TRIPOLI (AP) - La page sombre du terrorisme d'Etat libyen est
bel et bien tournée pour Paris. Accueilli "en ami"
par le colonel Kadhafi, Jacques Chirac a célébré
mercredi à Tripoli les "retrouvailles" franco-libyennes.
Premier président français à fouler le
sol libyen depuis l'indépendance du pays en 1951, Jacques
Chirac a été salué dès sa descente
de voiture par le "guide de la révolution",
Moammar Kadhafi, devenu fréquentable depuis la levée
des dernières sanctions pesant contre son pays, en janvier
dernier.
Dans l'enceinte du palais Bab Azizia, les deux hommes ont passé
en revue les troupes libyennes, puis le colonel Kadhafi a longuement
montré à son invité six panneaux géants
disposés autour de l'esplanade, reproduisant des scènes
célèbres de la Révolution française,
pour mieux faire un parallèle avec celle qui l'avait
porté au pouvoir en 1969.
Le colonel Kadhafi a ensuite entraîné Jacques
Chirac à l'intérieur de son ancienne résidence,
frappée en 1986 par des missiles américains. Sans
faire de commentaires, le président français a
signé le registre qui s'y trouvait pendant que le leader
libyen lui montrait, au sol, les fragments d'un missile américain.
Certes, les relations entre la France et la Libye ont "connu
de fortes turbulences" dans le passé, notamment
avec les attentats de Lockerbie, du DC10 d'UTA et de la discothèque
La Belle à Bern, a reconnu Jacques Chirac. Mais "cette
période difficile" est désormais "révolue".
Tripoli ayant renoncé aux armes de destruction massive
et indemnisé les familles des victimes des attentats,
l'heure était donc mercredi aux "retrouvailles".
"Nous voici entrés dans une phase dynamique et positive,
avec la volonté de part et d'autre de reconstruire un
dialogue fort et d'établir un vrai partenariat",
s'est félicité Jacques Chirac. Il s'exprimait
devant les représentants de la communauté française
en Libye, forte de seulement 481 membres. Déjà,
"le chemin parcouru" depuis janvier 2004 s'annonce
prometteur, a-t-il estimé. "Nous devons maintenant
le consolider et avancer".
Lors d'un entretien entre les deux hommes dans la tente du
colonel Kadhafi, le "guide" s'est dit "heureux
d'accueillir un ami", selon le porte-parole de l'Elysée,
Jérôme Bonnafont.
Dans ce contexte, Jacques Chirac a souhaité l'établissement
entre les deux pays d'un "partenariat politique régulier"
pour évoquer les "questions d'intérêt
commun", mais aussi celles de sécurité.
Venu accompagné d'une vingtaine de chefs d'entreprises
français, dont le pétrolier Total, M. Chirac a
aussi plaidé pour un renforcement de la coopération
économique entre Paris et Tripoli, en particulier dans
les secteurs pétroliers et aéronautiques et dans
les domaines de l'énergie et des télécommunications.
Moammar Kadhafi, après avoir renoncé à
ses programmes d'armes de destruction massive, notamment nucléaires,
a de son coté réclamé en contrepartie des
transferts de technologies pour développer son industrie
civile. Selon son porte-parole, le président français
lui a réaffirmé que la France était "prête"
à de tels transferts "en direction de tous les pays
qui respecteraient les normes internationales", notamment
en matière de non-prolifération.
Les propos tenus par le colonel Kadhafi, dans lesquels il qualifiait
d'"erreur" l'intervention de l'armée française
en Côte d'Ivoire, ne paraissait en tout cas pas devoir
gâcher l'ambiance. MM. Chirac et Kadhafi devaient évoquer
les questions internationales lors d'un dîner officiel
mercredi soir.
Paris envisage désormais de construire une nouvelle
ambassade à Tripoli. "Le moment est venu d'offrir
à la France les moyens de tenir sa place et son rang
en Libye", a déclaré Jacques Chirac.
AP
co/cre/sop