Quinze ans
après les faits, les assureurs du DC10 d'UTA, victime d'un
attentat au-dessus du désert du Ténéré
(Niger), veulent obtenir réparation. Ils vont intenter
un procès à l'Etat libyen et six de ses ressortissants
reconnus coupables de la destruction de l'aéronef. Selon
nos informations, La Réunion aérienne, Allianz Marine
& Aviation, AXA Corporate Solutions, vont déposer aujourd'hui
une assignation auprès du tribunal de grande instance de
Paris. Ils réclament le dédommagement des indemnités
versées aux victimes, à la compagnie aérienne
et aux créanciers de l'appareil soit plus de 100 millions
d'euros; intérêts légaux compris.
En début d'année, la Fondation Kadhafi s'est engagée
à verser 170 millions de dollars aux familles des victimes.
Les assureurs avaient également entamé des négociations
avec Tripoli pour être indemnisés, mais celles-ci
ont été brutalement interrompues au printemps. Motif
officiel invoqué : le remaniement du gouvernement libyen.
Faute de pouvoir renouer le dialogue avec le régime de
Mouammar Kadhafi, les assureurs reviennent à là
charge sur le terrain judiciaire.
Un appel à Jacques Chirac
L'enjeu est de taille. Après la catastrophe, La Réunion
Aérienne, apériteur du contrat, et ses coassureurs
avaient versé 34 millions d'euros (40 millions de dollars)
à la compagnie UTA et à son créancier hypothécaire,
ainsi que 15,8 millions d'euros aux ayants droit des membres de
l'équipage et des passagers étrangers (les indemnités
aux familles des passagers français avaient été
prises en charge par le fonds de garantie des victimes d'attentat).
Avec intérêts de droits capitalisés au jour
du paiement, ils évaluent aujourd'hui la réparation
à 109 millions d'euros. Les membres appartenant à
l'époque au GIE La Réunion Aérienne prétendraient
à environ la moitié des indemnités. Les coassureurs,
la Camat (achetée par AGF, puis intégrée
dans Allianz: Marine & Aviation) et AXA Corporate Solutions
se partageraient le solde.
Les compagnies ont bon espoir de récupérer, cette
somme. La Libye s'est en effet engagée en octobre 2002
à exécuter toutes les française contre le
DC10 d'UTA. Mais, pour que la peine soit appliquée, l'influence
de la diplomatie française sera probablement déterminante.
Or, ses moyens de pression se sont rétrécis depuis
la levée de la plupart des sanctions commerciales imposées
à la Libye par l'Union européenne. « Une
fois que toutes les sanctions .seront levées, il est à
craindre que les Libyens soient plus difficiles à convaincre
de nous dédommager », reconnaît l'une
des compagnies concernées. Les trois assureurs du DC10
s'étaient rapprochés du ministère français
des Affaires étrangères afin que Michel Barnier
plaide leur cause lors de sa visite en Libye début octobre.
L'action en justice intentée à Paris fait aussi
office d'appel à Jacques Chirac, qui doit à son
tour se rendre à Tripoli à la fin de ce mois, afin
de sceller le réchauffement des relations avec la «
Jamahiriya ».
GUILLAUME MAUJEAN
Quinze ans de procédure
19 septembre 1989 :
l'explosion d'une valise piégée à bord du
vol 772 d'UTA, au-dessus du Niger, fait 170 morts de 17 nationalités
différentes.
Octobre 1991 :
un juge français émet des mandats d'arrêt
internationaux contre six Libyens, dont le beau-frère du
colonel Kadhafi.
Mars 1999 :
une cour d'assises de Paris condamne par contumace les six suspects
à la réclusion « criminelle à perpétuité.
Juillet 1999 :
la Libye ne reconnaît pas sa responsabilité mais
accepte de verser 34 millions de dollars aux familles des victimes.
Septembre 2003 : la France demande une revalorisation des indemnités
à la suite de l'accord sur le versement de 2,7 milliards
de dollars aux familles des victimes de l'attentat de Lockerfaie.
Janvier 2004:
le ministre libyen des Affaires étrangères signe
à Paris un accord prévoyant une indemnisation des
victimes du DCÏO à hauteur de 170 millions de dollars.
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