Chronique Europe du 11/10/2004
C'est Tony Blair qui scelle en mars dernier
la réconciliation de la Libye avec la communauté
occidentale en se rendant à Tripoli. La visite est historique.
Le Premier ministre britannique représente à la
fois les Etats-Unis et l'Union européenne, qui saisissent
la main tendue par le colonel Kadhafi. Le dirigeant libyen a
renoncé à la fin de l'année précédente
aux programmes d'armes de destruction massive et reconnu sa
responsabilité dans l'attentat de Lockerbie, ce village
écossais au-dessus duquel s'est abîmé en
1988 un appareil américain faisant 270 morts. Tripoli
s'engage à indemniser les familles des victimes, ainsi
que celles disparues deux ans plus tôt lors de l'attentat
contre la discothèque «La belle» de Berlin.
Le rapprochement va alors s'accélérer.
En avril le président de la commission
européenne reçoit le colonel Kadhafi en grande
pompe à Bruxelles. Puis c'est l'Italie qui prend le relais
sur un autre sujet. Le Premier ministre italien se rend à
Tripoli en août pour signer un accord de coopération
concernant la lutte contre l'immigration clandestine. Car la
Libye constitue une porte d'entrée pour les réfugiés
d'Afrique qui espèrent passer en Europe, via l'Italie
et plus particulièrement par la petite île de Lampedusa
qui a vu durant tout l'été des milliers de réfugiés
affluer. Cette urgence-là va pousser Rome à faire
pression sur l'Union toute entière. Car l'Italie veut
pouvoir vendre à la Libye du matériel de surveillance
de ses 2 000 km de côtes. Mais les hélicoptères,
vedettes et radars tombent sous le coup de l'embargo européen.
Cet obstacle-là sera donc supprimé aujourd'hui,
ouvrant peut-être la voie à d'autres mesures contre
l'immigration clandestine comme l'installation encore controversée
de camps de transit permettant à l'Union européenne
de se décharger en partie sur la Libye de la gestion
des flux migratoires.
Enfin l'autre élément crucial pour cette relance
de la relation, ce sont les hydrocarbures. Jeudi dernier, Silvio
Berlusconi et son nouvel allié libyen inauguraient un
gazoduc entre la Libye et la Sicile permettant de faire transiter
dix milliards de mètres cube de gaz par an. Quant au
pétrole, de très bonne qualité et au coût
d'extraction relativement peu élevé, il pourrait,
à production constante, fournir un million et demi de
barils par jour durant cinquante ans, alors que seul le tiers
du territoire a été exploré. On comprend
mieux que le chancelier allemand soit attendu à son tour
dans quelques jours à Tripoli tandis que le président
français prendrait sa suite dans les mois qui viennent.