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(Mardi 23 novembre 2004, 15h49)

Jacques Chirac officialise la normalisation des relations avec Tripoli

par Christine Ollivier

PARIS (AP) - Premier président français à se rendre en Libye depuis l'indépendance du pays en 1951, Jacques Chirac est attendu mercredi à Tripoli pour une visite destinée à marquer la "normalisation" entre deux pays que le terrorisme a longtemps séparés.

Le 19 septembre 1989, un DC10 d'UTA explosait en plein vol au-dessus du désert du Ténéré faisant 170 morts, dont 54 Français. Quatorze ans plus tard, en septembre 2003, le gouvernement libyen et les associations de familles de victimes aboutissaient à un accord d'indemnisation à hauteur d'un million de dollars par victime.

Ce préalable levé, Paris souhaite désormais «ouvrir un nouveau chapitre» des relations franco-libyennes. En renonçant publiquement au terrorisme et aux armes de destruction massive, «la Libye a tourné un certain nombre de pages», a souligné mardi le porte-parole de l'Elysée Jérôme Bonnafont. Vis-à-vis des familles de victimes françaises, elle a fait en particulier «un certain nombre de gestes forts et nécessaires, et concrets».

Selon lui, Tripoli a payé effectivement les indemnisations promises et «il semble que les versements aient été complets». La Libye a également accepté de régler sa dette de 44,4 millions d'euros à l'égard de la Coface, la compagnie française d'assurance-crédit des exportations. «Un premier versement a été effectué voici deux jours» et «un deuxième versement est attendu avant la fin de l'année», a précisé le porte-parole de l'Elysée. »Maintenant que ces préalables sont levés, les temps sont mûrs pour cette normalisation», a-t-il résumé.

Sur le plan personnel, les relations entre Jacques Chirac et le colonel Kadhafi risquent toutefois de rester compliquées. Lors d'un sommet euro-maghrébin «5+5» en décembre 2003 en Tunisie, les deux hommes s'étaient ostensiblement ignorés, n'échangeant pas même un regard.

De fait, le président français est un des derniers responsables européens à faire le déplacement depuis la levée des sanctions de l'UE en janvier 2004. L'ont devancé l'ancien chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar et le Premier ministre britannique Tony Blair.

En octobre, le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a inauguré quant à lui un gazoduc de plusieurs milliards de dollars reliant la Libye à l'Italie. Quelques jours plus tard, c'était au tour du chancelier allemand Gerhard Schröder d'inaugurer un puits de pétrole dans le désert libyen.

Du coup, Jacques Chirac emmènera aussi dans ses valises une vingtaine de chefs d'entreprise, dont le PDG de Dassault Aviation Charles Edelstenne, celui de Thales Denis Ranque, celui de Gaz de France Jean-François Cirelli et le PDG de Total Thierry Desmarest. Car les sociétés pétrolières françaises fondent quelques espoirs sur les ressources libyennes. Ses réserves pétrolières sont estimées à 29,5 milliards de barils, soit 3% du total mondial. Cinquième partenaire commercial de Tripoli, la France lui achète chaque année pour 1,53 milliard d'euros de pétrole.

Dans ce contexte, «Total espère pouvoir conclure un certain nombre d'accords avec les Libyens, qui sont en cours de discussion en ce moment et qui porteraient sur des questions d'ingénierie, d'exploration ou de commercialisation», a expliqué mardi Jérôme Bonnafont. Total fait partie des groupes européen qui étaient restés en Libye dans les années 1980 malgré les sanctions.

Le Premier ministre libyen Shokri Ghanem a dit espérer lundi que cette visite du président français permettrait de développer les relations commerciales entre les deux pays. Cela «montre le désir de la France d'accroître sa coopération avec la Libye, en particulier sur le plan économique», a-t-il souligné. Outre le domaine pétrolier, Paris a fait part selon lui d'un intérêt particulier pour une coopération accrue dans les secteurs de l'aéronautique, de la santé, et de l'électricité notamment.

Concernant les droits de l'homme, Jacques Chirac devrait évoquer en particulier le sort réservé aux cinq infirmières bulgares et au médecin palestinien condamnées à mort par la justice libyenne pour avoir selon elle volontairement infecté plus de 400 enfants avec le virus du sida.

AP
co/Bg

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