Le chancelier allemand Gerhard Schroeder rencontre vendredi
en Libye son dirigeant Mouammar Kadhafi, redevenu fréquentable
après avoir renoncé à soutenir le terrorisme,
dans l'espoir de promesses d'une coopération de Tripoli
dans la lutte contre ce fléau et de juteux contrats.
Cette première visite d'un chancelier allemand n'a pu
intervenir qu'après l'accord signé début
septembre par la Fondation Kadhafi pour dédommager les
victimes de l'attentat contre une discothèque berlinoise,
attribué aux services libyens à Berlin. L'explosion
en 1986 à la discothèque La Belle, fréquentée
par des soldats américains, avait fait trois morts et
260 blessés, et gelé les relations politiques
entre les deux pays.
En venant à Tripoli, M. Schroeder marche sur les traces
des numéros uns britannique, italien, espagnol, et devrait
être suivi par le président Jacques Chirac d'ici
la fin de l'année.
»Nous assistons à un développement très
positif que nous ne pouvons qu'encourager. L'Allemagne veut
contribuer à ce que le développement positif»
engagé à Tripoli »soit durable», et
à »rendre le tournant de la Libye irréversible»,
a-t-on souligné à Berlin de sources gouvernementales,
en relevant qu'il ne revenait pas à l'Allemagne d'analyser
les causes du revirement libyen.
Cette visite »est une contribution allemande à
la stabilisation du Grand Moyen Orient» et doit servir
»à éviter à tout prix le choc des
civilisations».
Le chancelier s'efforcera, dans deux entretiens prévus
avec le colonel Kadhafi, d'»impliquer» encore davantage
la Libye dans le travail des instances intenationales qui luttent
contre le terrorisme, a-t-on ajouté.
Berlin veut aussi amener la Libye à s'intégrer
au »processus de Barcelone», ou partenariat euro-méditerranéen,
lancé en 1995, dont la Libye est seulement observatrice
depuis 1999.
L'Allemagne souligne aussi le rôle de Kadhafi en faveur
de l'Union africaine. Dans ce contexte aussi, la réforme
de l'Onu et notamment du conseil de sécurité sera
évoquée. La Libye est avec le Nigeria, l'Afrique
du Sud et l'Egypte, l'un des quatre candidats africains à
un siège permanent au conseil. On refusait de se prononcer
à Berlin sur ces candidatures, mais on relevait parallèlement
l'appui libyen à la candidature allemande.
A Berlin, on observe que normalisations politique et économique
vont de pair et qu'un »intérêt énorme»
des milieux économiques allemands a accompagné
les préparatifs, 80 de leurs représentants ayant
demandé à participer au voyage.
Seulement 25 patrons, représentant les plus grands groupes
allemands (Siemens, Lufthansa, Bilfinger Berger, etc) seront
de la partie, pour négocier sur le développement
des capacités d'exploitation de gaz et de pétrole,
la modernisation de raffineries ou la construction d'infrastructures.
Les échanges et investissements allemands en Libye sont
déjà intenses. La Libye est le 4e fournisseur
de pétrole de l'Allemagne (11% des importations allemandes),
qui a avec elle un volume total d'échanges de 2,3 milliards
d'euros.
Les droits de l'Homme seront également évoqués,
notamment la condamnation à mort de cinq infirmières
bulgares accusées d'avoir provoqué une épidémie
de sida dans un hôpital pédiatrique, selon une
source gouvernementale allemande. Leur cause »tient très
à coeur» au chancelier, qui a déjà
plaidé en leur faveur lors d'une conversation téléphonique
avec Kadhafi, indique-t-on de même source.
La proposition des ministres de l'Intérieur allemand
et italien Giuseppe Pisanu et Otto Schily, sur la création
de »guichets européens de l'immigration»
en Afrique du Nord, notamment sur la côte libyenne longue
de 2.000 km, ne devrait pas être un sujet majeur des entretiens,
Berlin estimant que rien n'est décidé au sein
de l'UE.
M. Schroeder quittera vendredi soir Tripoli pour Alger, pour
une visite d'une journée consacrée aussi à
la coopération contre le terrorisme et l'intensification
des rapports économiques.