TRIPOLI (AFP) - Le président français Jacques
Chirac est arrivé mercredi après-midi à
Tripoli pour sceller la réconciliation avec la Libye
après sa renonciation au terrorisme et tenter de profiter
de l'ouverture économique de ce pays riche en pétrole.
L'Airbus présidentiel s'est posé à 17h00
(15h00 GMT) sur l'aéroport militaire de Matouga.
M. Chirac devait ensuite se rendre immédiatement au
palais de Bab Azizia, où il devait recevoir les honneurs
avant un premier entretien avec le numéro un libyen,
le colonel Mouammar Kadhafi.
Les grandes artères du bord de mer de la capitale étaient
pavoisées de drapeaux tricolores français et verts
libyens. D'immenses affiches représentaient aussi de
hauts faits de la Révolution française de 1789,
comme la prise de la Bastille, pour saluer cette première
visite d'un président de la République française
depuis l'indépendance de la Libye en 1951.
En face du grand hôtel où doit résider
M. Chirac, une affiche géante célèbre "2004:
la rencontre des pionniers", allusion à la France
révolutionnaire et à la Jamahiriya libyenne instaurée
en 1969 par le colonel Kadhafi.
Cette visite officielle de 24 heures vient "sceller la
normalisation entre les deux pays après le règlement
de tous les problèmes en suspens", a affirmé
le Premier ministre libyen Choukri Ghanem.
En écho, le porte-parole de la présidence française
Jérôme Bonnafont a déclaré que le
déplacement de M. Chirac vise à "ouvrir un
nouveau chapitre dans les relations" avec la Libye, "un
grand pays maghrébin, méditerranéen et
africain".
Cette volonté commune de tourner la page sur leurs relations
tumultueuses n'empêchent pas le numéro un libyen
de souffler le chaud et le froid.
Dans une interview au quotidien français Le Figaro paru
mercredi, il souhaite que les deux pays "conjuguent leurs
efforts pour aider l'Afrique". Mais c'est pour ajouter
aussitôt: "c'était une erreur d'intervenir
en Côte d'Ivoire" et cela risque d'avoir "une
influence négative sur les relations afro-françaises".
Le président français doit s'adresser mercredi
en fin d'après-midi aux quelque 500 membres de la communauté
française de Libye, à la résidence de l'ambassade
de France, puis être l'hôte à dîner
du colonel Kadhafi.
MM. Chirac et Kadhafi doivent avoir un nouvel entretien jeudi
matin.
L'atmosphère devrait être plus chaleureuse que
lors de leur dernière rencontre, au sommet euro-maghrébin
de Tunis, en décembre 2003, où les deux dirigeants
s'étaient ostensiblement ignorés, sans s'adresser
un mot en public.
Les deux pays étaient alors encore en pleine négociation
pour l'indemnisation des familles des victimes de l'attentat
contre le DC-10 d'UTA en 1989 (170 morts). Ce dossier est aujourd'hui
réglé, la Libye ayant versé 170 millions
de dollars aux familles, comme elle l'a fait pour les attentats
de Lockerbie et contre une discothèque berlinoise.
Depuis que Tripoli a également annoncé avoir
renoncé au terrorisme et aux armes de destruction massive,
les Européens sont venus en nombre à Tripoli,
notamment le Britannique Tony Blair, l'Italien Silvio Berlusconi
et l'Allemand Gerhard Schroeder.
Pour M. Ghanem, la visite de M. Chirac témoigne de la
volonté de la France de renforcer sa coopération
avec la Libye, "surtout dans les domaines économiques
et pétrolier".
La France est soucieuse d'obtenir une part du marché
pétrolier libyen aujourd'hui dominé par les Américains,
au moment où Tripoli veut doubler sa production pour
atteindre 3 millions de barils/jour en 2010, ce qui nécessite
des investissements de 30 milliards de dollars d'ici à
cette date.
M. Chirac emmène ainsi avec lui une délégation
d'une vingtaine de chefs d'entreprise, dont les PDG du groupe
pétrolier Total, de Gaz de France et du groupe d'électronique
de défense Thalès.
Il quittera Tripoli jeudi à la mi-journée pour
se rendre à Ouagadougou, au dixième sommet de
la Francophonie qui sera dominé par la crise en Côte
d'Ivoire.