces festivités.
Sa présence est considérée par Tripoli
comme une caution apporté par l'Union Européenne
(UE) au nouveau cap suivi par la Libye après deux décennies
de repli.
"Le monde a changé" a été le
liemotiv du discours du colonel Kadhafi pour expliquer sa politique
d'ouverture tous azimuts vers l'Occident, Etats-Unis en tête.
"Nous nous sommes beaucoup insultés, mais en fin
de compte nous étions tous perdants", a-t-il dit
pour justifier le virage pris.
Dans les chancelleries occidentales des décisions importantes
étaient attendues, notamment la création d'un
poste de Président de l'Etat, qui ne sont pas venues.
Le colonel Kadhafi ne détient officiellement aucune fonction
étatique. Il est le "fondateur, l'inspirateur, le
guide" de la révolution, qui a renversé la
monarchie des Senoussi en 1969, et créé la "Jamhariyah"
("Etat des masses"), gouverné en théorie
par les "comités populaires".
Le colonel Khadafi a appelé à cette occasion
les "penseurs, professeurs et intellectuels" aux Etat-Unis
à adopter "l'Etat des masses", "théorie
médiane entre le capitalisme et le communisme",
et à "offrir ce modèle au monde dans le cadre
du nouvel ordre mondial".
"Comme l'Union soviétique s'est effondrée,
le capitalisme, l'impérialisme et la théorie représentative
(démocratie parlementaire) vont s'écrouler aussi",
a prophétisé le colonel Khadafi. Son discours
était entrecoupé de militants qui se dressaient
soudain dans la salle pour chanter ses louanges, lui apporter
le soutien bruyant de leurs mandants ou lui souhaiter la "victoire
d'Allah".
Le "Frère-Guide" a rappelé sur un ton
apaisé les péripéties des relations tourmentées
de la Libye avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France
après les attentats de la discothèque La Belle
de Berlin en 1986, contre un Boeing de la Pan Am au dessus de
Lockerbie (Ecosse) en 1988 et contre un DC-10 de l'UTA en 1989.
"La Libye a fait preuve d'une volonté inébranlable
dans son refus de la capitulation et est parvenue à des
solutions pacifiques (...) avec des grandes puissances avec
lesquelles elle aurait pu entrer en conflit, comme (cela s'est
passé) en Irak et en Yougolsavie", a dit le colonel
Kadhafi, en mettant cette "issue pacifique" à
l'actif de sa politique de "la main tendue".
Depuis avril 2003, la Libye a reconnu sa responsabilité
civile dans l'attentat de Lockerbie (270 morts), signé
un accord avec la France pour dédommager les victimes
de l'attentat du DC-10 d'UTA (170 morts) et a conclu, en août,
un accord sur le dédommagement de victimes de l'attentat
contre la discothèque La Belle.
M. Khadafi, qui avait surpris le monde en décembre 2003
en reconnaissant que la Libye développait un programme
d'armes de destruction massive (ADM) et qu'elle s'engageait
à y renoncer, a conseillé à toutes les
puissances nucléaires "des Etats-Unis à la
Chine, à suivre l'exemple libyen en se débarrassant
de leurs ADM".
Tripoli et Washington ont renoué leurs relations diplomatiques
en juin après une rupture de 24 ans. Les compagnies pétrolières
américaines se préparent à revenir en masse
en Libye.
Par ailleurs la flotte américaine se prépare
à mouiller pour la première fois depuis 25 ans
en Libye pour débarquer une cargaison de vivres à
destination du Darfour (au Soudan), dans le cadre d'une opération
humanitaire à laquelle Tripoli, à la grande satisfaction
de Washington, a accepté de s'associer.