par Christine Ollivier
PARIS (AP) - Premier président français à
se rendre en Libye depuis l'indépendance du pays en 1951,
Jacques Chirac est attendu mercredi à Tripoli pour une
visite destinée à marquer la "normalisation"
entre deux pays que le terrorisme a longtemps séparés.
Le 19 septembre 1989, un DC10 d'UTA explosait en plein vol
au-dessus du désert du Ténéré faisant
170 morts, dont 54 Français. Quatorze ans plus tard,
en septembre 2003, le gouvernement libyen et les associations
de familles de victimes aboutissaient à un accord d'indemnisation
à hauteur d'un million de dollars par victime.
Ce préalable levé, Paris souhaite désormais
«ouvrir un nouveau chapitre» des relations franco-libyennes.
En renonçant publiquement au terrorisme et aux armes
de destruction massive, «la Libye a tourné un certain
nombre de pages», a souligné mardi le porte-parole
de l'Elysée Jérôme Bonnafont. Vis-à-vis
des familles de victimes françaises, elle a fait en particulier
«un certain nombre de gestes forts et nécessaires,
et concrets».
Selon lui, Tripoli a payé effectivement les indemnisations
promises et «il semble que les versements aient été
complets». La Libye a également accepté
de régler sa dette de 44,4 millions d'euros à
l'égard de la Coface, la compagnie française d'assurance-crédit
des exportations. «Un premier versement a été
effectué voici deux jours» et «un deuxième
versement est attendu avant la fin de l'année»,
a précisé le porte-parole de l'Elysée.
»Maintenant que ces préalables sont levés,
les temps sont mûrs pour cette normalisation», a-t-il
résumé.
Sur le plan personnel, les relations entre Jacques Chirac et
le colonel Kadhafi risquent toutefois de rester compliquées.
Lors d'un sommet euro-maghrébin «5+5» en
décembre 2003 en Tunisie, les deux hommes s'étaient
ostensiblement ignorés, n'échangeant pas même
un regard.
De fait, le président français est un des derniers
responsables européens à faire le déplacement
depuis la levée des sanctions de l'UE en janvier 2004.
L'ont devancé l'ancien chef du gouvernement espagnol
José Maria Aznar et le Premier ministre britannique Tony
Blair.
En octobre, le président du Conseil italien, Silvio
Berlusconi, a inauguré quant à lui un gazoduc
de plusieurs milliards de dollars reliant la Libye à
l'Italie. Quelques jours plus tard, c'était au tour du
chancelier allemand Gerhard Schröder d'inaugurer un puits
de pétrole dans le désert libyen.
Du coup, Jacques Chirac emmènera aussi dans ses valises
une vingtaine de chefs d'entreprise, dont le PDG de Dassault
Aviation Charles Edelstenne, celui de Thales Denis Ranque, celui
de Gaz de France Jean-François Cirelli et le PDG de Total
Thierry Desmarest. Car les sociétés pétrolières
françaises fondent quelques espoirs sur les ressources
libyennes. Ses réserves pétrolières sont
estimées à 29,5 milliards de barils, soit 3% du
total mondial. Cinquième partenaire commercial de Tripoli,
la France lui achète chaque année pour 1,53 milliard
d'euros de pétrole.
Dans ce contexte, «Total espère pouvoir conclure
un certain nombre d'accords avec les Libyens, qui sont en cours
de discussion en ce moment et qui porteraient sur des questions
d'ingénierie, d'exploration ou de commercialisation»,
a expliqué mardi Jérôme Bonnafont. Total
fait partie des groupes européen qui étaient restés
en Libye dans les années 1980 malgré les sanctions.
Le Premier ministre libyen Shokri Ghanem a dit espérer
lundi que cette visite du président français permettrait
de développer les relations commerciales entre les deux
pays. Cela «montre le désir de la France d'accroître
sa coopération avec la Libye, en particulier sur le plan
économique», a-t-il souligné. Outre le domaine
pétrolier, Paris a fait part selon lui d'un intérêt
particulier pour une coopération accrue dans les secteurs
de l'aéronautique, de la santé, et de l'électricité
notamment.
Concernant les droits de l'homme, Jacques Chirac devrait évoquer
en particulier le sort réservé aux cinq infirmières
bulgares et au médecin palestinien condamnées
à mort par la justice libyenne pour avoir selon elle
volontairement infecté plus de 400 enfants avec le virus
du sida.
AP
co/Bg