La visite de Michel Barnier en Libye constitue la première
visite officielle d’un chef de la diplomatie française
depuis celle effectuée par Dominique de Villepin en octobre
2002. Elle devrait être «l’occasion d’approfondir,
avec les autorités libyennes, notre dialogue politique»,
a fait savoir le ministre des Affaires étrangères
français.
Cette visite devrait permettre «d’évoquer
le processus de rapprochement de la Libye avec l’Union
européenne», a précisé le ministère.
En effet, le contentieux est lourd et la reprise des relations
ne se fait qu’à petits pas, mais la Libye tend
toutefois à normaliser ses relations envers la communauté
internationale. Elle a entamé l’an dernier une
politique de réconciliation avec l’Occident en
versant 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de
l’explosion d’un Boeing de la Pan Am -qui s’était
écrasé, en 1988, à Lockberbie en Ecosse
(270 morts). Par ailleurs, le 10 août dernier, la Fondation
Kadhafi et l’Allemagne étaient parvenues à
une négociation concernant le dédommagement des
victimes non-américaines de l’attentat, en avril
1986, de la discothèque «la Belle» (3 morts,
260 blessés), un attentat que la justice allemande avait
accusé l’Etat libyen et ses services secrets d’avoir
planifié à partir de l’ambassade libyenne
à Berlin-Est.
Sur le plan bilatéral, le coup d’envoi de cette
relance est intervenu en janvier dernier, quand Tripoli s’est
engagé à verser 170 millions de dollars aux familles
des victimes de l’attentat contre le DC10 d’UTA
survenu en 1989 (170 morts). Ce réchauffement diplomatique
s’est poursuivi, en avril 2004, avec la visite officielle
en France du Premier ministre libyen, Choukri Ghanem. Lors de
cette visite, la France et la Libye ont signé des accords
économiques pour aplanir le terrain en faveur des entreprises
pétrolières ou aéronautiques, au moment
même où toute la communauté internationale
commence à se presser au portillon libyen, avide de ses
richesses et impatiente de décrocher ses commandes.
Mise au ban de la scène internationale pendant plus
de dix ans, la Libye s’était vu imposer un embargo
aérien, un embargo sur les armes et des mesures pesant
sur son industrie pétrolière. Mais le processus
du retour de la Libye dans la communauté des nations
a progressé en décembre 2003 lorsque Tripoli a
déclaré renoncer à toute arme de destruction
massive. Dans les prochaines semaines, les dernières
sanctions de l’Union européenne devraient être
levées, notamment concernant l’interdiction de
livraisons d’armes.
Une politique de réconciliation avec l’Occident
A l’instar de Tony Blair, le Premier ministre britannique
qui s’était rendu en mars dernier en Libye pour
sceller une réconciliation avec l’ex-«Etat-voyou»
et signer des contrats, Michel Barnier rend visite à
son homologue Abdel-Ramane Chalkham et au Premier ministre Choukri
Ghanem, entendant bien consolider et «approfondir le dialogue
politique» amorcé, autrement dit défendre
sa place sur le marché: le pétrole représente
toujours 96 % des importations françaises, et la société
Total devrait finaliser un projet ambitieux de partenariat stratégique
avec NOC, la compagnie nationale libyenne.
Le dossier de l’immigration clandestine devrait également
être abordé à Tripoli, dans le cadre des
relations entre l’Union européenne, l’Afrique
et la Méditerranée. En effet, la Tunisie et la
Libye s’avèrent être les principaux pays
de départ des migrants clandestins. Pour mieux maîtriser
l’afflux de ces candidats à l’exil en Europe,
l’organisation internationale pour les migrations (OMI)
propose de créer des centres de transit en dehors des
frontières de l’Union européenne. Les immigrants
y seraient informés, et leurs demandes soumises à
étude. Tandis que l’Allemagne et l’Italie
sont favorables à cette proposition, la France, s’appuyant
sur l’expérience peu convaincante du centre de
Sangatte, s’y oppose. Michel Barnier a souligné
que la solution de fond «passe évidemment par l’approfondissement
de la coopération entre Européens et Méditerranéens,
l’approfondissement de la coopération notamment,
visant à créer des projets créateurs d’emplois
et donnant aux jeunes le sentiment que finalement ils peuvent
rester chez eux et y trouver les moyens de vivre dignement comme
ils peuvent légitimement l’espérer, mais
la discussion se poursuit».
Dominique Raizon
Article publié le 06/10/2004
Dernière mise à jour le 06/10/2004 à 17:20
(heure de Paris)