LE MONDE | 11.10.04 | 13h36
Bruxelles
de notre bureau européen
Au moment où l'Union européenne
s'apprête, à la demande de l'Italie, à lever
son embargo sur les ventes d'armes à la Libye, elle reste
divisée sur l'éventuelle levée de l'embargo
imposé à la Chine. Les ministres des affaires étrangères,
réunis lundi 11 octobre à Luxembourg, devaient entériner
leur accord sur la Libye et constater une fois de plus leur désaccord
sur la Chine.
C'est la France qui demande avec insistance la
levée de l'embargo sur les armes à destination de
la Chine. Elle fait valoir qu'à l'heure où se met
en place entre l'Europe et la Chine un "partenariat stratégique",
qui passe par le renforcement des relations politiques et économiques,
un tel embargo, décrété en 1989, ne correspond
plus à l'état des relations entre Pékin et
les capitales européennes. Paris rappelle que l'Union s'est
donné en 1998 un code de conduite qui proscrit les exportations
d'armes lorsque celles-ci peuvent être utilisées
à des fins de répression interne ou mettre en péril
les équilibres régionaux. La levée de l'embargo,
disent-ils, aurait surtout une valeur symbolique. Enfin la France
juge anormal qu'alors que la Libye va bénéficier
d'un geste de l'Union celle-ci traite la Chine comme le Zimbabwe,
le Soudan et la Birmanie, trois pays également soumis à
un embargo.
PRESSIONS AMÉRICAINES
Les efforts de persuasion de la France n'ont
toutefois pas porté leurs fruits. L'Irlande et le Danemark
demandent que la Chine manifeste sa bonne volonté sur les
droits de l'homme avant que l'Union puisse envisager la levée
de l'embargo. La Grande-Bretagne, la Suède, la République
tchèque estiment qu'une telle décision serait prématurée.
A ceux qui s'étonnent que la Libye et la Chine soient traitées
différemment, la Commission fait observer que l'embargo
libyen a été imposé en 1986 pour des raisons
liées au terrorisme et que celui frappant la Chine est
lié aux violations des droits de l'homme. Les Etats-Unis,
qui appliquent les mêmes sanctions, mènent campagne
contre une levée de l'embargo européen, qui pourrait,
disent-ils, porter atteinte à la stabilité de la
région.
Un représentant du gouvernement américain,
Gregory Suchan, sous-secrétaire d'Etat adjoint pour les
affaires politico-militaires au département d'Etat, a rencontré
il y a quelques jours à Bruxelles plusieurs ambassadeurs
des Etats membres. Il a déclaré à la presse,
après ses entretiens, que la levée de l'embargo
constituerait "un sérieux obstacle" au développement
des relations entre les Etats-Unis et les pays européens
en matière de défense. Il s'est dit "sceptique"
sur l'efficacité du code de conduite invoqué par
la France et convaincu qu'en levant l'embargo l'Europe adresserait
à la Chine un "mauvais message".
Thomas Ferenczi
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.10.04
|