LE MONDE |
30.10.04 | 19h32
Le chef de maquis du GSPC était détenu depuis
mars par des rebelles du Tibesti, au nord du Tchad.
Cette fois, c'en est fini de l'aventure. Amar
Saïfi dit "Abderrazak le para", l'un des chefs
de maquis islamistes les plus recherchés d'Algérie,
a finalement été livré par la Libye à
son pays d'origine, comme l'ont annoncé, jeudi 28 octobre,
les autorités à Alger, après une longue cavale
et huit mois de captivité chez des rebelles du Tibesti,
au nord du Tchad.
Comment l'un des responsables du plus important
groupe islamiste armé algérien a-t-il pu se trouver
ainsi, prisonnier des sables tchadiens, avant d'être livré
par la Libye ? Amar Saïfi, ex-parachutiste, né de
père algérien et de mère française,
était devenu le chef de la zone V, à l'est de l'Algérie,
du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC),
la plus importante organisation islamiste armée du pays.
Après de nombreuses attaques contre des civils et des militaires,
son groupe avait enlevé un groupe de 32 touristes européens
pendant l'été 2003, obtenant le versement d'une
rançon de 5 millions d'euros du gouvernement allemand pour
la libération d'une partie d'entre eux.
"UNE CERTAINE CUPIDITÉ"
Aprés avoir acheté des armes avec
le butin dans le nord du Mali, les hommes du GSPC avaient entamé
une chasse aux otages dans le désert, qui les avait menés,
depuis le Sud algérien jusqu'au nord du Tchad. C'est là,
dans la région du Tibesti, que le para et ses hommes ont
été intercepté, le 16 mars, par les rebelles
du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad
(MDJT). Amar Saïfi venait de perdre une partie de son matériel
et de son groupe après un accrochage avec les troupes tchadiennes,
informées de son arrivée dans la région par
les Etats-Unis.
Depuis, Abderrazak, colosse aux yeux clairs,
se trouvait à son tour dans la peau d'un captif. Les rebelles
du MDJT ont essayé, très vite, de négocier
cette grosse prise avec l'Algérie, sous certaines "conditions",
notamment financières, qu'Alger n'a jamais accepté.
La Libye, alors, a tenté de résoudre la question,
avec l'appui de l'Allemagne, confrontée à l'impossibilité
de traiter directement avec des rebelles. Mais les relations entre
Tripoli et le MDJT sont au plus bas depuis que le chef des rebelles
tchadiens, Youssouf Togoïmi, est mort dans la capitale libyenne
dans des conditions que ses proches jugent "suspectes".
En définitive, c'est bien par la Libye,
pourtant, que le para a été exfiltré, au
nez et à la barbe du MDJT. "Des Toubous - ethnie présente
à la fois en Libye et au Tchad - libyens l'ont emmené
jusqu'en Algérie", assure une source du MDJT. Qui,
alors, a scellé le sort du para ? "Il y a eu une certaine
cupidité dans l'affaire", indique une source proche
du MDJT, "les Algériens avaient multiplié les
interlocuteurs ces derniers temps".
En définitive, c'est un "petit commandant
de zone plus ou moins dissident", de la rébellion
tchadienne selon un de ses responsables, qui a enlevé l'affaire.
Il s'agirait du commandant Chidi Tchiguili, qui était chargé
de la surveillance d'Abderrazak le para, détenu à
l'écart de ses treize compagnons de détention.
Leur capital envolé, que reste-t-il au
MDJT ? "Nous allons essayer d'éviter l'affrontement
fratricide", se désole un responsable. Entre manque
à gagner et risque de scission, le coup est rude. Le 11
octobre, Hassan Abdallah Mardegue, le chef du mouvement, exigeait
que l'Algérie vienne chercher le para avant le 1er janvier,
faute de quoi des "mesures irréversibles" seraient
prises.
Jean-Philippe Rémy
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 31.10.04 |